Autorisé par l'ARCEP à réexploiter sa bande 1800 MHz en mars dernier, Bouygues Telecom sera capable à partir du 1er octobre prochain de proposer à ses clients l'une des meilleures si ce n'est la meilleure couverture 4G (LTE) du pays. Un atout contesté par Orange devant le Conseil d'État selon Le Figaro.
Une « rupture de l'égalité entre opérateurs »
Mi-mars 2013, le lendemain de l'officialisation de l'autorisation par l'ARCEP de pouvoir exploiter la bande 1800 MHz (2G aujourd'hui) pour la 4G, Orange estimait que la décision de l'ARCEP « crée un nouveau choc sur un marché déjà fortement déstabilisé ». Quant à SFR, pour lui, le gouvernement et l'autorité de régulation des télécoms ont « méconnu le principe de confiance légitime », créant ainsi une « rupture de l'égalité entre opérateurs. (...) La décision du régulateur modifie substantiellement le cadre concurrentiel et économique dans lequel nous nous inscrivions lors de la formulation de notre offre financière pour obtenir les fréquences de 2,6 GHz et 800 MHz. »
À cette époque, SFR ne cachait pas qu'il comptait « faire valoir ses droits », une menace à peine voilée de contestation devant la justice. Trois mois plus tard, les contestations débutent donc. Selon Le Figaro, Orange a été le premier à se lancer dans la bataille. Il pourrait être suivi par Free Mobile. SFR, qui avait donc menacé d'attaquer, devrait ne pas participer à cette nouvelle opposition judiciaire précise notre confrère.
Un manque de transparence
Du côté d'Orange, un recours au fonds a été déposé devant le Conseil d'État. Pour l'opérateur historique, il y aurait d'un côté une rupture d'égalité entre les opérateurs. Il faut dire que l'autorisation de l'ARCEP donne à Bouygues Telecom près d'un an d'avance sur ses concurrents, pour des investissements bien moindres. Enfin et surtout, Orange conteste la méthode de l'ARCEP et son manque de transparence. Si l'opérateur avait su qu'il était possible d'exploiter les fréquences 1800 MHz pour la 4G, il aurait alors investi beaucoup moins d'argent dans les autres fréquences 4G. Rappelons qu'Orange a tout de même dépensé 1,178 milliard d'euros pour 20 MHz duplex en 2,6 GHz et 10 MHz duplex en 800 MHz. Seul SFR a investi plus (1,215 milliard d'euros) du fait de meilleures fréquences 800 MHz, tandis que Bouygues a dépensé 911 millions d'euros (en savoir plus).
Selon des juristes contactés par Le Figaro, cette contestation d'Orange a bien peu de chances d'avoir de lourdes conséquences sur Bouygues. Dans le pire des cas, ce dernier pourrait voir son autorisation être suspendue le temps que l'affaire soit jugée, mais la probabilité qu'un tel scénario soit appliqué est faible. Qui plus est, l'ARCEP a maintes fois expliqué que le « refarming », cette technique qui consiste à réutiliser des fréquences pour une autre technologie, avait déjà été évoqué pour la bande 1800 MHz, il y a de nombreuses années.
En mars, l'Autorité précisait par exemple que « les textes nationaux prévoient cependant, conformément au droit communautaire, d’une part, que ce principe de neutralité technique s’applique à l’ensemble des bandes de fréquences à compter du 25 mai 2016 et, d’autre part, que les opérateurs ont la possibilité d’en demander la mise en œuvre anticipée », ce qui a été fait par Bouygues Telecom l'an passé.
L'ARCEP rajoutait qu'Orange tout comme SFR peuvent eux aussi demander à ce que leurs autorisations dans la bande 1800 MHz soient étendues à la 4G, ceci quand ils le souhaitent. Quant à Free Mobile, qui ne dispose pas de telles fréquences, il pourra toujours les exploiter quand les opérateurs lui fourniront quelques MHz. Bouygues devra ainsi s'exécuter en ce sens avant le mois d'octobre et SFR et Orange avant 2016 au plus tard.
Pas la première contestation/plainte du genre
Rappelons que moins d'une semaine après la décision de l'Autorité de régulation des télécoms, le syndicat CFE CGC/UNSA annonçait son intention d'attaquer cette décision devant le Conseil d'État. La CFE-CGC/UNSA se plaignait notamment que l'autorisation accordée par l'ARCEP n'intègre aucune condition liée à l’emploi, contrairement aux licences 3G qui impliquaient des engagements. « Certes, les déploiements de Bouygues Telecom devraient dynamiser les commandes chez les équipementiers, bien mal en point en Europe » concédait le syndicat. « Mais, alors qu’il y a eu une consultation publique sur ce « refarming » des fréquences, aucun acteur n’a, selon l’Arcep, fourni d’éléments convaincants sur l’emploi. » Le syndicat d'Orange n'a toutefois pas contesté la possibilité pour Bouygues Télécom d'utiliser ses fréquences pour la 4G, contrairement à Orange lui-même.
Notons enfin que les précédentes contestations vis-à-vis d'une bande de fréquences concernaient la quatrième licence 3G cédée à Free Mobile. Orange avait notamment contesté son tarif de 240 millions d'euros. Ce prix avait pourtant été réévalué de 34 millions d'euros, le tarif de base devant être de 206 millions d'euros initialement. Mais Orange, comme SFR et Bouygues Telecom, avaient au début des années 2000 payé 619 millions pour obtenir ces licences. Toutefois, ces trois opérateurs avaient obtenu une licence pleine avec 15 MHz, tandis que Free doit se contenter de 5 MHz, d'où la division par trois du tarif dans un premier temps.