Alors que l'on attend toujours la mise sur le marché des nouveaux processeurs d'Intel pour PC de bureau, fuites et rumeurs se multiplient... parfois pour enfoncer des portes ouvertes.
Depuis peu, on voit circuler une « slide » de présentation Intel ayant fuité, qui détaille les performances du prochain Core i9-10900K. Pour rappel, il s'agit d'un CPU de la génération Comet Lake-S, reprenant donc le gros de l'architecture actuelle... gravé en 14 nm. Il comporte néanmoins quelques évolutions, notamment côté plateforme.
Sous les résultats affichés dans le graphique, on trouve une mention indiquant un gain de performances jusqu'à 30 % dans un test comme SPECint_rate_base2006. Un chiffre repris et largement mis en avant pour attirer le lecteur en manque d'informations croustillantes en ce 2 janvier. Mais il faut s'en méfier, pour plusieurs raisons.

Source : MebiuW via Tom's Hardware
Analyser un graphique, c'est avant tout lire les petites lignes...
Tout d'abord... parce qu'il ne s'agit pas d'un fait. Ce score n'est pas le résultat d'un test mené par Intel, mais une simple « projection » effectuée le 4 novembre dernier qui ne prend pas forcément en compte toutes les mises à jour de sécurité mises en ligne depuis.
Cette dernière mention est désormais commune chez Intel du fait de ses déboires sur le sujet. La pratique des projections n'est de son côté pas une spécificité du constructeur, puisqu'AMD (et d'autres) l'utilisent régulièrement lorsque les puces sont en phase de finalisation, de petites différences pouvant apparaître.
Ensuite, ce chiffre de 30 % n'a rien de très étonnant. Pour rappel, Comet Lake-S permet de grimper jusqu'à 10 cœurs, ce qui est le cas pour le 10900K, mais pas du 9900K. Ainsi, 25 % de la hausse vient mécaniquement de cette évolution technique. Et le reste ? Et bien aux dernières nouvelles, le 10900K afficherait des fréquences en hausse.
Ses valeurs de base/Turbo seraient ainsi de 3,7/5,1 GHz contre 3,6/5,0 GHz pour le 9900K. Mais il bénéficie aussi de fonctionnalités lui permettant de grimper jusqu'à 5,3 GHz lorsque toutes les conditions requises sont présentes (avec peu de cœurs actifs notamment) et à 4,9 GHz lorsque l'ensemble du CPU est exploité.
Pour un 9900K c'est plutôt 4,7 GHz, soit un gain potentiel de 4,3 %. Cela suffit à obtenir le chiffre affiché de 30 %. Ce, sans la moindre évolution de l'architecture et de l'IPC. Deux des terrains où Intel s'est clairement endormi ces dernières années, malgré les évolutions par petites touches successives.
... mais aussi aux informations « oubliées »
Mais il ne faut pas mettre de côté une autre information, qui n'est pas mentionnée ici : le TDP du 10900K devrait passer à 125 watts contre 95 watts pour le 9900K. Une hausse de près de 32 %.
Certes, Intel évoque un châssis identique dans les deux cas. Mais s'il est capable de dissiper 125 watts sans problème, le 10900K dispose d'un avantage non négligeable dans la gestion de ses fréquences. Car même si le TDP est une valeur thermique destinée au dimensionnement des systèmes de refroidissement, n'étant pas le reflet de la consommation des puces, elle agit comme un facteur limitant dans la gestion du Turbo.
Il serait donc intéressant de savoir à quelle fréquence fonctionnent les CPU dans les conditions de test évoquées, à quelle tension et avec quelle consommation énergétique, ce qui n'est pas mentionné ici.
Intel va devoir batailler dur face à AMD
De fait, le 10900K sera un processeur plus performant que le 9900K, mais dire cela revient à faire remarquer qu'il le sera aussi bien moins que les puces dotées de plus de cœurs, proposées tant chez Intel que chez AMD. Son architecture de base évoluant peu, c'est ailleurs qu'il faudra porter notre attention.
Tout d'abord dans la gestion de sa fréquence... et de la consommation. Cela reste un des rares points faibles des Ryzen d'AMD malgré le 7 nm, mais le 14 nm d'Intel commence aussi à montrer ses limites... surtout lorsqu'il s'agit de grimper dans les 5 GHz avec de nombreux cœurs.
Ensuite la politique tarifaire et de gestion des plateformes du géant de Santa Clara. Les puces Come Lake-S à 10 cœurs vont exiger un nouveau socket, de nouveaux chipsets et une nouvelle carte mère. Bref, une dépense minimale importante. Intel, qui continue d'afficher une grille tarifaire excessive sur l'offre haut de gamme, va-t-il profiter de cette nouvelle gamme pour être plus agressif vis-à-vis d'AMD et son socket AM4 plutôt durable ?
Dans une situation où sa production en 14 nm n'arrive pas à suivre face à la demande, le constructeur pourrait être tenté de continuer à miser sur une clientèle fidèle, prête à tout pour afficher un gros nombre de MHz et un logo bleu, espérant grappiller quelques pouillèmes de fps dans les jeux parce que c'est ce que lui vend le marketing.
C'est donc à ces questions que nous attendons des réponses dans les semaines à venir. Espérons que la conférence de presse que tiendra Intel à l'occasion du CES de Las Vegas nous permettra de savoir avec quelle attitude le fondeur compte attaquer l'année 2020. D'autant qu'AMD devrait de son côté frapper fort, continuant de dérouler sa roadmap, avec Zen 3 et de nouveaux APU en ligne de mire.

Les plans d'AMD sont connus depuis des années : ici en avril 2018