La semaine dernière, Shadow officialisait le retard de sa nouvelle offre. Une situation à laquelle on s'attendait du fait des récentes déclarations de la société. Mais elle interpelle par l'ampleur et la teneur des propos tenus par l'entreprise. Nous avons tenté d'en savoir plus... non sans mal.
Fin octobre, Shadow dévoilait sa nouvelle offre, un partenariat avec OVH et des applications mobiles repensées. Depuis, ces dernières ont été mises en ligne, les développeurs n'ayant pas chômé.
Ils ont en effet travaillé à la mise en place d'un client renforcé, bien plus efficace qu'auparavant et le travail est plutôt réussi. Notamment du côté de la gestion des écrans et des définitions, mais aussi des mises à jour et de nombreux petits aspects pratiques. De quoi faire de cette solution logicielle grand public l'une des plus abouties du marché.
Mais côté matériel et infrastructure, c'est une autre histoire. Nous avions déjà évoqué le fait que les équipes de Blade n'avaient rien de finalisé lors de l'annonce d'octobre, seulement de quoi assurer les démonstrations. Trois mois plus tard, alors que l'on s'attendait à de grandes avancées, nous n'avons rien constaté de tel, au contraire.
Si les tests se sont multipliés, rien n'était encore finalisé pour Ultra et Infinite ces derniers jours. Et pour cause, la société semble avoir décidé de ne plus miser principalement sur OVH, même en France, alors que l'hébergeur lui livre ses serveurs de test (alpha puis beta). Blade a par contre passé pour 25 millions d'euros de commande au strasbourgeois 2CRSi qui l'avait aidé à concevoir ses précédents serveurs (Boost).
Il faut dire qu'il s'agit de l'un de ses investisseurs, lui proposant des conditions de financement avantageuses. Mais cela ne s'est semble-t-il pas fait sans heurts. Alors que nous cherchions à comprendre depuis plusieurs semaines comment allait être composée la nouvelle offre de Shadow, nous avons appris que sa mise en production était retardée.
C'est le nouveau PDG lui-même qui est venu l'officialiser à l'occasion d'un Shadow News sur Twitch la semaine dernière. Une opération qui se voulait transparente, mais qui ne l'était pas tant que cela. De nombreuses zones d'ombres subsistaient, la livraison des nouvelles commandes se voyant décalée à 2021.
Les clients devaient ainsi attendre une prochaine communication le 19 février avant de recevoir un email personnalisé les informant sur leur situation. Nous avons donc interrogé Blade pour tenter d'en savoir plus. Et si la société a répondu à certaines de nos questions, elle a préféré nous laisser dans le flou sur plusieurs sujets, notamment en ce qui concerne ses relations avec ses partenaires ou les aspects financiers. Voici le bilan de ce que nous avons pu apprendre.
Notre dossier sur le retard de la nouvelle offre Shadow :
- Shadow : Battle for hardware et nouvelle offre, partenariat avec 2CRSi, quid d'OVH ?
- Retard de la nouvelle offre Shadow et mise en retrait d'OVHcloud : des choix qui interpellent
- Après l'annonce de son retard, Shadow détaille ses choix et ce qui attend ses clients
« Nous aussi, ça nous emmerde »
Peu après la publication de notre précédent article, emails et lettre du PDG de Blade étaient diffusés, avant un Shadow News devant détailler la situation. Une première pour le nouveau patron de la jeune entreprise, Jérôme Arnaud, qui est venu lui-même s'expliquer auprès de la communauté, aux côtés de Victor Grimoin.
« Tu aurais pu m'envoyer au front avec Yannis », l'a d'ailleurs remercié l'hôte de ces petits moments de communication auprès de la communauté, félicitant son patron de prendre ainsi ses responsabilités. Une décision que l'on peut en effet louer, bien que l'exercice se soit révélé imparfait.
Car si Blade s'est dit désolé, livrant quelques détails, cette opération-vérité a rapidement montré ses limites. Avec un lancement prévu pour février, et vu l'ampleur du retard, il est impossible que la situation ait été nouvelle pour Blade. On le sentait d'ailleurs venir depuis les communications effectuées en décembre.
Victor Grimoin a d'ailleurs profité de l'occasion pour jouer le porte-parole de l'équipe. Celui qui regrettait publiquement dans un précédent Shadow News de pas être tenu informé de la situation a évoqué la pression que cela peut faire peser sur les équipes, le stress que cela génère. « Nous aussi, ça nous emmerde », conclut-il.
