Le Wi-Fi 6 arrive à peine dans nos foyers, le Wi-Fi 6E pointe son nez à l'horizon, mais la suite se prépare déjà. Car mettre d'accord tout un secteur autour d'une nouvelle norme prend des années. On sait donc déjà ce que le Wi-Fi 7 devrait nous apporter, on vous explique tout.
Si le Wi-Fi 6 (802.11ax) a été finalisé assez récemment – le programme de certification a tout juste un an – les points d‘accès et autres terminaux mobiles ont sauté le pas bien avant en se basant sur des brouillons de la norme. Comme nous l’avions rappelé, il ouvre la voie à des améliorations sur la bande des 5 GHz, mais aussi des 2,4 GHz (qui avait été laissé de côté par le Wi-Fi 5). Son débit peut atteindre 9,6 Gb/s en théorie.
De telles évolutions se préparent pendant des années. La suite est déjà en préparation et l’air de rien, cela fait maintenant un peu plus de deux ans que les travaux sur le Wi-Fi 7 ont débuté. Si on est encore loin d’avoir une vision complète de ce que proposera cette nouvelle version, les grandes lignes en sont déjà dessinées.
Plusieurs constructeurs ont d'ailleurs déjà publié des documents assez complets que nous avons décortiqués pour vous. Si toutes les fonctionnalités ne sont pas encore finalisées (loin de là), les améliorations iront bien au-delà d’une augmentation du débit maximum théorique. On parle d'ores et déjà d'atteindre 46 Gb/s (cumulés).
Et voici le Wi-Fi 7 (802.11be), prévu pour 2024
Le Wi-Fi 7 sera basé sur la norme IEEE 802.11be Extremely High Throughput (EHT) de l’IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers). Pour rappel, le Wi-Fi 6 correspond au 802.11ax, le Wi-Fi 5 au 802.11ac, etc.
Les prémices du Wi-Fi 7 remontent à mai 2018, avec la création d’un Topic Interest Group (TIG) au sein de l’IEEE, suivi par un Study Group en juillet de la même année et enfin un Task Group en mai 2019. Les travaux sont prévus durer jusqu’en mai 2024, date à laquelle la version finale du Wi-Fi 7 devrait être mise en ligne.
Bien évidemment, la rétrocompatibilité sera de mise, aussi bien du côté des terminaux que des points d’accès, y compris avec le Wi-Fi 6E sur la bande des 6 GHz attendu pour l'année prochaine (peut être plus tard en France).

Des blocs de 320 MHz… bon courage en France
Le Wi-Fi 7 vise large puisqu’il sera compatible avec les fréquences comprises entre 1 et 7,250 GHz. Il pourra exploiter des blocs jusqu’à 320 MHz – au lieu de 160 MHz maximum en Wi-Fi 5/6 – avec la possibilité d’en agréger deux de 160 MHz ou quatre de 80 MHz. Pour rappel, un canal Wi-Fi représente 20 MHz.
Mieux encore, grâce au Multi-RU (Puncturing) il sera possible d'aggréger des blocs de fréquences non contiguës, présentant donc des « trous ». Le but étant de s’arranger au mieux avec les différentes réglementations locales qui empêchent parfois l’utilisation de certaines fréquences pour le Wi-Fi.
Une solution similaire existe sur les réseaux actuels sous certaines conditions – un seul bloc de 20 MHz dans le cas d’un flux sur 80 MHz par exemple – mais son champ d’action sera largement amélioré en Wi-Fi 7, explique l’IEEE. De plus amples informations techniques sont disponibles dans ce document, où on apprend notamment que la portée exacte de cette fonctionnalité est pour le moment « activement discutée ».

Rappelons que, pour le moment en France, les seuls canaux disponibles sont les suivants : de 2 400 à 2 483,5 MHz (bande des 2,4 GHz), puis de 5 150 à 5 350 MHz et de 5 470-5 725 MHz (bande des 5 GHz), soit un peu plus de 500 MHz au total. Il n’est pas toujours facile d’utiliser des blocs de 160 MHz tant les contraintes sont nombreuses. Autant dire que trouver des blocs de 320 MHz (non encombrés) va se révéler plus que compliqué…
Le Wi-Fi 6E sur les 6 GHz permettra de dégager un peu l’horizon, mais rien n’est encore acté pour la France. Aux États-Unis, le régulateur a déjà annoncé mettre à disposition 1,2 GHz de fréquences. En Europe, des discussions ont été initiées « pour ouvrir la bande 5 925 – 6 425 MHz au Wi-Fi. Cela permettrait presque de doubler le spectre actuellement disponible », explique l’Agence nationale des fréquences (ANFR).
Mais cela ne représente « que » 500 MHz, deux fois moins qu’aux États-Unis. L’ANFR rappelle que, « aujourd’hui, cette bande accueille partout en Europe des liaisons montantes vers des satellites de communication ou des liaisons hertziennes point à point » ; en libérer davantage ne sera donc pas chose aisée.
16 flux simultanés et jusqu’à 46 Gb/s
Autre changement important, le nombre de flux simultanés est doublé, passant de 8 à 16. Comme c’est le cas depuis plusieurs générations, la QAM (Modulation d'Amplitude en Quadrature) est quadruplée pour arriver à 4 096. Le passage de 256 à 1024 du Wi-Fi 6 apportait 25 % de débits en plus, dans le cas du Wi-Fi 7 l’IEEE annonce 20 %.
Si l’on additionne les changements apportés, on arrive donc à un gain de 4,8x (1,2 x 2 x 2). Au final, le débit théorique du Wi-Fi 7 devrait donc être de 46 Gb/s, contre 9,6 Gb/s en Wi-Fi 6. Plus prudents, les constructeurs parlent pour le moment de « plus de 30 Gb/s ». Ils gardent leur optimisme pour de futurs dépliants marketing.

