Zen 2 est enfin disponible sur des Ryzen 3. Avec cette génération, AMD avait privilégié ses clients les plus aisés, et a pris son temps pour descendre en gamme. Le constructeur a en effet beaucoup misé sur les prix cassés de ses précédents CPU sur ce marché. Une stratégie payante... un peu trop ?
L'été dernier, AMD lançait ses processeurs Ryzen de 3e génération. Basés sur l'architecture Zen 2, profitant d'une finesse de gravure de 7 nm et apportant le PCIe 4.0, ils ont connu des débuts difficiles.
Que ce soit la gestion de leurs fréquences, l'évolution de l'AGESA, la question de la compatibilité avec les premières cartes mères, les embûches ont été nombreuses. Surtout, AMD a fait le choix du haut de gamme pour sa nouvelle génération : prix élevés, Ryzen 5 3600 au minimum, X570 comme seul chipset de série 500, etc.
Bref, à moins de vouloir absolument la dernière nouveauté et bien que ces puces soient intéressantes, le plus sage était d'attendre. D'autant que les Ryzen de 2e génération avaient encore de beaux restes, avec des prix régulièrement ratatinés par les revendeurs pour vider les stocks.
Un peu plus de 9 mois plus tard, qu'en est-il ? Intel s'apprête à mettre sur le marché ses Core de 10e génération (Comet Lake-S), AMD lui répond avec une extension de sa gamme. Deux Ryzen 3 (3100 et 3300X) ont ainsi été annoncés, les premiers de type 4C/8T, ainsi que le futur chipset B550 avant un éventuel A520.
Mais sont-ils réellement intéressants, ou faut-il encore patienter ? C'est ce que nous avons décidé d'analyser en détail en comparant ces nouveaux CPU à un Core i3-9100F, un i5-8400 et deux Ryzen 5 : le 3600 et le 1600AF qui n'est qu'un 2600 déguisé aux fréquences revues à la baisse. Qui sera le grand vainqueur ?
Que cachent les Ryzen 3 3100/3300X ?
Commençons par nos deux puces du jour. Il s'agit de processeurs de la génération Zen 2 qui, conformément à la stratégie d'AMD, profitent de tous ses avantages (ou presque).
Ainsi, outre leur finesse de gravure en 7 nm, ils disposent du même contrôleur DDR4, de 24 lignes PCIe 4.0 (dont 16 pour une carte graphique), quatre USB 3.x (10 Gb/s), peuvent être overclockés, etc. Bien que sur socket AM4, ils ne sont officiellement supportés que par les cartes mères embarquant au moins un chipset de série 400.
Cela n'a toujours guère de sens puisqu'il s'agit des mêmes que ceux de la série 300. Mais ils sont utilisés sur des cartes plus récentes avec plus de stockage pour le BIOS/UEFI, permettant de supporter plus d'APU/CPU. Mais certains constructeurs offrent tout de même un support sur des modèles à chipset de série 300, sous conditions.
Dans tous les cas, AMD ne reconnait pas officiellement cet usage. Faites donc attention lors de votre choix d'une nouvelle carte mère. Surtout qu'il en sera de même avec Zen 3 qui nécessitera au moins un chipset de série 500, là aussi pour des questions de stockage. C'est tout du moins la seule explication donnée pour le moment.
C'est pour cela qu'en marge des Ryzen 3 3100/3300X le chipset B550 est mis sur le marché. Il permettra de proposer des cartes mères « parées pour l'avenir » à prix raisonnable : dès 100 dollars selon AMD. Une première raison d'attendre avant de faire votre choix, puisqu'il n'est pas attendu avant le 16 juin prochain.
La matrice de compatibilité d'AMD ne fait plus mention d'un BIOS/UEFI spécifique pour le support de Zen 2 par les cartes mères B350/X370
Bien qu'ils soient tous deux présentés comme des Ryzen 3 avec 4 cœurs (8 threads), un seul CCD et 18 Mo de GameCache, ils diffèrent l'un de l'autre dans leur conception. Le 3100 est en effet de type 2+2, chacun de ses CCX contenant deux cœurs avec 8 Mo de cache L3 chacun. Le 3300X est de type 4+0 avec 16 Mo de cache L3 au sein d'un même CCX. Dans tous les cas, ce sera deux fois moins de cache L3 qu'un Ryzen 5 3600 (6C/12T, 2x 16 Mo de L3).