Les nouvelles commandes ne seront pas livrées avant 2021, les clients priés d'attendre le 19 février
De fait, l'approche très communautaire de Blade est à double tranchant. Capable de déplacer des montagnes lorsque tout va bien, mais aussi très douloureuse lorsque les clients sont mécontents. On ne peut en tous cas que souhaiter bon courage aux équipes pour la période difficile qui s'annonce.
Surtout qu'après de grosses levées de fonds (80 millions d'euros depuis 2018, 100 millions depuis la création de la société) et la mise en place d'une nouvelle direction, il peut y avoir de nombreux changements en interne. Notamment dans une société en pleine croissance, présente dans différents pays dont les États-Unis, sur un marché à très fort potentiel. Encore plus lorsque les concurrents se multiplient comme des petits pains.
L'annonce de NVIDIA d'un GeForce Now à 5 dollars par mois avec GeForce RTX ne devrait rien arranger, même si l'offre est assez différente de ce que propose Blade. Ajouté à l'annonce des retards, cela pourrait faire perdre la bonne aura médiatique dont bénéficie la jeune entreprise française, membre du Next40.
Une communication de crise tardive
Mais c'est dès la conférence d'octobre que la stratégie de Shadow nous étonnait. Comme nous l'évoquions alors, les nouvelles configurations étaient annoncées avec tarif et date de disponibilité (sous trois mois, fêtes comprises), sans que rien ne soit prêt techniquement à part les configurations de démonstration.
C'est d'ailleurs ce qui nous avait poussés à enquêter sur le sujet ces dernières semaines, avec d'autres déclarations venant cette fois de 2CRSi (nous y reviendrons). La façon dont nos différents interlocuteurs avaient tendance à se refermer comme une huître à la moindre question n'était pas pour nous rassurer.
Chez Blade, on explique cette communication tardive par la volonté d'avoir une vision claire de la situation, et d'être précis dans ce qui est dit à la communauté. Autre argument, plus convaincant : il a fallu en passer par le conseil d'administration pour valider les décisions prises, qui ne seront pas sans incidences sur les revenus et dépenses de la société. Une étape qui a pu nécessiter du temps pour trouver un accord.
Quels CPU/GPU dans les nouvelles offres ?
Les cartes graphiques ont été sélectionnées il y a bien longtemps. En plus des Quadro P5000 utilisées pour l'ancienne offre (devenue Boost), des Quadro RTX 5000 et 6000 composent Ultra et Infinite. Elles sont toujours dédiées à chaque client, contrairement au reste de la configuration.
Selon nos constatations, la densité a par contre été revue lors des tests. On est en effet passé de racks avec quatre GPU à trois, sans doute du fait du nombre de cœurs plus important par machine (jusqu'à six cœurs par VM). Mais cela peut dépendre du processeur utilisé, aucun choix définitif n'ayant pu nous être confirmé.
Lors des annonces de la semaine dernière, Victor Grimoin s'était voulu rassurant, évoquant que s'il y avait eu des soucis dans le choix des composants, cela ne concernait pas les CPU/GPU. Nous avons donc posé la question à Blade, qui nous a affirmé également que « les specs n'ont pas bougé ».
Une déclaration qu'il faut prendre avec nuance pour ne pas s'étrangler au regard des évolutions techniques de ces derniers mois. Il y a en effet un point qui est resté figé pour le processeur : il s'agit d'un Cascade Lake « dont le modèle exact peut varier à la marge selon les approvisionnements - W22, W32, Gold ».
La gamme des processeurs Cascade « Scalable » Lake d'Intel
En réalité, un seul a été mis en production via les baies d'OVH pour le moment. Il s'agit du Xeon W-3235 d'Intel. Nous avons pu vérifier qu'il était bien utilisé tant pour les tests des offres Ultra et Infinite. Aucune trace d'un W-2200 et encore moins d'un Xeon Gold. Si des essais ont sans doute été effectués avec ces puces en interne, aucun modèle définitif ne semble avoir été sélectionné pour être mis en production.
Il est d'ailleurs intéressant de voir que Blade évoque des différences « à la marge » tant ces processeurs peuvent être différents : nombre de canaux mémoire, de lignes PCIe, de cache, etc.
