Edward Snowden, à l’origine de la fuite des documents internes de la NSA, est désormais connu du monde entier. Tandis que beaucoup se demandent ce qu’il risque réellement et combien de temps cela prendra aux États-Unis pour l’extrader, Daniel Ellsberg, à l‘origine de la fuite de documents du Pentagone il y a quarante ans, estime pour sa part que Snowden devrait être traité en héros.
Daniel Ellsberg est connu pour avoir fourni en 1971 des documents top secret émanant du Pentagone. Ces « Pentagone Papers », comme ils ont été nommés, ont été envoyés au New York Times : 7 000 pages d’une documentation classée secret défense, obtenues via son emploi d’analyste pour la RAND Corporation, dont la mission est d’améliorer notamment le processus décisionnel au sein du gouvernement américain.
Ce détenteur du Right Livelihood Award (prix Nobel alternatif) en 2006 vient de prendre position sur l’affaire Edward Snowden. Pour rappel, l’ex-technicien de la CIA a revendiqué la fuite des documents internes à la NSA révélant l’ampleur du programme PRISM. Réfugié dans un hôtel à Hong-Kong, il attend quel sort lui sera réservé car la révélation des documents viole évidemment la loi américaine. Mais pour Ellsberg, Snowden ne devrait pas être mis au pilori : il devrait être encensé.
Dans une lettre ouverte publiée par The Guardian, l’homme âgé de 82 ans indique que les révélations de Snowden sont les plus importantes dans l’histoire des États-Unis. Il affirme que l’ex-agent devrait être traité en héros pour avoir renoncé à beaucoup dans le but qu’il s’était fixé : révéler aux yeux du monde ce qui se passe dans l’ombre. Car entre se douter et savoir, il existe parfois un gouffre.
Pourtant, il ne semble pas étonné. L’affaire souligne pour sa part une évolution perceptible depuis les attentats du 11 septembre. Cependant, le progrès technologique a pu donner des ailes à certains projets, dont celui de « coup d’État de l’exécutif contre la constitution américaine ». Il se montre d‘ailleurs particulièrement virulent : « la NSA, le FBI et la CIA ont, avec les nouvelles technologies numériques, une puissance de surveillance sur nos propres citoyens que la Stasi – la police secrète dans l’ancienne République Démocratique d’Allemagne de l’Est – n’aurait pu que rêver. Snowden révèle que cette soi-disant communauté du renseignement est devenue les United Stasi of America ».
Et en dépit de l’ampleur de l’infraction à la loi, Ellsberg défend Snowden bec et ongle : « Il pourrait être kidnappé, il pourrait être envoyé à Guantanamo, il pourrait être exécuté. Beaucoup de gens vont sans doute l’appeler traître, mais ils feront erreur. C’est une expérience extrêmement déplaisante pour quelqu’un qui sait qu’il est un patriote, qui est certainement un patriote pour autant que je sache ».
Évidemment, la justice américaine risque fort de ne pas être du même avis car elle déclarera que c’est tout le plan de lutte anti-terrorisme qui aura été mis en danger, et donc le pays et ses habitants eux-mêmes.