Alors que le Multi-Gig gagne du terrain, on commence seulement à le voir débarquer sur des cartes mères à tarif abordable. HardKernel a néanmoins fait le pari de cette connectique pour sa dernière Odroid H2+ vendu aux alentours de 160 euros et qui a tout pour plaire. Nous l'avons testée.
Dans le milieu des Single Board Computer (SBC), les machines à base de SoC ARM ont la cote, le Raspberry Pi 4 en particulier. Mais cela a aussi donné des idées à des constructeurs travaillant sur des solutions à base de processeurs Intel. Le coréen HardKernel est l'un d’eux. Cet été, il a dévoilé son modèle H2+.
Une carte reprenant grosso modo le format NUC d'Intel (110 x 110 mm) avec un processeur Celeron J4115, deux emplacements SO-DIMM (DDR4) et une connectique complète : deux ports S-ATA (alimentation et données), un M.2 (NVMe, 4x PCIe 2.0, 2280), un eMMC, deux USB 2.0, deux USB 3.0 (5 Gb/s), un duo de sorties vidéo DisplayPort 1.2 et HDMI 2.0, deux jack, un S/PDIF optique. Mais surtout deux connecteurs réseau à 2,5 Gb/s (Realtek RTL8125B).
Bref, une machine apparamment parfaite pour un NAS maison, remplaçant avec brio la précédente H2. Le tout pour un tarif plutôt abordable : 161 euros depuis la France. Si elle est proposée à 119 dollars sur le site du constructeur, il faut ajouter 42 dollars de frais de port pour une longue expédition depuis la Corée du sud.
Il suffit ensuite d'ajouter une alimentation (externe), de la mémoire et du stockage pour obtenir une machine fonctionnelle. HardKernel vend d'ailleurs des accessoires, comme des boîtiers pouvant accueillir HDD/SSD. Mais au-delà de la théorie, que vaut un tel produit dans la pratique ?
Pour le savoir, nous avons commandé une carte pour l'utiliser dans différentes situations.
Première étape : jouer au LEGO
La carte étant vendue nue, il faut la compléter. Nous l'avons fait avec 2x 8 Go de DDR4 Kingston à 2,4 GHz, un SSD A1000 de 240 Go et une alimentation DC externe d'un ASUS PN50 (19V pour 3,42 A). Sur ce sujet, HardKernel recommande 15V pour 4A, mais précise que l'on peut utiliser des adaptateurs de 14V à 20V (connecteur 5,5/2,1 mm).
L'Odroid H2+ est un clone de la H2, avec seulement le changement de certains composants et donc une rétrocompatibilité des accessoires. Elle est livrée avec une pile ronde (CR2032) pour la sauvegarde des données du BIOS hors secteur et un guide de démarrage plutôt léger, en anglais. Une documentation complète est fournie par ici.
On regrette que les câbles d'alimentation spécifiques pour le S-ATA ne soient pas de la partie, là aussi il faudra passer à la caisse (3 dollars). Certains auraient également apprécié d'avoir la possibilité d'ajouter une carte Wi-Fi sans avoir recours à un port USB, avec un connecteur M.2 dédié sur le PCB.
Mais vu le peu de place disponible, c'était sans doute impossible :

Le montage est aisé : il suffit d'insérer la mémoire, de connecter un SSD/HDD, les périphériques et de démarrer. À ce propos, deux boutons (Power/Reset) sont présents sur le PCB. Un bloc de 24 broches (Expansion header) est présent sur le PCB, comprenant deux broches pour déporter le bouton Power. Il fournit les éléments suivants :
- 1x DC 5V
- 1x DC 3,3V
- 5x GND
- 2x UART (TXD/RXD/RTS/CTS)
- 2x I2C (SCL/SDA)
- 1x Bouton Power
- HDMI-CEC, 5VA+, D+, D-
- 3,3V I/O signal level
Ce n'est pas aussi complet qu'un Raspberry Pi 4, mais on trouve déjà de quoi alimenter et contrôler plusieurs appareils et accessoires tiers si jamais tel est votre objectif. Le HDMI CEC n'est accessible que via une carte à y connecter, vendue séparément. Un connecteur PWM (4 broches) est présent pour ajouter un ventilateur au CPU.