Lors du live de la semaine dernière, il avait néanmoins été précisé que de nouvelles commandes n'étaient pas encore passées. La phase de test « Battle for hardware » devait d'ailleurs continuer jusqu'à mi-février après avoir été plusieurs fois retardée. Prévue au départ pour la rentrée, elle a débuté seulement vers 7 novembre avec une centaine d'utilisateurs. À partir du 25 novembre, les 350 autres utilisateurs prévus étaient ajoutés par vagues.
C'est là que l'on a senti la communication de Blade vers l'extérieur se crisper et les choses changer. L'équipe, qui se disait alors très contente des résultats des tests et obtenir des résultats très positifs, a ensuite commencé à esquisser des possibilités de retards avant un silence... jusqu'au résultat que l'on a découvert ensuite.
Des problèmes matériels et de disponibilité
« Il faut comprendre que ces configurations sont très extrêmes en termes de densité, de performances et donc en nécessité de refroidissement notamment » a indiqué Jérôme Arnaud.
Ses équipes expliquaient précédemment avoir rencontré des problèmes lors du franchissement de certains paliers, notamment à partir de 400 utilisateurs. Il précise de son côté que cela a commencé dès la mise en place des premières configurations qui « ont indiqué qu'il y avait des changements à faire ».
Mais nous n'aurons aucun détail sur le problème rencontré ou sa solution : « c'est quelque chose que l'on a implémenté et qui entraîne un petit peu de retard ». Certes, mais pas au point d'en arriver à la situation actuelle. Les explications ont été plus confuses ensuite, évoquant pêle-mêle le besoin de s'assurer d'avoir une bonne scalabilité et des composants en bonne quantité dans un marché où les pénuries sont aussi courantes que les tarifs à la hausse.
Un besoin qui semble s'entrechoquer avec le modèle économique de l'entreprise, qui a dû revoir ses choix de composants : « La carte mère a dû être changée parce qu'elle a un petit peu chauffé, mais il y a d'autres éléments, la mémoire qui évolue beaucoup, etc. » indique le PDG.
Une sélection qui devait être rapidement effectuée, pour passer à la suite. Et cela va également demander du temps : effectuer les commandes, connaître les délais, assembler les machines, les mettre en place, etc. Et d'ici là, il faudra adapter la couche logicielle « qui ne peut pas être testée tant que les configurations ne sont pas finales et donc ça se mort un petit peu la queue » confessait Jérôme Arnaud.
Mais à quoi sert donc OVHcloud ?
Des déclarations qui étonnent, à plus d'un titre. Car aux dernières nouvelles, le fournisseur des nouvelles baies de Blade devait être... OVHcloud. La société devant en assurer la conception et l'hébergement, pour les marchés où il est présent. 2CRSi prenait pour sa part le relai avec Equinix dans les autres pays.
Est-ce OVHcloud est responsable de tous ces ratés ? Lors de son intervention de la semaine dernière, Jérôme Arnaud a botté en touche, précisant que Blade était seule responsable, ne voulant pas accuser tel ou tel partenaire. Interrogée sur les problèmes matériels concrets, l'équipe précise seulement avoir rencontré un souci de carte mère.
« OVH a tout fait pour rattraper le retard et réussi à tenir ses engagements. De notre côté, on a bien perdu du temps sur la spec d'autres serveurs non watercoolés ». Comprendre... qui ne sont pas gérés par OVHcloud. Un détail qui a son importance, car ce serait donc sur les baies conçues avec 2CRSi que ces soucis ont été rencontrés.
Ainsi, Blade dit ne pas avoir « pu engager les commandes suivantes aussi tôt que prévu ». Concernant le rôle d'OVHcloud, elle nous précise qu'il s'agit désormais d'« un partenaire dans notre écosystème » qui a honoré les premières commandes des plateformes Ultra et Infinite. Celles livrées pour les deux phases de test (alpha/beta).
Ce sont d'ailleurs elles qui devraient être utilisées pour « une petite portion » d'utilisateurs qui passeront en Ultra et Infinite en attendant celles devant assurer la livraison des autres clients. Qui sera concerné ? « On réfléchit à un système le plus égalitaire possible » promet l'équipe.
Mais combien sont-ils ? Blade a refusé de nous le dire. Sur combien de clients actifs (70 000 étaient annoncés en novembre) ? Blade a refusé de nous le confirmer. La société a tout de même tenu à nous préciser que « près de 90 % des précommandes seront honorées dans les délais ou en avance », donc celles de l'offre Boost.
