Au cours des dernières années, la capacité des disques durs a principalement augmenté par l'ajout de nouveaux plateaux, mais des changements plus en profondeur se préparent. Nous avons pu échanger avec Seagate afin d'avoir une vision de ce que nous préparent les technologies SMR, HAMR et Mach.2.
Pour Seagate, la course à la capacité intéresse principalement les professionnels du cloud pour qui l’augmentation de la densité permet de stocker toujours plus dans un même volume. Ils sont donc sa cible principale, même si le grand public finit aussi par en profiter avec l'augmentation du rapport capacité/prix.
Depuis quelques mois, la technologie SMR revient régulièrement sur le devant de la scène ; il s’agit de disques durs avec un fonctionnement bien particulier nécessitant généralement un contrôleur compatible. Si Seagate en propose déjà dans sa gamme consacrée à la vidéosurveillance, d'autres arrivent.
Le fabricant se prépare également à lancer la gamme Mach.2 (Dual Actuator), avec deux bras mécaniques indépendants, et donc deux séries de têtes de lecture/écriture. De quoi doubler les débits et les IOPS sans toucher au format, puisque l'on reste sur du 3,5". Une solution à combiner idéalement avec certains modes RAID.
Les technologies actuelles à leurs limites
Pour Seagate, une chose de sûre : « avec la technologie telle qu'elle l'est aujourd’hui, on est au bout. En hélium on arrive à 9 plateaux, mais à mon avis 10 plateaux je ne suis pas sûr que ça se fasse », nous explique un technicien de la société. « Il n'y a plus beaucoup de matière en haut et en bas, on est très proches des bords et il faut quand même garder une certaine rigidité » de l’ensemble, laissant peu de place pour un dixième plateau.
Que se passerait-il si on était resté sur de l'air à la place de l'hélium ? « On serait certainement resté à 6 plateaux », selon notre interlocuteur. Autre avantage non négligeable de cette solution : « avec l'hélium, les consommations sont moindres et il y a moins d’échauffement ». Il n’est également pas envisageable de passer l’intérieur des disques sous vide : « on a besoin d'un support, il faut un gaz pour que les têtes volent ».
Bref, « pour continuer à augmenter la densité, à grossir, il faut changer la technologie ». Chez Seagate et Western Digital cela passe par le HAMR et le MAMR, deux approches un peu différentes pour un même but : exploser la densité par plateau. Seagate pense ainsi proposer 20 To en 2020, puis 30 To en 2023 et 50 To en 2025 grâce au HAMR.
Dans tous les cas, les évolutions se font sans changer de format. On reste dans le standard de 3,5" car développer d'autres facteurs de forme et/ou vitesses de rotation impliquerait « obligatoirement un impact sur les prix, car on n’a alors pas les mêmes volumes ». Pour le moment, il n’y a donc pas de tests de prévu pour augmenter la hauteur d'un disque dur de 3,5" afin d’ajouter encore plus de plateaux.
Côté vitesse de rotation, Seagate propose toujours des HDD à 10 000 tpm avec « pas mal de clients, [même si] ce n’est plus un marché important ». Et concernant le 15 000 tpm : « c'était vraiment un produit d'OEM, très très peu en distribution ». Dans les deux cas, il n'y a pas d'annonces récentes sur de telles solutions.
Doubler les débits et IOPS avec Dual Actuator
HAMR permet d’augmenter la densité des plateaux et donc la capacité des disques durs, mais Seagate travaille aussi sur une technologie permettant de doubler les débits : Mach.2 aussi appelé Dual Actuator (ou Multi Actuator). Pour résumer, il s’agit de diviser le HDD en deux, chaque moitié avec son propre bras et têtes de lecture/écriture.
« C'est comme si on avait scotché deux disques ensemble, avec une consommation moindre », nous explique Seagate. Le constructeur ajoute que cette solution est également moins coûteuse en termes de production. Le plus intéressant dans cette technologie, c’est qu’elle ne demande aucune adaptation côté contrôleur/hôte.
« On reprend l'adressage qui existait depuis la guerre des Gaules en SCSI avec le LUN [Logical Unit Number, ndlr] ». « Cette fonctionnalité existe dans le protocole de base, elle n’était plus utilisée et on l'a réactivé », nous explique notre interlocuteur. Il nous affirme avoir testé son disque dur Mach.2 avec un contrôleur LSI gérant les LUN de manière naturelle, sans constater de problème à l'usage.