Cela pourrait passer pour un avantage pratique, mais lors de nos tests, nous n'avons pas relevé de différence majeure liée à cette différence de conception. Il s'agit ainsi surtout pour AMD de « recycler » différents types de dies comme des Ryzen 3, sans effectuer de mélanges sous une même référence, ce qui est plutôt une bonne chose.
Leur architecture Zen 2 leur apporte un autre avantage : leur fréquence. Elle est de 3,6/3,9 GHz pour le 3100, de 3,8/4,3 GHz pour le 3300X, ce qui est assez élevé pour des puces d'entrée de gamme. Avec la présence du SMT, c'est un choix qui profite à ces CPU face à la concurrence. Ce qui a poussé Intel à enfin se réveiller, puisque le prochain i3-10100 sera lui aussi un 4C/8T, là où l'actuel 9100(F) est de type 4C/4T seulement.
Le TDP des deux nouveaux Ryzen 3 reste de 65 watts, ils sont livrés avec un ventirad Wraith Stealth. Ils n'ont pas de partie graphique, comme les modèles « F » de chez Intel. Les APU Zen 2 (nom de code Renoir) étant prévus pour plus tard dans l'année. Les 3200G/3400G sont pour rappels basés sur une architecture Zen+ (12 nm).
Côté tarif, AMD les annonce à 99/120 dollars, soit 110/130 euros en France. Mais en pratique, on les trouve plutôt à 130/150 euros pour le moment. CDiscount les propose à 120 euros et 138 euros respectivement.
Plateforme de test
C'est pour cela que nous avons opté pour un panel de processeurs assez divers à leur opposer. Car leur ennemi n'est pas tant le Core i3-9100F (95 euros) que le Ryzen 5 1600AF. Derrière ce nom trompeur se trouve en effet un 2600 (Zen+, 12 nm) légèrement castré au niveau de ses fréquences (3,2/3,6 GHz).
Proposé à moins de 120 euros, il a l'avantage de disposer de 6 cœurs (12 threads). Zen 2 sera-t-il à même de faire la différence ? C'est ce qu'il nous permettra de vérifier.
Pour la « borne haute » marquant les performances des modèles supérieurs, nous avons utilisé un Core i5-8400 d'Intel (Coffee Lake). Il s'agit d'une puce d'ancienne génération, mais qui ne se démarque de l'actuel 9400 que par 100 MHz d'écart). Chez AMD, le Ryzen 5 3500X n'étant pas officiellement disponible à la vente au détail, nous avons opté pour un 3600 (Zen 2, 7 nm, 6C/12T, 3,6 à 4,2 GHz) que l'on trouve pour 213 euros.
Pour le moment, les processeurs Core de 10e génération ne sont pas encore disponibles et ne devraient pas l'être avant encore quelques semaines. Nous ferons donc à nouveau le point lorsqu'ils seront là.
La carte mère utilisée était une B450I Aorus Pro Wifi de Gigabyte à jour (UEFI F50, AGESA 1.0.0.4B). Chez Intel, nous avons opté pour la carte mère Z370 qui nous sert de référence : la ROG Strix Z370-I Gaming. Elle aussi était utilisée avec une UEFI à jour (et les optimisations maison désactivées) : la version 2401. Le tout était accompagné de 2x 8 Go de DDR4 G-Skill à 2,93 GHz et d'une GeForce GTX 1650 Palit (Pilotes 445.87).
