Il y a deux ans, Intel présentait sa « dream team » et ses plans d'ici 2021, avec une certitude : les années à venir allaient être difficiles, il fallait donc se préparer à vite rebondir. Et malgré ses ratés, le géant de Santa Clara continue de présenter une solide feuille de route. Avec des produits mis sur le marché dès cette année.
Sous la direction de Brian Krzanisch (BK), Intel a mis fin à l'un de ses rendez-vous phares, créé en 1997 : l'IDF. Pensé pour retrouver chaque année les développeurs de l'écosystème x86 et les partenaires de l'entreprise, il était aussi un moment incontournable de la communication publique du géant américain.
Intel : de la fin de l'IDF à celle de Brian Krzanisch
Les journées y débutaient par de grandes conférences où le PDG et ses équipes mulltipliaient les annonces, évoquaient leur feuille de route, parfois sur plusieurs années. De précieuses sessions techniques y étaient organisées pour découvrir certains projets de manière plus détaillée, qu'il s'agisse de technologies en développement, de l'évolution des composants de nos PC, leur format, etc.
De nombreux journalistes étaient invités sur place, l'occasion d'échanges plus directs avec les dirigeants. On savait ainsi où l'entreprise allait, pouvant jauger chaque année de l'évolution des tendances dans son discours, de la réussite ou non de telle ou telle initiative.
C'est sans doute ce qui gênait « BK », qui n'était de toutes façons pas un grand fan de la communication technique. Le point d'orgue aura été une conférence du CES 2017 où il n'a presque pas été question de produits Intel, mais plutôt de VR, le sujet du 10 nm ayant été balayé d'un revers de main malgré le retard qui s'accumulait.
Vous connaissez la suite : en novembre 2017, Raja Koduri quittait AMD pour Intel, suivi de Jim Keller un an plus tard, tous deux nommés « senior vice president ». Une nouvelle équipe se formait pour réinventer Intel de l'intérieur. Deux mois plus tard, Krzanisch démissionnait. Il fut remplacé par Robert (Bob) Swan.
Deux ans pour (tenter de) tout changer
La première année suivant l'arrivée de Koduri a été passée à préparer un plan de bataille, recruter et rencontrer les équipes pour échanger sur les projets alors initiés. Intel est un monstre comptant des dizaines de divisions (pas toujours connues pour communiquer correctement entre elles) et plus de 100 000 employés dans le monde. Cela ne se transforme pas d'un claquement de doigts.
Rapidement, décision fut prise de communiquer sur les objectifs, avec une échéance : 2021. AMD était en plein retour en force, Intel toujours empêtré dans ses soucis de disponibilité sur le 14 nm et de transition bien plus longue que prévue vers le 10 nm. Il fallait à la fois rassurer et montrer que les choses allaient changer.
Faute d'IDF, le premier Architecture Day était organisé fin 2018. Réservé à quelques journalistes, c'était alors de la pure communication : Intel n'avait presque rien à montrer, surtout des projets, pour certains déjà bien avancés. Il fallait tout d'abord en finir avec l'architecture Skylake, améliorer le 10 nm, puis migrer vers le 7 nm et renforcer progressivement l'IPC avec de nouvelles technologies à la clé : DDR5, PCIe 4.0/5.0, architectures hybrides, etc.
Mais on avait enfin une feuille de route à long terme. Le géant de Santa Clara passera les mois suivant à multiplier les annonces (plus ou moins réussies). Régulièrement, notamment lors des bilans financiers et autres Investor Meeting, on avait droit à une mise à jour sur l'avancement de tel ou tel projet. Parfois avec de mauvaises nouvelles.
2021 approche, retards et départs se multiplient : un bilan nécessaire
Il devenait donc nécessaire de refaire le point de manière générale. De regarder à nouveau la « big picture ». C'était l'objectif de l'Architecture Day 2020 auquel nous avons pu assister (en ligne) il y a quelques jours, suivi d'un échange avec les équipes. Une édition un peu spéciale, Covid-19 oblige, mais également au regard de la situation d'Intel.
