Alors qu'AMD est dans une passe difficile ces dernières années, la société compte bien sur 2016 pour redresser la barre. Premier segment concerné : les GPU avec de multiples annonces et l'arrivée prochaine de l'architecture Polaris.
Depuis quelques années, AMD tourne au ralenti. Cela concerne aussi bien le marché des CPU que celui des GPU, même si dans ce second cas, quelques bonnes nouvelles ont été au programme ces derniers temps, de l'intégration aux consoles de dernière génération à l'arrivée de la gamme Fiji à base de HBM.
En perte de vitesse, AMD cherche à se relancer
Mais le constructeur ne cesse de perdre des parts de marché dans son secteur historique : les PC. La faute à une mauvaise combinaison entre un manque d'évolution des pilotes et des cartes graphiques proposées. Entre les changements de nom en tous genres et le manque de réelle innovation technique, le tout sur fond de révolution mobile des usages, le consommateur a préféré regarder si l'herbe était plus verte ailleurs.
Résultat, la dernière gamme annoncée avait des intérêts, mais ses tarifs sont bien trop élevés. Un problème pour une société avec une position de challenger. De plus, certains lui reprochaient une consommation encore trop élevée et un manque du côté de la connectique, puisque le HDMI 2.0 n'est par exemple pas supporté nativement. Dommage à l'heure où la 4K commence à se généraliser.
Plus récemment, on apprenait à travers nos amis de chez Hardware.fr que le modèle bi-GPU avait vu son lancement repoussé. Un peu comme l'architecture Zen du côté des CPU dont on ne sait pas vraiment si elle sera réellement lancée cette année ou non.
Bref, il fallait repartir du bon pied. La société a donc mis en place son Radeon Technologies Group (RTG) sous la direction de Raja Koduri. Il a pour mission de redresser sérieusement la barre, et ce, en un minimum de temps. L'occasion de tenter de capitaliser sur les efforts effectués ces dernières années, qui va commencer à être visible sur le marché.
Les GPU AMD pourront exploiter des applications CUDA
Il a tout d'abord été question de l'arrivée de pilotes arborant un nouveau look et exploitant une nouvelle base technique. Si quelques soucis ont été rencontrés au lancement, cela devrait s'avérer payant dans les mois qui viennent une fois la transition digérée.
Car AMD ne peut plus laisser NVIDIA s'attirer les faveurs des joueurs avec GeForce Experience et ses multiples fonctionnalités, il va falloir contre-attaquer sérieusement afin de rester une alternative crédible sur ce terrain.
Ensuite, la société a décidé de miser encore plus sur l'ouverture de ses solutions afin de gagner en intérêt. Cela a commencé par l'initiative Boltzmann annoncée mi-novembre qui vise à améliorer ses solutions de calcul sur GPU. Cela passe par la mise à disposition d'un pilote headless 64 bits pour Linux et le support de HSA pour les GPU dédiés et non plus certains APU uniquement.
Si d'autres optimisations ont été mises en place afin d'améliorer les performances, et proposer un fonctionnement plus souple, on retiendra surtout une annonce : l'arrivée d'un nouveau compilateur open source, HCC (Heterogeneous Compute Compiler) et de HIP (Heterogeneous-compute Interface for Portability).
Cette dernière aura pour but de permettre à un programme CUDA (avec quelques restrictions pour le moment) de fonctionner sur les solutions AMD. Cela se fera à travers un portage vers du code C++ qui pourra fonctionner sur les GPU des deux marques.
La société admet ainsi que les efforts de son concurrent sur le marché du HPC ont été payants et qu'il est temps de se faire à cette idée et s'adapter plutôt que de chercher à proposer une alternative et risquer d'être mis de côté. Reste à voir ce qu'en pensera le principal intéressé, même si cela ne peut que renforcer sa position face à des solutions comme OpenCL par exemple.
Pour le moment néanmoins, ces solutions ont été annoncées, mais la publication est prévue pour le premier trimestre 2016 pour l'instant, sans plus de détails.
L'ouverture pour compenser le retard au niveau logiciel
Le second point d'ouverture concerne la mise en place de GPUOpen. Là aussi, il n'est pour le moment question que d'annonces puisque l'initiative ne devrait prendre forme que d'ici la fin du mois au plus tard. Dans la pratique, il s'agit tout simplement de chercher à proposer une alternative à des programmes comme le GameWorks de NVIDIA.
Pour rappel, cela prend la forme d'une série d'outils et de solutions qui peuvent être exploités pour les développeurs, et qui sont bien entendu optimisés pour les GPU de la marque. AMD a de son côté poussé quelques solutions du genre, comme son fameux TressFX, mais cela reste tout de même d'une ampleur assez limitée.
D'où la volonté de proposer un ensemble de solutions open source que la communauté pourra venir compléter afin de permettre aux développeurs de puiser dans des ressources exploitables par tous. Un dépôt GitHub sera ainsi créé avec des ressources sous licences MIT comme TressFX 3.0, GeometryFX, AOFX, ShadowFX, CodeXL, Tootl, et plusieurs SDK ou samples DX11/12.
La société en profite pour revenir sur sa nouvelle stratégie au niveau de son pilote Linux AMDGPU, qui dispose d'une base ouverte et unifiée qui peut supporter facilement de nombreuses distributions et évoluer de manière rapide. Puis d'éléments complémentaires dont certains avec un code qui est encore fermé pour le moment et qui seront utilisés selon les publics visés.
Mais cela lui permet d'avoir un avantage de poids face à la stratégie de NVIDIA qui continue de ne fournir qu'un pilote fermé. Il ne semble par contre pas prévu d'ouvrir d'une manière ou d'une autre la nouvelle génération du pilote Windows de la société pour le moment.
