Alors que des députés de l'opposition préconisaient de faire appel aux opérateurs de téléphonie mobile pour comptabiliser les manifestants mobilisés lors de défilés contre le mariage pour tous, le ministre de l'Intérieur vient d'écarter une telle solution. Trop d'inconvénients, a jugé en substance Manuel Valls. Explications.
En janvier dernier, alors que la méthode utilisée par les autorités pour comptabiliser les manifestants opposés au projet de loi sur le mariage pour tous se trouvait critiquée, plusieurs députés soumettaient une idée au gouvernement. Emportés par le député UMP du Maine-et-Loire, Jean-Charles Taugourdeau, Céleste Lett et Laure de la Raudière, eux aussi élus de l'opposition, proposaient que les opérateurs de téléphonie mobile révèlent le nombre de leurs abonnés présents le jour de la manifestation dans une zone précise, un peu comme la justice peut leur l’exiger dans le cadre de certaines procédures.
Jean-Charles Taugourdeau détaillait d’ailleurs de la manière suivante le mécanisme d’une telle proposition :
« Tout téléphone mobile en position allumée communique avec les stations de base situées à proximité, autrement appelées BTS. Ce sont les "antennes" visibles sur les toits, mais qui existent aussi sous forme de micro-antennes installées à quelques mètres de haut le long des immeubles dans les endroits très fréquentés. Et ces antennes, même si le téléphone affiche, "réseau indisponible", voire "recherche" enregistrent le nombre d'utilisateurs qui lui sont connectés, ou essayent de le faire.
Sachant que le taux d'équipement des Français en téléphonie mobile dépasse désormais largement 100 % et que même la plupart des jeunes en sont aujourd'hui équipés, seuls les enfants en bas âge ne peuvent être décomptés par ce moyen. Tous les téléphones, y compris ceux qui ne peuvent passer ni appels ni SMS, étant enregistrés par les fichiers de "logs" des BTS, les opérateurs mobiles sont en mesure de rendre publics les nombre d'abonnés s'étant connectés à leurs équipements sur le Champ de Mars et alentours, et de déduire, par rapport à un trafic normal sur la zone, combien d'abonnés en plus s'y trouvaient. »
Des risques d'atteintes à la vie privée et de calculs faussés selon Valls
Dans sa réponse aux parlementaires, le ministre de l’Intérieur balaye sans en avoir l’air la solution mise en avant par ces élus. Manuel Valls estime en effet qu’une telle méthode de comptage « présente deux inconvénients ». D’un, il pointe « le risque que les participants se donnent un mot d'ordre pour venir avec 2 ou 3 téléphones portables, faussant ainsi le calcul ». De deux, la place Beauvau considère que cette méthodologie « comporte un risque d'atteinte à la vie privée des manifestants dans la mesure où ceux-ci pourraient être identifiés, affectant ainsi leur droit à l'anonymat ». Le ministre ne s’étend pas plus sur la question, une façon d’adresser une fin de non-recevoir.
Valls rappelle néanmoins aux trois députés que la méthode de comptage des manifestants « repose sur des relevés de terrain précis et rigoureux effectués par des fonctionnaires de police de la direction du renseignement ». Il y a en fait d’après lui deux techniques : des agents positionnés en hauteur, à deux endroits du cortège, et qui « enclenchent un compteur à main à chaque ligne de manifestants, après avoir préalablement calculé le nombre de personnes présentes sur chaque ligne ». Une première méthode « d'une totale objectivité » selon la Place Beauvau. Seconde option, utilisée notamment lors des défilés d'importance significative : le recomptage à partir des enregistrements vidéos de la manifestation.