La contrepartie est qu'il faut utiliser une connectique SAS (Serial Attached SCSI), une évolution du SCSI qui est capable de prendre en charge les LUN.

Des avantages certains avec un RAID
Avec cette solution on a plus que deux zones indépendantes au sein d'un même disque, puisqu'elles sont vues par le système comme deux disques durs différents. En plus de multiplier par deux les débits et les IOPS, cette technologie se marie donc parfaitement avec une grappe RAID, à condition de prendre quelques précautions bien évidemment.
« Si vous mettez un RAID 0+5, vous pouvez faire du RAID 0 en mettant les deux moitiés d'un disque Mach.2 ensembles pour doubler la bande passante. Les disques vont alors débiter 500 Mo/s ». Ensuite, on ajoute une couche de RAID 5 sur les disques Mach.2 en RAID 0. On pourrait ainsi imaginer un RAID 0+5 avec seulement trois HDD.
Pour le moment, une seule capacité est prévue et uniquement en SAS : 14 To avec huit plateaux, soit 2x 7 To avec quatre plateaux pour chaque unité logique. Il n’est pas prévu pour l’instant de diviser encore plus le disque dur avec trois ou quatre bras équipés de tête de lecture/écriture.
Un disque Mach.2 en S-ATA sera possible, mais plus compliqué puisque la notion de LUN n’y existe pas. Plutôt qu'installer deux connecteurs S-ATA, une solution serait de partitionner le disque dur en 2x 7 To, la première moitié correspondrait au LUN 0, la seconde au LUN 1, mais cela demanderait une gestion spécifique.
Cap sur les HDD de 20 To
Concernant les disques durs de 18 To, ils arriveraient « bientôt » selon Seagate. Il s'agira alors principalement d’une évolution des modèle de 16 To, avec la technologie CMR utilisable dans n'importe quel système.
Le constructeur vise toujours 2020 pour un disque dur SMR de 20 To, mais « ça ne sera pas pour le mainstream », notamment parce qu'il faudra cette fois disposer d'un contrôleur compatible. Des échéances confirmées par le fabricant lors de la publication de son bilan du troisième trimestre. Notez que Western Digital est sur le même calendrier.
Ces annonces sont l’occasion de revenir sur la technologie SMR avec notre interlocuteur.
Le SMR : l'avenir pour les professionnels
« il y avait plusieurs écoles, qui aujourd'hui sont résumées à une seule école : le host managed », par opposition au drive managed. Dans le premier cas, le contrôleur s’occupe de gérer l’écriture (qui nécessite une attention particulière, lire nos explications), alors que dans le second le disque dur s'occupe de tout.
Pourquoi le host managed a pris le dessus sur le drive managed ? « C'est comme ça, c'est le marché. Tout ce qui est entreprise est partie sur le host managed », lâche simplement notre interlocuteur. Il nous explique qu’il y a tout de même de grosses différences physiques entre ces deux méthodes.
En drive managed, « le disque doit gérer des zones CMR pour faire du stockage temporaire et réécrire ensuite sur la zone SMR pour avoir des performances stables [...] Tout ce qui est séquences d'écritures aléatoires sur des petits blocs ce n’est pas gérable, il faut que ce soit l'hôte qui se débrouille à concaténer les données et les envoyer », ajoute Seagate.
Dans le cas du host managed par contre, le fabricant n’a rien de spécial à faire : « on dit au système "on est SMR" et le système de fichiers doit se débrouiller à le gérer ».
« On a certains produits dans les gammes SkyHawk et BarraCuda qui sont sur des bases SMR, avec du drive managed », nous explique le fabricant. Ce dernier nous parle aussi d'une ancienne « gamme de produits qui s'appelait "archive", car il fallait obligatoirement écrire par très gros blocs pour avoir des performances correctes ».
Dans tous les cas, c'est « complètement transparent » pour l'utilisateur et l'hôte qui n'ont pas à se soucier d'être en présence d'un disque dur SMR (puisqu'il est drive managed). De plus, il y a « tout un tas d'artifice pour compenser le fait qu'un disque dur est SMR, on peut donc se retrouver à en acheter sans le savoir », nous affirme Seagate.
La société se veut néanmoins rassurante : les disques SMR sont testés et validés, ils ne posent pas de problème dans les cas d’usages pour lesquels ils sont définis. Le cas parfait serait d'écrire en une seule fois le disque dans sa totalité, puis revenir butiner des morceaux de données plus tard. Mais il faut éviter d'utiliser un disque SMR dans un NAS ou comme périphérique de stockage principal d'un ordinateur.