Bien entendu, le choix de cette stratégie d'ouverture n'est pas anodin, et sans doute poussé par une capacité limitée d'investissement de la part d'AMD. Mais le choix de l'open source et de l'ouverture de ses solutions au sens large est une bonne chose qui permettra sans doute à de nombreux développeurs de profiter des résultats de ces initiatives.
Il serait d'ailleurs bien que NVIDIA, qui a toujours une grande tendance à garder tous ses développements pour lui, pense un peu à faire de même, bien que l'on puisse comprendre la volonté de conserver des avantages compétitifs issus de ses développements et de ses investissements.
Polaris : la prochaine grande étape
Le CES 2016 a ensuite été l'occasion pour la société de continuer de parler de son avenir. Pour autant, elle n'assure pas une présence folle à Las Vegas. Aucun stand n'est mis en place, puisqu'il est surtout question de rencontres en privé avec la presse afin de lui exposer son point de vue, ainsi qu'une petite sauterie pendant la semaine.
Et l'avenir d'AMD sur le terrain des puces graphiques tient en un mot : Polaris. Cela n'a rien à voir avec la nouvelle interface des Livebox d'Orange, puisqu'il est ici question d'une nouvelle évolution de l'architecture GCN (Graphics Core Next), la quatrième.
La société dit là encore assez peu de choses concrètes. Elle semble avoir un but clair : proposer une solution plus complète, disposant d'une bien meilleure gestion de l'énergie, à travers un premier GPU qui sera disponible durant l'été. Les prochains mois devraient donc être l'occasion pour le constructeur de distiller des informations jusqu'au Computex, et de viser une mise sur le marché en amont de la rentrée et des fêtes de fin d'année.
Le FinFET à la rescousse
Pour le moment, on a donc peu de chiffres et AMD indique surtout que Polaris proposera un bond important en termes de rapport Performances/watt. Cela passera par des améliorations au niveau de l'architecture (qui ne sont pas détaillées, si ce n'est avec des « New » affichés dans la présentation officielle), mais surtout par le passage à une meilleure finesse de gravure exploitant les transistors FinFET.
Car oui, les GPU vont enfin pouvoir passer à moins de 28 nm en 2016, et ce n'est pas trop tôt ! Le passage de 90 nm à 28 nm avait en effet été plutôt rapide, un peu plus de 6 ans comme le rappelle AMD. Il aura finalement fallu attendre le même temps pour passer à 14 ou 16 nm (selon les cas), via les fameux « transistors 3D ». La fabrication sera assurée par GlobaFoundries (voir cette précédente annonce), mais d'autres fondeurs pourront être exploités (notamment TSMC).
Le travail sur la gestion de l'énergie est ce qui avait permis à NVIDIA de se démarquer avec ses puces de la génération Maxwell, la société ayant réussi à améliorer de manière importante la consommation de ses GPU à performances identiques, ce qu'AMD n'a pas été capable de faire dans les mêmes proportions avec ses différentes évolutions.
Ici, le père des Radeon nous indique que Polaris sera capable d'obtenir 60 fps sous Star Wars Battlefront en 1080p avec des réglages Medium et une consommation de 86 watts à la prise, contre 140 watts pour une machine identique basée sur une GeForce GTX 950. Des chiffres un peu étonnants, qu'il faudra donc vérifier dans la pratique.
Pour rappel, une telle finesse de gravure est mise en place par Intel au niveau de ses CPU depuis maintenant deux générations (Broadwell puis Skylake), et son arrivée dans le monde des GPU devrait changer la donne au niveau des performances graphiques des machines compactes et autres portables.
AMD ne s'y trompe d'ailleurs pas et met surtout en avant la possibilité de proposer des Mini PC et autres portables exploitant sa nouvelle génération de puces. Mais là aussi, aucun exemple concret n'est vraiment donné. Le premier modèle annoncé devrait néanmoins viser le coeur de gamme avec de la GDDR5, et non pas un modèle qui multiplie les excès. De quoi nous faire revivre le lancement de la GeForce GTX 750 (Ti) par NVIDIA il y a près de deux ans.
Un moteur vidéo repensé et adapté aux derniers standards
Polaris sera aussi l'occasion pour la société de proposer un nouveau moteur multimédia au niveau de ses puces. Ce point avait été l'objet de déceptions pour ce qui est de la gamme Fiji. Il sera ainsi question du support de l'HDMI 2.0a, du DisplayPort 1.3 HBR3 et de la compression/décompression du H.265.
Le HDR en 2160p60 sur 10 bits sera aussi de la partie. Pour rappel, ce début d'année sera aussi celui de l'arrivée du support de FreeSync à travers un port HDMI.
2016 : l'année du retour d'une vraie bataille dans le monde des GPU ?
Reste maintenant à voir ce que NVIDIA proposera de son côté. Car si une bonne partie de ce qu'annonce AMD a déjà été mis en place au sein des architectures Maxwell (efficacité énergétique, multimédia avancé), l'arrivée de Pascal pourrait lui permettre d'enfoncer le clou. Il en a été à peine question au CES, mais son évocation suffit à comprendre que la puce est dans les starting blocks.
Et même si la société s'est occupé ces derniers temps de marché annexes afin de préparer son futur comme Tegra et la gamme Shield, la réalité virtuelle, les voitures autonomes ou encore le Cloud Gaming avec GeForce Now, elle n'a sans doute pas oublié que la base de son métier consiste à créer des architectures de GPU efficaces.
La bataille entre les deux constructeurs devrait donc reprendre un peu plus sérieusement en cette année 2016. Et c'est sans doute le principal pour les consommateurs avides de nouveautés et d'innovations.