Reporters Sans Frontières a décidé de demander une commission d’enquête au Congrès américain. Dirigée contre les programmes de surveillance généralisée, elle doit faire la lumière sur les relations existant entre les agences fédérales et les entreprises privées, accusées d’avoir facilité l’accès aux données des utilisateurs.
RSF s'adresse au Congrès américain
Les révélations autour du programme PRISM de la NSA ont provoqué de nombreux remous. À l’origine de la fuite, l’ancien technicien de la CIA, Edward Snowden, a choisi de révéler son identité, s’exposant à de nombreuses poursuites. Mais tandis que certains s’interrogent sur son avenir, d’autres s’engouffrent dans la brèche. C’est le cas de Reporters Sans Frontières, qui réclame une commission d’enquête au Congrès américain pour examiner les programmes de surveillance généralisée.
L’ONG s’inquiète particulièrement des relations troubles existantes entre le privé et le public et de la manière dont les données personnes sont passées à la moulinette de la lutte anti-terrorisme : « La totalité des emails, documents audio, vidéo, conversations instantanées et informations de connexion, transitant sur les serveurs de ces compagnies, seraient accessibles pour les services de renseignement américains ».
Pas de liberté d’expression sans protection de la vie privée
RSF demande que la Commission puisse évaluer « à quel point les données collectées et transmises sont attentatoires à la vie privée » et donc à la vie privée. L’organisation parle ici d’intérêt public, exigeant donc au passage que les résultats devront être, eux aussi, publics et non classés sous le sceau du secret défense.
Pour Reporters Sans Frontière, il n’y a tout simplement pas de liberté d’expression sans protection de la vie privée. Or, la liberté d’expression est une composante essentielle au métier de journaliste, et l’organisation avait d’ailleurs signé en janvier dernier la lettre adressée à Skype et qui réclamait la transparence des communications. Dans le cas du programme PRISM, les inquiétudes sont plus précises puisque le gouvernement américain a bien reconnu son existence, tout en insistant sur sa légalité.
Difficile de faire la leçon à la Chine
Grégoire Pouget, chef de projet au bureau « nouveaux médias » chez RSF, a indiqué ce matin au Point que l’organisation a changé d’avis sur un élément important : alors qu’elle imaginait que le guide du cyberdissident devait être réservé aux journalistes travaillant dans les dictatures, elle s’est rendue compte qu’il pouvait être utilisé en Europe et aux États-Unis. Au sujet du vieux continent, il précise d’ailleurs : « Nos pays n'ont pas autorisé la surveillance sans aucun contrôle judiciaire. Mais nous n'en sommes plus si loin que cela : en France et surtout en Grande-Bretagne, des législations tendent à renforcer la surveillance ».
Pour Pouget, le danger principal réside dans la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) qui octroie des pouvoirs exceptionnels à l’exécutif pour la surveillance des personnes étrangères. Des pouvoirs qui ont été récemment pointés par Daniel Ellsberg (à l’origine de la fuite des Pentagon Papers il y a plus de 40 ans), qui n’hésitait pas à parler de « coup d’État de l’exécutif contre la constitution américaine ». Mais Grégoire Pouget relève également le paradoxe piquant de la situation : « Cela rejoint notre souci de protéger la liberté de la presse dans le monde, car on ne peut pas demander aux Chinois d'établir une liberté d'expression et une liberté de la presse, et dans le même temps mettre en place des mesures attentatoires aux libertés individuelles ».