Windows 10 était installé dans sa version 2004, avec tous les pilotes et patchs à jour. Pour les résultats OpenSSL et de compilation Blender, nous avons utilisé Ubuntu 20.04 LTS via le sous-système Linux (WSL 2). Notre volonté est de proposer le plus possible des tests que chacun peut reproduire assez facilement, et de privilégier des outils open source. Certains sont utilisés conjointement avec des fichiers de référence dont voici la liste :
- Petits fichiers (1626 photos/vidéos) :
- Gros fichiers (4 films) :
Consommation et performances énergétiques
Une fois n'est pas coutume, nous allons commencer par la consommation de nos puces, au repos, en charge sur un puis l'ensemble de leurs cœurs via CineBench R20. Nous effectuons un relevé de la consommation moyenne à la prise pendant toute la durée du test :

Ici, on constate qu'AMD se rapproche d'Intel au repos, même si ce dernier arrive encore à grapiller quelques watts supplémentaires. Il sera d'ailleurs possible d'aller encore un peu plus bas en utilisant une version avec puce graphique intégrée, ce qui n'est pas possible pour Zen 2 pour le moment.
En charge, les chiffres d'AMD sont également plutôt bons, avec des puces qui restent dans les 50/60 watts avec un cœur actif et 90/100 watts lorsqu'ils le sont tous. On voit en comparant les deux Ryzen 5 de notre test que Zen 2 et le 7 nm apportent de réels bienfaits sur ce point.
Qu'en est-il désormais, si l'on analyse ces chiffres au regard du score obtenu sous CineBench R20 par nos différentes puces :

Les résultats sont clairs : Zen 2 l'emporte largement avec tous ses cœurs actifs. Si Intel avant encore de l'avance sur Zen+, ce n'est plus le cas désormais. Les Core i3/i5 s'en tirent de manière honorable avec un seul cœur actif, mais c'est plutôt un lot de consolation pour Intel.
Benchmarks
Pour commencer notre analyse des performances, nous utilisons des outils essentiellement théoriques. Tout d'abord AIDA64 pour le débit des différents niveaux de cache. Il nous indique qu'ils sont un tiers moins élevé que ceux du Ryzen 5 3600, sans doute du fait de l'utilisation d'un seul CCD.
Dans les 1 000 Go/s en lecture L1 (la moitié en écriture) plutôt que 1 500 Go/s, dans les 500 Go/s en L2 (lecture/écriture) contre 750 Go/s. Pour le cache L3, on note un léger avantage du 3100 en débit (360 Go/s) par rapport au 3300X (310 Go/s), mais il est en retrait en termes de latence (11,6 ns contre 10,1 ns).
Une différence qui s'explique sans doute par la conception des deux puces, même si cela n'a semble-t-il pas de grands effets sur les performances relevées, où l'on retrouve surtout la marque de la différence de fréquences des puces, bien plus qu'autre chose.
On le voit ainsi dans CPUmark 99 et CPU-Z 1.92. Le premier est un vieux code très peu optimisé. S'il n'a pas franchement les faveurs des constructeurs, il est toujours intéressant à observer :
Cela pourra en surprendre certains, mais le grand gagnant est ici le 3300X. Et pour cause, il est celui qui a la fréquence la plus élevée lorsqu'un seul cœur est utilisé : 4,3 GHz. Autant dire qu'il aura la faveur d'usages basiques ou là où tout le CPU n'est pas sollicité comme les jeux par exemple.
Mais à l'inverse, dès que tous les cœurs sont actifs, ce sont les Ryzen 5 qui reprennent la main. Si le 3600 est cette fois premier, il ne faut pas oublier qu'il coûte 100 euros de plus que le 1600AF qui n'est que légèrement derrière. Il devance ainsi toujours les Ryzen 3 à base de Zen 2. Si leur architecture est plus avancée, elle ne permet pas ici de compenser les 50% de cœurs en plus. Une fois encore, AMD est donc son plus grand ennemi.
Car du côté de chez Intel, c'est la débandade. Si le Core i3-9100F est second avec un seul cœur actif, il est dernier (et de loin) lorsqu'ils sont tous sollicités. Le Core i5-8400 n'arrive même pas à la cheville des Ryzen 3. Ce, malgré le prix élevé de tels processeurs chez Intel. Autant dire que Comet Lake-S va avoir du boulot.
Rendu 3D, multimédia et compilation
Passons maintenant à des usages plus concrets. Pour cela nous utilisons Blender 2.82a pour le rendu (BMW27) et la compilation sous WSL 2 (Ubuntu 20.04 LTS), mais aussi Corona Benchmark et Cinebench R20, ainsi que XnView 2.49.2 (que nous parallélisons) et Handbrake 1.3.2.