Pourtant, une part des problèmes découlerait « du succès rencontré par les précommandes qui dépassait nos prévisions sur les offres Ultra et Infinite, qui ne nous permet pas de toutes les livrer. Au moment du lancement, nous avions donc prévu des livraisons Ultra et Infinite (qui seront bien activées en partie - la partie restante étant décalée du fait des soucis évoqués), puis avons ajusté nos commandes suivantes pour un réapprovisionnement au regard du volume de ventes (avec les sujets d'appro, de prix et de pénurie évoqués) ».
« On livre ce que l'on nous a commandé »
D'autres commandes ont-elles été passées à OVHcloud depuis ? Cela ne semble pas être le cas. Les déclarations de Blade ont d'ailleurs poussé Octave Klaba lui-même à réagir. Dans un premier tweet diffusé dans la foulée des annonces de la semaine dernière, il a montré deux des six racks du datacenter de Gravelines (GRA) commandé par Blade. Les quatre autres doivent être livrés « la semaine prochaine [...] dans les temps ! ».
En réponse à l'une de nos questions, il a publié une seconde photo du datacenter de Croix avec une précision qui ne manque pas de piquant : « nous livrons dans le délai prévu (courant février) la totalité de commandes que nous avons reçu ». Il ajoutait qu'aucun problème technique n'a été remonté, les tests se passant très bien.
Il a confirmé ce soir que « 95% de l’infra vient d’etre delivrée, le reste arrive sous qq heures. Nous sommes très fières du resultat et de travail que nous avons fait ensemble. Si vous avez besoin d’autres infra, servers, storage, etc on est là ! Bon courage et bon jeu :)) ». Ambiance.

Les deux baies en cours de livraison dans le datacenter d'OVHcloud à Gravelines
Nous avons également posé quelques questions à l'hébergeur, qui s'est contenté d'une unique réponse reprenant les affirmations de Klaba, sans doute pour ne pas plus échauffer les esprits :
« Le développement de la plateforme conçue pour Blade dans le cadre de notre partenariat s’est déroulé avec succès. OVHcloud en honorera dans les temps la livraison et la maintenance avec toute la qualité requise conformément à nos engagements. Nous nous réjouissons de ce partenariat non exclusif noué avec eux, et les perspectives que celui-ci apporte au développement de nos offres et à la conception de nos infrastructures. »
Comprendre que, même si les deux sociétés venaient à ne plus travailler ensemble à l'avenir, l'expérience accumulée aura au moins permis à OVHcloud d'avancer sur des sujets techniques comme la conception de racks avec de nombreux GPU exploités en simultanée, avec un gros niveau de performances.
Chez Blade, on confirme que « pour ce qui est des commandes à venir, on s'appuiera sur plusieurs partenaires (dont 2CRSi) étant donnés les volumes et les zones géographiques à couvrir (8 pays) ». Est-ce qu'en France, elle continuera de ne s'appuyer que sur OVHcloud ? « Non, nous devons aussi optimiser le remplissage de nos DC existants ».
Donc ceux déjà opérés avec 2CRSi et Equinix, qui n'accueillaient jusqu'à maintenant que l'ancienne offre devenue Boost. Nous n'en saurons pas plus : « nous ne communiquons pas le détail de notre politique d'approvisionnement et assumons l'entière responsabilité des retards » nous a répondu la société pour clore nos échanges.
Blade et OVHcloud : fin de la love story ?
Autant dire que les relations semblent largement rafraichies par rapport à ce qu'elles étaient au moment de l'annonce de la nouvelle offre fin octobre.
Emmanuel Freund, co-fondateur médiatique de Blade (qui ne tweete plus depuis fin décembre, mais pourrait intervenir publiquement sous peu) était alors aux côtés d'Octave Klaba pour raconter leur « rencontre humaine incroyable ». Deux amis du Next40 partageant des valeurs et une vision.
Dans une intervention vidéo de plus d'une heure ils expliquaient leur première tentative avortée de travailler ensemble aux débuts de la startup, pour des questions de coûts. Puis comment ils se sont retrouvés suite à un évènement organisé par l'Élysée et un tweet, Klaba ayant ensuite recontacté Freund.
