Lorsque l'on parle d'ordinateurs à petits prix, on pense désormais aux Raspberry Pi et autres cartes dérivées à base de processeurs ARM, vendus moins de 50/100 euros. Il est aussi possible de trouver de machines clé en main, compactes et silencieuses, exploitant un processeur Intel. Mais qu'ont-elles dans le ventre ?
Il y a une vingtaine d'années, lorsque l'on évoquait un mini PC, le format était celui d'une boîte à chaussure. C'était l'époque des emblématiques XPC de Shuttle. Mais depuis, l'informatique grand public a connu de nombreuses révolutions, menant jusqu'à la tendance des SBC, ou Single Board Computers.
Si le Raspberry Pi est le symbole de cette génération, il n'est pas seul en son genre. On le voit avec les concurrents de chez Odroid, des projets de cartes pour NAS comme l'Helios 64 ou les Jetson de NVIDIA par exemple. De quoi couvrir de nombreux usages, du plus simple au plus performant, en restant dans un format ultra-compact.
Le PC n'a pas été épargné par cette tendance. Pas tellement les ordinateurs à monter soi-même qui sont limités par leur modularité. Elle impose en effet la présence de nombreux emplacements et autre socket qui occupent de la place sur le PCB. Dans le meilleur des cas, on a ainsi droit à du Mini STX.
Mais dans les portables (et autres NUC) où tous les composants sont soudés, cela fait bien longtemps que le gros de la machine tient dans un format pouvant aller jusqu'à la carte bancaire. Cela a inspiré des petits malins qui en ont fait des PC classiques, avec juste ce qu'il faut pour un usage bureautique, entre 100 et 300 euros.
Un PC complet sous Windows 10 à 130 euros, vraiment ?
Pour ce tarif, on n’a bien entendu pas droit à une machine haut de gamme, mais à un processeur de la gamme Atom d'Intel, accompagné du nécessaire en termes de mémoire et de stockage, avec une connectique basique et de quoi se connecter à un réseau sans fil. Les constructeurs chinois sont nombreux sur ce créneau.
Pour notre test du jour, nous avons opté pour une HeroBox de Chuwi (à ne pas confondre avec Chewie). Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle était en promotion sur Amazon, pour 130 euros. Pour ce prix on avait droit à un ordinateur fonctionnel, livré sous Windows 10. La configuration elle-même était plutôt intéressante pour ce tarif : Celeron N4100 (4C/4T de 1,1 à 2,4 GHz), 8 Go de mémoire (LPDDR4) et 180 Go de stockage (SSD M.2 2280 S-ATA).
La promesse serait-elle tenue ? Aurions-nous des composants au rabais ? Une chose est sûre : ce PC est plus classiquement affiché à 190 euros, parfois à 160 euros avec une remise de 15 %.
Intel partout
À réception, pas de mauvaise surprise : tout est là, le PC est livré avec une alimentation, tout est fonctionnel, Windows 10 est bien activé dans son édition Famille.
Et à y regarder de plus près, nombre de composants présents sont en réalité de marque Intel : CPU, stockage (Pro 2500 Series), Bluetooth 5.1 et Wi-Fi 5 à 433 Mb/s (AC 9461, 1x1, 80 MHz). Parfait pour la compatibilité Linux. L'ensemble n'est donc simplement pas de première fraîcheur, puisque l'on a droit à une plateforme mise sur le marché en 2017 (le SSD date de 2014, il est gravé en 20 nm). Du côté du processeur il y a d'ailleurs une subtilité : c'est un Celeron N et non un Celeron J.
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les nomenclatures d'Intel, cela signifie que c'est une puce dérivée de l'architecture Atom mais pensée pour le monde mobile. Ainsi, le TDP d'un N4100 (Gemini Lake, 14 nm) est de 6 watts contre 10 watts pour un J4105 (voir le comparatif). Dans la pratique, il devrait donc être moins performant, bien que plus facile à refroidir de manière passive. La HeroBox est en effet sans aucun ventilateur.