Car si Ice Lake et l'architecture Sunny Cove ont bien été mis sur le marché, si Tiger Lake et les premiers GPU Xe arrivent, si la première architecture hybride Lakefield devrait être bientôt intégrée à des produits commercialisés, tout ne s'est pas passé comme prévu. Et tant en coulisse qu'en public, les ratés ont été nombreux.
Sur le 7 nm tout d'abord, en retard. De quoi obliger Intel a décaler une partie de sa feuille de route et à externaliser la production de certaines puces. Car, bien qu'AMD continue à monter en puissance, le géant du processeur est toujours dans une situation de production tendue, avec une demande supérieure à l'offre.
Cela a couté son poste à Venkata Renduchintala (dit Murthy). Un temps pressenti pour prendre la direction d'Intel, présent à l'Architecture Day 2018, il a cédé sa place. Peu avant, Jim Keller démissionnait (pour raisons personnelles). Il continue de travailler avec Intel le temps d'une transition devant durer jusqu'à la fin de l'année.
Il faut dire qu'il a été en interne l'un des artisans d'une conception plus modulaire des produits et de leurs blocs « IP ». Une manière de réduire les temps de développement, au contraire de solutions monolithiques et peu flexibles, et de faciliter les corrections en cas de problème, comme la détection d'une faille de sécurité.
C'est ce qui doit permettre à Intel dans les années à venir de concevoir des produits plus adaptés à des besoins très différents, ce qui se mariera sans doute très bien avec son approche XPU, ne privilégiant pas forcément le calcul sur CPU face à d'autres solutions : GPU, FPGA et accélérateurs en tous genres.
Ainsi, les puces pourront être composées de plus ou moins de cœurs CPU/GPU plus ou moins performants, avec potentiellement une approche hybride, pour s'adapter à des produits privilégiant l'autonomie pour de la bureautique, du jeu, du calcul hautes performances en mobilité ou non, avec éventuellement un accélérateur ici ou là.
Architecture Day 2020 : Raja Show !
Keller et Murthy partis, il ne restait que Raja Koduri pour assurer le rôle de maître de cérémonie. Dans un show de près de trois heures, il a donc joué le jeu de la comparaison entre les annonces de fin 2018 et l'état d'avancement des différents projets. Un exercice plutôt rare pour un constructeur, qui mérite d'être salué.
Il est bien entendu revenu sur les « six piliers », un concept qui lui est cher : process et packaging, architectures XPU, mémoire, interconnexions, sécurité et couches logicielles. Avec toujours 2021 en ligne de mire pour les projets les plus lointains. Il faudra donc attendre l'année prochaine pour savoir ce qui attend Intel passé cette date.
Il était d'autant plus impossible de s'avancer que le retard du 7 nm affecte tous les produits attendus pour cette période. Le fondeur attend donc certainement d'y voir plus clair, d'ici le début de l'année prochaine sans doute, avant de prendre d'autres engagements. Il reste de toutes façons de nombreux produits à sortir d'ici là.
Dans ce dossier, nous reviendrons ainsi sur les deux gros morceaux des mois à venir : Tiger Lake et l'architecture Willow Cove, ainsi que Xe qui va se décliner de différentes manières, s'attaquant frontalement à AMD et NVIDIA. Et si nous n'avons pas encore eu l'occasion de tester des produits... cela ne devrait plus tarder.
Notre dossier sur l'Intel Architecture Day 2020 :
- Architecture Day 2020 : comment Intel s'est transformée en deux années
- Tiger Lake : Intel détaille l'architecture Xe, Willow Cove et certaines nouveautés
- GPU Xe : Intel visera le cloud gaming et les joueurs avec SG1 et HPG en 2021
- Ice Lake-SP, Sapphire Rapids, FPGA, 3DXpoint : les autres annonces d'Intel (à venir)