Il essayait alors de le convaincre de l'intérêt de profiter de l'infrastructure d'OVH. Sur ce sujet, « Tout ce que vous faites, on le fait mieux » lui aurait-il lancé. Celui qui était encore le patron de Blade n'était pas totalement d'accord « en infra on est hyper bon » mais concédait, sur le ton de l'humour, que dans la conception de datacenter il y a « des choses que vous faites mieux, vous avez un petit peu plus d'expérience, c'est un peu plus votre métier ».
Ils se mettaient alors d'accord pour travailler ensemble. Chez OVH, le projet « Dark » était né. La roadmap interne était chamboulée (le travail sur les GPU était plutôt à échéance 2020), tout l'été les équipes ont travaillé dessus, trouvé des solutions, échangeant avec Blade pour avancer au mieux. « C'était un défi technique vraiment top » racontait Klaba en novembre, évoquant des équipes travaillant « comme si on était dans une seule boite ».
Le résultat : des baies de 35 kW dont le refroidissement était assuré par un système maison. Après les prototypes, les racks alpha étaient mis en place. La collaboration resté secrète jusqu'à son annonce officielle fin octobre, même si cela commençait à se savoir auprès de ceux connaissant bien l'une ou l'autre société.
Cette collaboration était utile aux deux entreprises : Blade déportait une partie de la gestion de l'infrastructure chez OVH et sa capacité à « scaler ». L'hébergeur y voyait sans doute une belle manière de mettre en avant sa stratégie d'écosystème ouvert, avec des partenaires qui travaillent ensemble, « chassent » ensemble pour conquérir de nouveaux marchés. Une alternative européenne où les liens ne sont pas capitalistiques, mais au niveau des valeurs.
Le résultat n'est sans doute pas à la hauteur de tels espoirs.
Mais déjà à l'époque, on sentait quelques points « tendus ». Si nous savions qu'aucun contrat formel ne liait les deux sociétés pour la réalisation de l'ensemble des nouvelles offres lorsqu'elles ont été annoncées, il était confirmé lors de cet échange public que tout restait à définir pour Infinite (high).
« Tout ça c'est une question de bons volumes, au bon moment. C'est des séquencements, des cadencements, combien de baies par semaine, on ne va pas tout livrer d'un coup [...] Tout ça c'est encore en discussion mais je pense que c'est bon » déclaraient alors les deux partenaires. Vous connaissez la suite.
2CRSi et Blade renforcent leurs liens
Désormais, la balle semble donc dans le camp de Blade et 2CRSi. Interrogé sur la situation, ce dernier n'a pour le moment pas répondu à nos questions.
Entrée en bourse l'année dernière, la société alsacienne est partenaire de la startup depuis ses débuts. Elle lui a ainsi proposé des conditions très favorables pour l'acquisition de ses serveurs, avec un remboursement progressif. Des éléments détaillés dans ses rapports financiers semestriels (voir celui de juin 2019).
Blade est ainsi un gros client, au point de représenter 49 % de son chiffre d'affaires du premier semestre 2018. Un an plus tard, ce n'était plus que de 6 %, en attente de la nouvelle offre. Une dépendance qui peut être dangereuse. 2CRSi a ainsi renforcé la diversification de son portefeuille clients et fait quelques acquisitions.
Mais les investisseurs ont tout de même lourdement sanctionné l'entreprise en septembre dernier à l'annonce de ses résultats. Son cours est passé en une journée de 8,26 euros à 4,72 euros. Désormais, il s'est stabilisé aux alentours de 4,5 euros. 2CRSi a depuis investi 2 millions d'euros (en conversion de créances) au dernier tour de table de Blade fin 2019. Est-ce que le partenariat avec OVH a été mal perçu ? Impossible à dire.
Mais en janvier, peu avant l'annonce du retard de Blade, elle évoquait dans un communiqué une commande de 25 millions d'euros de serveurs OCtoPus (calcul) et ULYS (données), exploitant sa solution de refroidissement Immersion Cooling permettant de « réduire drastiquement les coûts opérationnels ».
Les premières livraisons étaient attendues « rapidement » mais « l’essentiel des équipements sera livré à partir du deuxième trimestre 2020 », ce qui semble en ligne ave les annonces faites par Blade. Surtout, ces serveurs « seront financés via des crédits-baux. À ce jour, Blade n’a plus de dette commerciale envers 2CRSi ; le total de la dette financière représentera au 29 février 2020 un montant de 21 M€ dont 10,2 M€ dus en 2020 ».
Et maintenant ?
De son côté, Blade doit maintenant informer ses clients de la suite des évènements. Les détails de son plan pour la mise en place des nouvelles offres sont attendus pour le 19 février.
