Horse Ridge est une « puce de contrôle cryogénique » comprenant quatre canaux radiofréquences, chacun étant capable de gérer jusqu’à 32 qubits, soit un total de 128 qubits qui peuvent être supraconducteurs ou de spin. Reste maintenant à construire un calculateur avec 128 qubits…
Intel avait annoncé sa puce Horse Ridge en décembre dernier. Le fondeur la présentait alors comme unique en son genre, permettant de « simplifier considérablement la complexité [et] d’accélérer le développement de calculateurs quantiques ». Pour la mettre au point, il s’est associé à QuTechTU, un centre de recherche fondé par Delft University of Technology (TU Delft) et The Netherlands Organisation for Applied Scientific Research (TNO).
Au-delà des (habituelles) promesses de révolutionner l’informatique quantique, les détails manquaient cruellement à l’appel. Le géant de Santa Clara a profité de l’International Solid-State Circuits Conference (ISSCC) de 2020 pour en dévoiler « les principales capacités techniques », sans informations sur une éventuelle disponibilité.
Horse Ridge : quatre canaux pour gérer 4x 32 qubits, dans 16 mm²
Cette « puce de contrôle cryogénique » prend la forme d’un carré de 4 x 4 mm gravée en 22 nm FinFET Low Power (FFL). Elle permet de « manipuler l'état des qubits dans un système quantique avec des impulsions micro-ondes ». Elle est divisée en quatre parties, chacune comprenant des antennes permettant de contrôler jusqu’à 32 qubits.
Elle exploite pour cela du multiplexage fréquentiel. Une seule puce « peut ainsi contrôler jusqu'à 128 qubits, ce qui réduit considérablement le nombre de câbles et d’équipements qui était auparavant requis ».Intel affirme avoir « optimisé sa technologie de multiplexage afin de permettre au système de réduire les erreurs de "changement de phase", un phénomène pouvant se produire lors du contrôle de nombreux qubits à différentes fréquences ».
Son taux de fiabilité serait ainsi de 99,9 %.
Jusqu’à 128 qubits supraconducteurs ou de spin…
Horse Ridge fonctionne avec une large plage de fréquences – allant de 2 à 20 GHz – lui permettant de contrôler aussi bien des qubits supraconducteurs (alias transmons) et des qubits de spin. Pour les premiers il faut généralement des fréquences entre 6 et 7 GHz, contre 13 à 20 GHz pour les seconds.
De son côté, Intel travaille principalement sur les qubits de spin car ils ont l’avantage de fonctionner à des températures « aussi élevées que 1 K » (kelvin), soit -272,15°C. Les transmons sont généralement aux alentours de quelques millikelvins, et donc très proches du zéro absolu (−273,15 °C). À de telles températures, ne serait-ce qu’un dixième de degré gagné est très loin d’être négligeable. De son côté, Horse Ridge fonctionne à 3 K, soit -270,15°C.


Crédits : Intel
… reste à construire une telle machine
Il faudra maintenant attendre de voir ce que pourra en faire Intel, ou ses partenaires, dans le cadre de la construction d’un calculateur quantique. L’enjeu est important puisqu’une telle machine avec suffisamment de qubits pourrait mettre à mal des algorithmes de chiffrement.
Pour rappel, Google annonçait en octobre avoir atteint la « suprématie quantique », c’est-à-dire « prouver expérimentalement l’avantage du quantique sur le classique pour un algorithme donné ». IBM avait par contre rapidement réfuté cette affirmation. Dans tous les cas, il s’agissait d’une expérience bien particulière, sans rapport avec la cryptographie.
Sycamore, la puce du calculateur quantique de Google, utilisait alors 53 qubits « seulement ». Mais si Horse Ridge doit permettre d’en gérer 128, la puce s'arrête là : il faut encore construire une machine avec plus d’une centaine de qubits, parvenir à les garder dans un état de superposition et réaliser des calculs... et ce sera tout sauf simple.