Ici, même constat : le Core i3 est en mauvaise posture, incapable de se distinguer face à ses concurrents. Le Core i5 s'en tire un peu mieux, mais sans gloire, notamment au regard de son tarif.
Si les Ryzen 3 arrivent au niveau du Ryzen 5 1600AF, c'est tout de même lui qui est le plus souvent en tête des différents tests, juste derrière le coûteux 3600. On note enfin des écarts assez faibles entre le 3100 et le 3300X. Ainsi, ils se différencient surtout par leur comportement sur des applications exploitant peu de cœurs.
Compression et chiffrement
On termine par OpenSSL (sous WSL 2), VeraCrypt 1.24-6 et 7-Zip 19.00, utilisé pour chiffrer ou (dé)compresser différents types de données :
Les résultats sont du même acabit : les nouveaux Ryzen 3 sont assez proches l'un de l'autre, le 3300X se détachant lorsqu'il n'y a qu'un cœur utilisé, mais il est en général devancé par le 1600AF. Sous OpenSSL, les Core i3/i5 s'en tirent plutôt bien, mais c'est le seul test à leur être si favorable.
De très bons CPU, une mauvaise grille tarifaire
Arrivé au bout de ce test, l'acheteur se pose une seule question : quel processeur choisir ? Et il faut dire qu'en la matière, Zen 2 ne nous rend pas la tâche aisée. Ce n'était pas le cas auparavant, ça ne l'est pas plus aujourd'hui. Que ce soit pour une nouvelle machine ou un renouvellement, nous n'avons qu'un conseil à vous donner : attendre.
Tout d'abord que les Core de 10e génération soient disponibles. L'arrivée de nouvelles puces chez Intel, avec des prix plus agressifs, fera sans doute bouger AMD. L'arrivée du B550 devrait aussi aller dans ce sens, puisqu'il faudra proposer des ensembles à un tarif attractif.
Dans tous les cas, ces Ryzen 3 ont le même problème que les autres CPU Zen 2 : leur prix. On le voit aisément, à la façon dont ils sont coincés entre le Core i3-9100F et le Ryzen 5 1600AF.
Le premier est à moins de 100 euros, bien moins cher, tout en étant capable de fournir de bons résultats lorsque peu de cœurs sont utilisés. Une alternative intéressante pour qui veut une puce à petit prix pour de la bureautique, compatible avec un large panel de cartes mères, mais à la durée de vie limitée. C'est sans doute l'objectif visé par Intel. On imagine mal lui préférer des processeurs 30 à 50 % plus chers dans ce contexte.
Si à l'inverse vous voulez de la performance plus brute, pour des applications nécessitant de nombreux cœurs, le Ryzen 5 1600AF sera plus intéressant. Moins cher que le 3300X, il sera plus véloce dans bien des cas. C'est en tous cas une référence de choix pour qui cherche un très bon rapport performances/prix sans regarder la consommation.
Mais ne vous méprenez pas : les Ryzen 3 3100/330X sont de très bons CPU, peu gourmands en énergie. Le second surtout, capable de fournir des performances supérieures à un 3600 lorsqu'un seul cœur est actif, tout en offrant des performances proches d'un 1600AF/2600 malgré le fait qu'il ne propose que quatre cœurs.
Son seul ennemi est la politique commerciale d'AMD, qui consiste à surcoter Zen 2 tout en bradant Zen+. À 100 et 120 euros, sans concurrent direct issu d'une ancienne génération, avec une plateforme récente disponible à petit prix (comme des A520/B550) ces processeurs seraient sans doute parfaits pour de la bureautique efficace.
Mais ce n'est pas encore le cas. Si vous ne pouvez pas attendre, regardez donc d'autres références en priorité. Sinon, attendez de voir comment l'offre d'AMD va évoluer dans les prochaines semaines avant de craquer. D'ailleurs, on regrette toujours autant l'absence d'APU récents (basés sur Zen 2) pour venir compléter la gamme pour ceux ne voulant pas d'une carte graphique. Mais là aussi, il faudra faire preuve de patience.