(Première diffusion 28 mai 2013) Selon le Code de la propriété intellectuelle, les SPRD, sociétés de perception de la copie privée notamment, doivent consacrer un quart des sommes collectées au spectacle vivant. Combien ? Où ? Dans quelles proportions ? Un rapport existe, mais il n’est pas publié. PC Inpact vient donc de lancer une nouvelle procédure CADA auprès du ministère de la Culture pour en lever le voile.
L’article L321-29 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que sur les près de 200 millions d’euros collectés au titre de la copie privée, 25 % sont conservés par les sociétés de gestion collective. Ces sommes sont affectées. En effet, elles doivent servir à « des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes ». En somme, c’est « un cadeau » un peu particulier qui est imposé aux ayants droit. Ils se voient offrir 50 millions d’euros qu’ils doivent réinvestir dans tels postes budgétaires. Selon les ayants droit cette enveloppe dodue leur permettrait chaque année de financer près de 5 000 manifestations :
Mais quand on gratte le vernis du Code, on voit que cette affectation au spectacle vivant n’est pas la seule possible. L’article R-321-9 précise en effet que « l’aide à la création » s’entend aussi « des actions de défense, de promotion et d'information engagées dans l'intérêt des créateurs et de leurs œuvres ».
C'est le versant un peu moins clinquant de la copie privée, puisque les 25% retenus par les ayants droit peuvent aussi financer des actions de défense des intérêts catégoriels. En d’autres termes, la copie privée prélevée sur l’iPod sert à poursuivre l’internaute qui n’aura pas rempli le disque dur embarqué par des voies légales. C’est très exactement ce que souhaitait le milieu de l’audiovisuel comme en témoigne ce document de 2005 : « Les sociétés de perception et de répartition des droits, s’engagent à hauteur de leurs facultés respectives, à affecter une partie de ces fonds [copie privée, NDLR] au financement d’actions de lutte contre la contrefaçon numérique ».
25% librement affectés dans le respect des finalités légales
Mais combien sont affectés aux festivals, à la traque au MP3 pirate ou ailleurs avec ces 25% ? De fait, les SPRD sont libres d’affecter ces 50 millions où bon leur semble, « à condition de respecter les finalités prévues par la loi » note le rapport Lescure qui constate que leurs marges d’appréciations sont « importantes ». Le rapport évoque les travaux de la commission de contrôle permanente des SPRD qui en avril 2008 avait tout autant « critiqué le manque de précision et de transparence des SPRD sur l’utilisation des fonds dédiés à l’action artistique et culturelle, qui empêche de s’assurer que cette utilisation est bien conforme aux textes et à la jurisprudence ». En mai 2011, poursuit encore le rapport Lescure, la même commission « a constaté que la mise en œuvre, par les différentes SPRD, des recommandations qu’elle avait formulées en 2008, était inégale. Seules certaines SPRD (SCAD, SCAM, ADAMI, SCPP) ont donné suite à la recommandation relative à la ventilation des actions entre les trois objectifs ».
Un rapport annuel remis au ministère de la Culture, jamais diffusé
Que faire alors ? Simple. L’article R 321-8 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que dans les comptes annuels fournis par les SPRD au ministre de la Culture, figurent de précieux détails sur l’affectation des 25% de la Copie privée. Problème : le ministère de la Culture s’est toujours gardé de publier ces données. Or, si elles ne sont pas publiées instinctivement, elles ne semblent pas pour autant secrètes. Au titre de la loi du 17 juillet 1978 sur les documents administratifs, nous avons saisi la Rue de Valois pour qu’elle nous transmette ces précieux documents. Faute de réponse dans les jours à venir, nous saisirons formellement la CADA.
Notre demande porte sur :
- La ventilation des montants versés, par catégorie d'actions définies au premier alinéa de l'article L. 321-9, assortie d'une information particulière sur :
-le coût de la gestion de ces actions ;
-les organismes ayant bénéficié de concours pendant trois années consécutives ; - Une description des procédures d'attribution ;
- Un commentaire des orientations suivies en la matière par la société.
- La liste des conventions mentionnées à l'article R. 321-10.
- Enfin, l'« information annuelle sur les actions éventuellement engagées pour la défense des catégories professionnelles concernées par leur objet social » organisée par l’article R321-8
On se souvient d'ailleurs l'attention de Jean Noel Tronc sur ces 25%. En plein débat européen sur la copie privée,le numéro un de la SACEM se confiait par ces mots devant les professionnels du cinéma : « je me suis fait expliquer par beaucoup d’entre vous qu’une des raisons pour lesquelles un grand nombre de parlementaires, c’était à dire des élus nationaux, se sont mobilisés quand on leur a demandé de le faire, c’est que la copie privée, ils ont en tout cas un bénéfice : c’est celui des 25 % qui contribuent dans leur commune, dans leur département, dans leur région, à aider ce qui [soutient] la création (…) notamment tout ce qui tourne autour du spectacle vivant. » (vidéo, Dijon, octobre 2012). Nous avons donc réclamé ces rapports sur plusieurs années, histoire de couvrir les grands débats parlementaires récents.
Précisons enfin que bien inspiré, Pierre Lescure préconise un changement de cap. Au titre de la transparence et de la légitimité, il demande à ce que ces rapports sur l’affectation des 25 % soient rendus publics par le ministère de la Culture.