Ceux ayant choisi un abonnement Ultra ou Infinite vont se voir proposer de passer sur ces machines en attendant mieux. Les conditions exactes restaient à définir la semaine dernière. La société n'a pas souhaité nous en dire plus en réponse à nos questions sur le sujet, nous renvoyant à l'attente de cette date.
Un délai qui doit lui laisser le temps de prendre les dernières décisions et de préparer son site. Ensuite, les clients recevront une communication personnalisée qui les informera sur leur cas et ce qui leur est proposé. Une gestion individuelle rendue nécessaire par la multiplication des cas spéciaux selon le patron de Blade, qui dit chercher à faire au mieux pour ses abonnés tout en restant dans les clous des finances de l’entreprise.
Les nouvelles commandes devront, elles, attendre 2021. La majorité devrait donc passer son tour. Interrogé sur la pertinence d'équivalent de GeForce RTX l'année prochaine, alors que de nouvelles générations de GPU seront sans doute sur le marché (tant chez AMD qu'Intel ou NVIDIA), Blade nous a répondu :
« La 1080 est sortie en 2016 et permet de faire tourner tous les jeux en 1080p, et reste encore à aujourd'hui bien au-dessus des cartes utilisées par la concurrence. Les specs des cartes Ampère auraient fuité, mais de là à parler d'obsolescence de la génération Turing... Encore à l'heure actuelle, très peu de jeux utilisent la technologie ray tracing. »
Ceux qui ont commandé un boîtier Shadow Ghost devront attendre le mois de mars pour le recevoir. Tout du moins, s'il n'y a pas de nouveau retard : « Elles sont produites. Comme expliqué par Jérôme, le Nouvel An chinois et les récents problèmes sanitaires provoquent ce léger retard ».
On notera tout de même qu'elles n'étaient pas attendues pour février, contrairement aux nouvelles offres. D'ailleurs, s'il était impossible de prévoir l'arrivée du coronavirus 2019-nCoV et l'arrêt des vols annoncé par Air France, il en est tout autrement du Nouvel An chinois, qui affiche une certaine récurrence.
Mais la situation s'explique par une stratégie courante de Blade : engranger les précommandes puis ensuite passer commande à ses fournisseurs, quitte à être un peu court sur les délais, à la manière d'un crowdfunding. Ce qui peut se comprendre en phase de lancement d'une entreprise, ela avait d'ailleurs été le cas pour le premier boîtier Shadow.
Mais il est sans doute plus difficile de l'accepter pour les clients lorsque cela concerne un produit finalisé depuis plus d'un an, tel que le boîtier Ghost, proposé par un membre du Next40 multipliant les annonces de levées de fonds.
Un renforcement de la communication de Blade
D'ici là Blade va devoir s'assurer de ne pas perdre les faveurs de sa communauté. « On va renforcer notre communication » précisait Victor Grimoin la semaine dernière, promettant des nouvelles régulières sur l'avancement de la situation. Il sera intéressant de voir si les influenceurs partenaires de Blade seront également mis à contribution pour faire passer des messages positifs dans les semaines à venir.
Car il faut éviter les dérapages. Si certains continuaient encore récemment de défendre Shadow sur le Discord officiel, ou à relativiser puisque ce n'est pas la première fois qu'un retard se produit, nombreux sont ceux qui expriment leur déception. En effet, après avoir été pressés de choisir leur nouvelle offre en novembre – Boost, Infinite ou Ultra – ils continuent de payer depuis l'ancien tarif : 30 à 45 euros par mois tout de même.
Alors que ceux qui se sont abonnés en fin d'année sont facturés au nouveau prix, deux à trois fois moins élevé. Ils doivent ainsi attendre encore deux semaines pour savoir ce qui leur sera proposé et s'impatientent de voir la société clarifier la situation. Elle devrait ainsi en dire plus dès ce soir.
Elle tient en effet un nouveau Shadow News. David Chanial (infrastructure) et Arnaud Lamy (ingénierie) « seront présents pour entrer dans les détails des raisons techniques à l'origine des délais sur les précommandes de Shadow Ultra et Shadow Infinite » promet la société à ses clients.
« Objectif : faciliter la compréhension de ce sujet très complexe et surtout répondre à vos questions ! » Peut-être que toutes les nôtres obtiendront alors enfin une réponse, qui sait ?