ExaNoDe : le prototype de processeur de calcul exascale européen est en phase finale d'intégration

Espérons qu'il ne fera pas flop

ExaNoDe : le prototype de processeur de calcul exascale européen est en phase finale d’intégration

ExaNoDe : le prototype de processeur de calcul exascale européen est en phase finale d'intégration

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L'Europe ne veut pas rester sur le banc de touche des supercalculateurs et espère atteindre une puissance exaflopique d'ici 2022 (ou 2023). Elle finance ainsi ExaNode qui doit fournir un prototype de processeur. Selon le CEA qui coordonne ce projet européen, la phase finale d'intégration a commencé et la validation devrait arriver en juin.

Le projet ExaNoDe est ambitieux, son but étant « de développer de nouvelles technologies nanoélectroniques et des solutions d’intégration disruptives (sic) pour concevoir le premier processeur de calcul exascale européen ». Sa puissance serait ainsi d'au moins d'un exaflops, soit 10^18 ou un milliard de milliards d'opérations à virgule flottante par seconde.

Des enjeux multiples

Selon le Top 500 des supercalculateurs (dont la liste est mise à jour deux fois par an), Summit est actuellement le premier au monde avec une puissance de 143,5 pétaflops, soit 0,1 exaFlops. Les deux suivants se placent juste en dessous des 100 pétaflops, puis on passe sous les 10 pétaflops à partir du 20e supercalculateur.

En France, le CEA est 16e avec son Tera-1000-2 (Bull Sequana X1000) à 12 pétaflops. Une telle puissance n'est pas seulement utile pour des calculs scientifiques ou pour préparer le bulletin météo, mais aussi pour « les besoins de la Défense et de la dissuasion nucléaire » affirme le CEA

Disposer de supercalculateurs est donc non seulement un enjeu scientifique et technique pour l'Europe et la France, mais aussi stratégique. C'est également une course à l'échalote dans le monde de l'intelligence artificielle, comme le rappelle l'université de Sherbrooke au Canada

« Cette puissance de calcul appelée "exascale" constitue une frontière symbolique puisqu’elle peut être assimilée à la capacité de traitement de l’information d’un cerveau humain. Des performances de calcul de cette ampleur seraient perçues comme une avancée technologique majeure, permettant aux centres de recherche du monde entier de mener des études plus poussées sur le climat, la biologie moléculaire ou encore les matériaux avancés. »

L'Europe et les supercalculateurs : une vieille histoire...

Pour rester dans la course, la Commission européenne a lancé en novembre une entreprise commune sur le calcul intensif : EuroHPC JU (European High-Performance Computing Joint Undertaking). Elle s'inscrit dans la lignée du projet TP4HPC (plateforme technologique pour le calcul haute performance) du programme Horizon 2020.

En septembre, lors de l'annonce officielle du lancement d'EuroHPC JU, le constat était peu élogieux : « les entreprises dans l'Union européenne consomment plus de 33 % des ressources de supercalcul au niveau mondial, alors qu'elles ne fournissent que 5 % de ces ressources ». 

Une situation qui n'est pas nouvelle. En 2012 déjà, l'Institut de Recherche en Informatique et Systèmes Aléatoires (IRISA) reprenait une déclaration de Neellie Kroes (alors vice-présidente de la Commission européenne et commissaire à la société numérique) pour expliquer qu'il existait « un écart inacceptable entre ce besoin stratégique et la capacité de lʼEurope dʼy répondre par ses propres ressources ».

Bref, la problématique des supercalculateurs est très loin d'être récente. L'objectif d'EuroHPC JU est donc de déployer des machines au niveau européen d'ici 2020... cette date glissant doucement vers 2022, voire 2023.

EuroHPC JU
La Turquie et la Suède ont rejoint ce projet au début de l'année.

Un milliard d'euros pour EuroHPC JU

Officiellement sur pied depuis fin 2018, EuroHPC JU est financée à hauteur d'un milliard d'euros « provenant pour moitié du budget de l'UE [485 millions d'euros, ndlr] et pour moitié des États membres européens participants ». Des partenaires privés se sont aussi présents pour apporter « des ressources complémentaires d'une valeur supérieure à 400 millions d'euros ». L'entreprise commune devrait rester opérationnelle jusqu'en 2026.

Sur le long terme, la Commission a proposé d'investir 2,7 milliards d'euros dans le cadre du programme pour une Europe numérique durant la période 2021-2027 : « Ce financement supplémentaire garantira la disponibilité de supercalculateurs de classe mondiale et leur utilisation plus large aussi bien dans les secteurs public que privé, y compris par les petites et moyennes entreprises » précise-t-elle.