On démarre !
Le premier démarrage peut être long, cela a notamment été le cas avec certains modules mémoire. Malheureusement aucune information visuelle n'est donnée à l'utilisateur pendant cette phase. Il aura seulement droit à un bal de lumières via les cinq LED présentes sur le PCB à côté des deux boutons :
- Rouge (PWR) : statut de l'alimentation
- Bleue (ALIVE) : allumée quand le système est démarré
- Bleue (RESET) : allumée quand le bouton Reset est pressé
- Orange (SATA) : clignote en cas d'activité sur les HDD/SSD S-ATA
- Verte (NVME) : clignote en cas d'activité sur le SSD M.2 NVMe
Le BIOS est plutôt complet pour une carte de ce genre, l'accès se faisant en pressant la touche Suppr au démarrage de la machine. Le constructeur diffuse parfois des mises à jour au sein de sa documentation.
Celeron J4115 : quelles performances ?
Passons maintenant à ce que cette machine a dans le ventre, à commencer par son processeur. Si la référence Celeron J4115 ne vous dit rien, c'est normal : même le site ARK d'Intel ne la connaît pas.
Pourtant elle est très utilisée par certains constructeurs. Dans la pratique, il s'agit d'un CPU de la génération Gemini Lake Refresh, la dernière disponible en date avec une base Atom. Il est de type 4C/4T, avec 4 Mo de cache et une fréquence maximale de 2,5 GHz. Il s'agit en réalité d'un Celeron J4105 retouché.
La différence principale est à chercher du côté de la fréquence de base, plus élevée. Elle passe en effet de 1,5 à 1,8 GHz, toujours avec un TDP de 10 watts. La puce devrait donc être légèrement plus efficace en moyenne.
Notre première série de tests a consisté à installer la machine sous Windows 10 pour effectuer différents relevés. Tout s'est bien passé et l'ensemble des composants a été reconnu par l'installation de la version d'octobre 2020, notamment les deux ports réseau à 2,5 Gb/s. Il nous a par contre fallu installer manuellement les pilotes chipset d'Intel.
Le benchmark intégré à CPU-Z 1.94 attribue 198 points au Celeron J4115 utilisé sur un seul cœur, 784 points lorsque les quatre sont utilisés. Selon nos relevés sur OpenSSL (via WSL 2) il obtient ces résultats :
- Signatures/seconde :
- 1 CPU : 62
- 4 CPU : 242
- Vérifications/seconde :
- 1 CPU : 4 022
- 4 CPU : 15 684
On est à peu près à la moitié du score d'un Ryzen V1500B avec un nombre de cœurs équivalent. À l'inverse, on obtient un score doublé par rapport à un Raspberry Pi 400. Comme l'on pouvait s'y attendre, c'est également légèrement plus élevé que ce que nous avions relevé avec un NAS équipé d'un J4105.
Une machine efficace, mais limitée
L'usage en bureautique est fluide et ne posera pas de problème pour qui veut en faire un petit PC familial, même s'il y a d'autres machines plus adaptées à cela comme la Chuwi HeroBox que nous avions testé par exemple.
Lorsqu'il est utilisé, le CPU reste aux alentours de 40/50°C dans une pièce à 18°C. Après plusieurs heures de charge, ses performances sont stables avec une température de 75/76°C. Une fois la charge stoppée, il retombe rapidement à un peu plus de 50°C. Après un long temps de repos, il termine à 33°C.
Pour ce qui est de la consommation, on est sur une moyenne de 7 watts au repos à la prise, 10 watts lorsqu'un cœur est utilisé via OpenSSL, 15 watts lorsque c'est l'ensemble des cœurs. C'est donc bien plus élevé que ce que nous avions relevé avec un Celeron N4100 (entre 2 et 10 watts) qui est aussi légèrement moins performant. On note néanmoins qu'un travail d'optimisation aurait pu être fait pour grappiller quelques watts.