Sa coque arbore un look inspiré d'Hades Canyon (sans le crâne en LED mais avec quelques touches orange). On trouve un kit (minimal) de montage type VESA dans le bundle. Le boîtier comporte de nombreux évents pour le passage de l'air. Il est composé de polycarbonate.
Attention, il semble exister différentes versions de cette machine, de précédentes ayant rencontré des problème de surchauffe en raison d'un TDP trop haut (12 watts), de soucis réseau (limitée à 100 Mb/s) avec une puce Wi-Fi différente (AC 3165, BT 4.2). Faites donc attention lors de votre achat. Notre modèle était estampillé CWI527).
Connectique : juste ce qu'il faut
La plateforme assez basique de ce PC n'empêche pas Chuwi de faire les choses avec intelligence, ce qui manque trop souvent aux constructeurs. On le voit dès la connectique : en façade, outre le bouton Power (orange) et sa LED (bleue) on trouve trois USB 3.0 (5 Gb/s), deux Type-A et un Type-C (données uniquement).
Ils sont accompagnés d'un lecteur microSD, permettant de connecter directement une carte utilisée sur smartphone ou pour transférer l'image d'un OS pour Raspberry Pi par exemple. À l'arrière on trouve deux USB 2.0 (clavier et souris), du réseau à 1 Gb/s (Realtek), un HDMI 2.0, un VGA un connecteur jack combo et un trou « reset ».
Ainsi, il y en aura pour tous les goûts. La machine est livrée avec un adaptateur secteur compact (95 x 45 x 28 mm), avec un fil assez long, mais on aurait préféré qu'il soit au format prise et au standard USB Type-C vu sa puissance : 24 watts (12V, 2A). Les dimensions de la HeroBox sont de 188 x 138 x 37 mm pour 590 grammes.
Sa consommation (mesurée à la prise) au repos est de 2,1 watts. Elle grimpe à 9,6 watts lorsque le processeur est utilisé à plein régime. Côté température, le CPU stagne aux alentours de 37 °C au repos (dans une pièce à 22°C). Lors d'un usage classique, on se situe en général dans les 60°C.
Mais en cas de « burn » volontaire et prolongé du CPU (plusieurs dizaines de minutes via un test OpenSSL lancé en boucle), on parvient à atteindre les 70°C, la fréquence baisse alors de 2,1 GHz à 1,6 GHz. Il ne faudra donc pas abuser, même si l'on est encore loin du RPi 4 qui grimpe très vite à sa température limite de 80°C sans ventilateur présent sur le SoC. Ici, une large plaque en métal assez dense (alliage Al-Mg) assure l'étalement de la chaleur.
Évoquons d'ailleurs l'ouverture de la machine, qui cache quelques bonnes surprises mais qui est perfectible. Il se passe en effet en trois couches, où il faut successivement retirer entre 4 et 6 vis. La première étape permet d'accéder à un emplacement S-ATA 2,5" permettant d'ajouter un HDD/SSD. Une possibilité bienvenue. Ensuite, on peut retirer le capot inférieur et voir la carte mère. Mais il faut la dévisser et la retourner pour accéder aux composants.
La mémoire (2x 4 Go Micron) est soudée comme le CPU. On peut néanmoins modifier le SSD M.2 2280 et la carte Wi-Fi si on le souhaite. La carte mère est un modèle GB3 d'IP3 Technology, ce qui signifie qu'aucune mise à jour du BIOS/UEFI n'est disponible ou facilement trouvable. On ne peut que le regretter.
Des performances limitées à un usage bureautique (ou presque)
La configuration de Windows 10 a été assez rapide, mais sa mise à jour vers la dernière version en date, celle de mai 2020 (2004) plutôt longue. Il nous aura fallu une après-midi à enchaîner les redémarrages pour y parvenir (et ce n'était pas à cause de notre connexion internet).