Multi-Link Operation pour utiliser des bandes différentes
Sous le capot, plusieurs changements interviennent. Moins visibles, ils n’en restent pas moins importants. Commençons par le Multi-Link Operation (MLO) pour assigner différentes bandes de fréquences à plusieurs flux.
Dans le cas d’une connexion entre un terminal et un point d’accès en 2x2 (deux flux montants, deux descendants), les bandes pourraient être dans les 2,4 GHz pour le premier flux et 5 GHz pour le second. On peut aussi imaginer mélanger du 5 et 6 GHz. Intel explique que cette fonctionnalité « offre un débit plus élevé, une latence plus faible et/ou une fiabilité plus élevée, ce qui est utile pour un certain nombre d'applications, de la VR/AR à l'IoT industriel ».
Un cas d’usage pourrait être d’envoyer les données sur la bande des 5/6 GHz et celles devant servir au contrôle de leur intégrité qui nécessitent peu de bande passante sur les 2,4 GHz.

Multi-AP permet de « synchroniser » plusieurs points d’accès
Passons à Multi-Access Point (AP) : « un ensemble de fonctionnalités qui reposent sur la coordination directe des points d'accès », afin d’augmenter leurs performances. Commençons par le Joint Distributed MIMO où deux points d’accès, reliés ensemble par un lien backhaul, envoient tous les deux des données vers le ou les mêmes terminaux.
En l’absence d’un backhaul, d’autres fonctionnalités sont tout de même de la partie : Coordinated OFDMA pour synchroniser l'Orthogonal Frequency Division Multiple Access (OFDMA) et Coordinated Null Steering. Elles visent à optimiser l’utilisation des bandes de fréquences dans le cas où plusieurs points d’accès couvrent une même zone, le but étant d’éviter qu’ils se marchent sur les pieds. De quoi renforcer les mécaniques de type EasyMesh ?
Coordinated OFDMA permet de partager les fréquences dans le temps (chacun son tour), tandis le second créer des « zones blanches » localisées afin laisser la place libre à un des points d’accès. Des détails techniques sont disponibles dans ce document de chez Nokia Bell Labs.

HARQ pour reconstituer des paquets défectueux
Comme l’OFMDA, la technologie Hybrid automatic repeat request (HARQ) est emprunté au monde de la téléphonie mobile et devrait débarquer dans le Wi-Fi 7. Jusqu’à présent, lorsqu’un paquet ne passe pas le test de la vérification de la somme de contrôle, il est supprimé et un nouveau est envoyé. Avec Hybrid ARQ, le terminal va conserver toutes les tentatives et utiliser la correction d’erreur pour essayer de reconstituer les données.
Cette fonctionnalité devrait être particulièrement pratique dans les cas où la qualité de transmission est mauvaise (grande distance, beaucoup de bruit sur les ondes, etc.). Elle était déjà venue sur le tapis lors des discussions autour du Wi-Fi 5 et 6, mais sans passer le cap de la standardisation précise l’IEEE… Reste à voir si ce sera la bonne.

Les constructeurs seront-ils de nouveau en avance de phase ?
Il s’agit dans tous les cas de fonctionnalités actuellement étudiées pour le Wi-Fi 7, qui ne doit être finalisé que d’ici quatre ans. Elles ont donc largement le temps d’évoluer d’ici là. Si les grandes lignes semblent figées (320 MHz, 16 flux, QAM 4096), des suppressions et/ou des ajouts sont toujours possibles.
Par le passé, les constructeurs étaient toujours en avance sur la Wi-Fi Alliance, proposant à la vente des produits plusieurs mois (voire des années) avant la version finale d’une norme. Il y a de fortes chances qu’il en soit de même avec le Wi-Fi 7… reste à voir dans quelles conditions, et surtout avec quelles interopérabilités.
Nul doute qu'ils ne tarderont pas à communiquer sur le sujet. Si 2021 devrait être l'année du Wi-Fi 6E, il y a fort à parier que la prochaine évolution de la norme soit sur toutes les lèvres dès 2022/2023.