Deux objectifs sont dans le viseur de Bruxelles :

  • « Une infrastructure de supercalcul paneuropéenne : il s'agira d'acquérir et de déployer dans l'UE deux supercalculateurs qui figureront parmi les cinq plus puissants du monde, et au moins deux autres qui, actuellement, se classeraient parmi les 25 premiers mondiaux. Ces machines seront interconnectées avec les supercalculateurs nationaux existants et mis à disposition des utilisateurs publics et privés dans toute l'Europe, au service de plus de 800 domaines d'application scientifique et industrielle.
  • La recherche et l'innovation : le but est de soutenir le développement d'un écosystème européen de supercalcul, stimulant un secteur de l'équipement technologique et qui mettra les ressources de supercalcul dans de nombreux domaines d'application à la disposition d'un grand nombre d'utilisateurs publics et privés, y compris des petites et moyennes entreprises. »

Multiplier les cœurs ne suffit plus

Pour y arriver, encore faut-il disposer des composants techniques (processeurs, interconnexions, etc.) capables de grimper jusqu'à une telle puissance de calcul. « C’est dans ce cadre qu’a été lancé le projet européen ExaNoDe [European Exascale Processor Memory Node Design, ndlr], qui a pour objectif premier de résoudre les défis liés au processeur de calcul ».

Pour le CEA, le problème est que « l’augmentation du nombre de cœurs dans le processeur d’une puce pour améliorer ses performances ne suffit plus pour atteindre le niveau exascale ». Les membres du projet veulent donc développer « leurs solutions sur des systèmes de calcul hétérogènes, c’est-à-dire des coprocesseurs intégrant des fonctions spécialisées pour gérer les tâches spécifiques du superordinateur ».

  • ExaNoDe CEA
  • ExaNoDe CEA
  • ExaNoDe CEA
  • ExaNoDe CEA
  • ExaNoDe CEA

ExaNoDe doit justement proposer un prototype de « processeur » de calcul répondant à ces besoins, avec deux objectifs différents, mais complémentaires :

  • « Une technologie d’encapsulation avancée intégrant un système de calcul modulaire partitionné en un certain nombre de puces [basées sur ARM-V8, ndlr] élémentaires empilées (chiplet) sur un interposeur en silicium, ce qui permet l’interconnexion des puces à un faible niveau de consommation électrique et à coûts réduits ». On parle alors de module multipuce (MCM) ou SiP (System in Package) qui, contrairement à un SoC (System on a Chip) regroupe plusieurs puces/dies dans un même composant à la manière des EPYC d'AMD et leurs chiplets.
  • « Une couche logicielle système permettant de tester l'élément de calcul dans des applications réelles ». 

ExaNoDe semble sur la bonne voie puisque ses premiers résultats couvrent « tous les aspects de l'intégration des composants, de la technologie du silicium jusqu'au logiciel système », affirme le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives qui coordonne ce projet.

Un prototype validé d'ici l'été

Parmi les avancées technologiques déjà réalisées, le CEA met en avant une « interconnexion innovante, à grande vitesse et basse consommation pour l'intégration hétérogène de puces élémentaires via un interposeur en silicium, l'intégration en 3D de puces élémentaires sur un interposeur en silicium actif avec environ 50 000 connexions haute densité » et tout le développement de la partie logicielle.

Le prototype ExaNode est désormais en phase finale d'intégration et devrait être validé en juin. La prochaine étape sera de livrer une solution SiP comprenant deux puces FPGA et un circuit intégré 3D avec des chiplets et l'interposeur. Les méthodologies, savoir-faire, briques technologiques et logicielles seront ensuite réutilisés pour « la prochaine génération de processeurs à utiliser dans les futurs systèmes exascale », sans plus de détails.

ExaNoDe CEAExaNoDe CEA

Commentaires (6)


Je suis étonnée du choix ARM v8. Ne pas me demander pourquoi, mais je voyais plus une archi basé sur Open Power (Bull, BAE Systems voir Open Spark (utilisé par l’ESA). Peut être que j’ai plus d’estime pour ses architectures ou que je vois l chine avec ces mips galérer.



Zaxe a dit:


Je suis étonnée du choix ARM v8. Ne pas me demander pourquoi, mais je voyais plus une archi basé sur Open Power (Bull, BAE Systems voir Open Spark (utilisé par l’ESA). Peut être que j’ai plus d’estime pour ses architectures ou que je vois l chine avec ces mips galérer.




OpenPower, c’est IBM, donc américain. Alors qu’ARM, c’est encore presque européen.


question bête : on a des fondeurs de puce en europe ? à part les usines de glofo en allemagne, je vois pas …



LordZurp a dit:


question bête : on a des fondeurs de puce en europe ? à part les usines de glofo en allemagne, je vois pas …




Oui, on a ST microelectronics au moins;
après il y en a plein d’autres mais c’est pas des technos très fines non plus…



LordZurp a dit:


question bête : on a des fondeurs de puce en europe ? à part les usines de glofo en allemagne, je vois pas …




Oui, mais pas sur ce qu’on appelle le leading edge (les procédés de gravures les plus fines au monde).
Les plus gros en terme de vente, ce sont ST Microelectronics, NXP et Infineon (source)


Très intéressant, merci!
Ça touche à la fois aux possibilités du packaging et à l’architecture dans son fondement.


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