Le processeur s'essouffle rapidement. N'espérez donc pas faire mieux que de la navigation, du traitement de texte ou de la manipulation de fichiers. Ce sera néanmoins bien plus fluide que ce que l'on peut constater sur un Raspberry Pi, où même la version 4 sous Linux montre encore trop vite ses faiblesses.
Tout comme la célèbre SBC, on peut aussi envisager de l'utiliser comme petit serveur multi-services (DNS, HTTP, Samba, etc.), utilisé à distance via RDP sous Windows ou SSH sous Linux. Les plus bricoleurs pourraient aussi récupérer la carte mère pour l'utiliser comme solution embarquée ici ou là.
OpenSSL 4 threads - N4100 (WSL 2, Ubuntu 20.04) :
- 234 signatures/s
- 13 485 vérifications/s
OpenSSL 4 threads - Raspberry Pi 4 (Ubuntu 20.04) :
- 96 signatures/s
- 6 530 vérifications/s
Surtout, vous profiterez du bon support des puces graphiques Intel et de son accélération matérielle. Nous avons ainsi pu lire de très nombreux de formats vidéo jusqu'à la 4K (comme Tears of Steel) sans perte d'images. Une exception tout de même : la 4K à 60 Hz sur YouTube avec quelques images perdues régulièrement.
Quick Sync Video est également de la partie exploitable dans des applications comme Handbrake (compression à 5 ips en moyenne), tout comme les instructions pour le chiffrement de données (AES-NI) ou la virtualisation (VT-x/VT-d). Vous pouvez donc activer WSL 2 sans problème ou même y installer un hyperviseur.
Notez que la multiplication des effets graphiques de Windows 10 peut parfois donner l'impression d'un manque de fluidité. Pour y remédier, il suffit de les désactiver via l'outil prévu à cet effet (SystemPropertiesPerformance.exe
). Pensez tout de même à laisser le lissage des polices actif.
Le SSD Intel Pro 2500 Series offre des performances classiques pour un modèle M.2 S-ATA, dans les 400 à 500 Mo/s en lecture/écriture séquentielle selon les cas. Son âge est paradoxalement un avantage puisqu'il s'agit d'un modèle MLC, qui tiendra donc mieux la durée que des TLC/QLC plus récents.
Une fois la machine installée et configurée, 165 Go étaient exploitables, 125 Go libres, le reste étant occupé par Windows. Les 15 Go manquant correspondent à la partition de restauration que vous pourrez supprimer si vous ne comptez pas utiliser l'OS de Microsoft ou que vous effectuez une sauvegarde du SSD dans son ensemble.
Conclusion
La HeroBox de Chuwi tient donc ses promesses. Il s'agit d'un PC clé en main, auquel il n'y a rien à ajouter, avec une bonne quantité de mémoire et de stockage pour un usage bureautique classique. On apprécie la présence de composants Intel et Realtek, même un peu datées, plutôt que des puces no-name.
Certes ses performances sont limitées, mais on ne pouvait décemment pas attendre plus d'une machine vendue entre 130 et 190 euros avec un processeur Intel et une licence Windows 10. Ceux qui veulent faire des économies et rester sous Linux, qui peuvent accepter un niveau de performances moindre, se tourneront sans doute vers un Raspberry Pi 4 (auquel il faudra ajouter l'alimentation et une carte microSD) ou un autre SBC.
On apprécie le côté modulaire de la machine, le stockage pouvant être mis à jour. Tout comme sa connectique correcte et bien organisée. Mais aussi le silence de son design passif. Certes, on a quelques petits regrets comme l'alimentation qui pourrait être réduite, mais il s'agit là de petits détails.
Si vous cherchez une machine d'appoint qui consomme peu et se fera discrète, pour laquelle votre exigence de performances et de capacité à être mise à jour (via son BIOS/UEFI) n'est pas très élevée, ce sera une très bonne solution. Si vous optez pour un autre modèle du même genre, vérifiez a référence du processeur utilisé, la quantité de mémoire/stockage et la nature des composants avant de craquer. Les mauvaises surprises peuvent être nombreuses.