Concernant le stockage M.2, ne cherchez pas à utiliser un SSD ultra-rapide avec une telle carte. Elle montrera en effet rapidement ses limites en la matière. Ainsi, voici nos résultats avec le A1000 de Kingston (240 Go) donné pour 1 500 Mo/s en lecture et 800 Mo/s en écriture, des scores que l'on dépasse sur une machine classique :
Les performances du SSD A1000 de 240 Go sur l'Odroid H2+ (à gauche) puis sur une carte mère Z490 (à droite)
Ces chiffres sont néanmoins largement suffisant pour opérer des transferts via les connecteurs réseau à 2,5 Gb/s, fournissant chacun, 270/280 Mo/s de débit. Ils pourront être utilisés simultanément ou en redondance.
Compatibilité Linux : ce n'est pas encore ça
Pour utiliser une telle machine comme un NAS, encore faut-il trouver un système qui l'accepte comme tel. Et autant dire qu'ici, ce n'est pas gagné. En effet, le pilote nécessaire n'a été intégré au module r8169 que cet été, cela mettra donc du temps à se propager au sein des différentes distributions Linux.
Tant Debian 10.7 qu'Ubuntu 20.10 ne géraient ainsi pas nativement les puces RTL8125B. On en viendrait presque à regretter qu'une des deux n'ait pas été un modèle à 1 Gb/s. Cela prouve néanmoins que tout bidouilleur doit avoir un adaptateur RJ45/USB sous la main pour ce genre de situation. On en trouve pour 15 euros environ.
Il y a néanmoins des solutions. Ce dépôt contient ainsi une version compilée du pilote distribué sous forme de paquet APT pour Debian et ses dérivés, un PPA simple à mettre en place pour Ubuntu, etc. Vous pouvez aussi télécharger et installer manuellement le pilote depuis le site de Realtek, mais ce sera plus compliqué.
Pour les adeptes de FreeNAS, certains se sont déjà penchés sur le sujet et proposent des pilotes prêts à l'emploi. Si vous voulez une solution clé en main, il faudra pour le moment patienter ou aller voir ailleurs.
Une bonne carte, un écosystème limité
Cette Odroid H2+ a donc (presque) tout du NUC idéal. Celui que l'on aimerait qu'Intel propose avec une connectique et un tarif similaire. Mais le constructeur est trop concentré sur les usages bureautiques et Thunderbolt pour proposer un tel produit. C'est aussi pour cela que l'on a besoin d'acteurs comme HardKernel.
Ce dernier paie néanmoins sa faible distribution en France. La carte est annoncée à 119 dollars mais cela implique de payer chèrement une expédition depuis la Corée du Sud. Les adeptes d'Ali Express pourront la trouver dans les 140 euros, là aussi avec un long délai d'attente. Kubii la vend à 161 euros mais elle n'y est pas toujours disponible.
On aimerait aussi qu'un écosystème plus large se construise autour de cette carte. Certes, HardKernel propose des boitiers officiels, mais leur look ne joue pas forcément en leur faveur et tout le monde n'aura pas la patience de se construire une solution maison ou de se tourner vers l'impression 3D.
Le boîtier officiel Odroid H2 Type 1 vendu 20 dollars : on peut y mettre deux HDD, mais le design laisse à désirer
Il y a bien le modèle de KKSB, mais là aussi avec les différents frais il faut compter plus de 40 euros pour une livraison en France. On voit ici une large différence avec les Rapberry Pi qui comptent des centaines de sociétés qui proposent chacune de nombreux accessoires. Ici, ce n'est pas le cas.
En l'état, la carte s'adresse donc surtout aux bidouilleurs qui n'auront pas peur de l'utiliser à nu, à ceux qui voudront se faire un petit NAS/serveur, en attendant que les pilotes soient nativement gérés sous Linux. Du côté des accessoires et de la portée de l'écosystème, espérons que la mise sur le marché de cartes aussi intéressante que cette Odroid H2+ fasse naître des vocations, car elle a du potentiel.
Nous l'utiliserons d'ailleurs pour plusieurs projets de début d'année. Si vous avez des demandes ou des idées, n'hésitez pas à nous en faire part au sein des commentaires.