AMD aura finalement dévoilé son processeur Zen en 2016 ! C'est en effet lors de son évènement New Horizon que Lisa Su a annoncé quelques détails sur ses prochains processeurs haut de gamme : Ryzen.
C'est fait ! Après avoir multiplié les NDA autour de l'architecture de ses nouveaux CPU et les effets d'annonces (voir notre analyse), AMD commence à rentrer dans le dur à propos de Summit Ridge.
Hier soir, à l'occasion de l'évènement New Horizon, la marque a ainsi officialisé la dénomination officielle de ses nouveaux bébés : Ryzen. Celle-ci sera utilisée aussi bien pour les processeurs pour ordinateur de bureau que ceux pour ordinateur portable (Raven Ridge) qui arriveront dans la seconde moitié de 2017.
Ne faisons pas durer le suspense : la puce haut de gamme dépassera les 3.4 GHz, disposera de huit cœurs (16 threads), de 20 Mo de cache et se limitera à un TDP de 95 watts. Elle a ainsi été pensée pour s'opposer au Core i7 6900K d'Intel (nous y reviendrons).
New Horizon : un évènement pour les fans, pas toujours très précis
L'effet de surprise avait été gâché par quelques fuites de dernière minute. Il faut dire qu'AMD avait briefé la presse une semaine auparavant lors de son Tech Summit organisé à Sonoma, ce qui a sans doute favorisé le fait que la présentation complète se retrouve en ligne avant l'heure.
Hier, c'était depuis ses locaux d'Austin que la société a effectué une présentation avant tout destinée à ses adeptes. Outre les animateurs et invités qui étaient là pour vanter les mérites des nouvelles puces d'AMD, il y avait quelques membres de la fameuse Red Team Plus. Un groupe de fans dont le rôle est de propager la bonne parole, notamment à travers les réseaux sociaux, qui sont parfois invités à de telles rencontres et évènements (notamment pour crier des « Wouhou ! »).
De ces 42 minutes, il n'y a donc pas que de grands moments à retenir. Certaines démonstrations tombaient d'ailleurs plutôt à plat comme celle sur la réalité virtuelle, un test de streaming d'une partie de DOTA 2 impossible avec un i7 6700K overclocké (sic !) ou une comparaison entre une machine AMD (Ryzen) et Intel (Core i7 6900K) sous Battlefield 1 en 4K avec des Titan X en SLI où la seule information était... que le rendu était similaire (sans aucun détail ni chiffres à la clef).
On aura aussi été déçus de la mention surprise d'une carte Vega en fin d'évènement, puisque nous avons simplement vu une scène du DLC Rogue One de Star Wars : Battlefront en 4K, sans score (mais à plus de 60 fps selon Lisa Su), sans détails concernant les options, sans visuel de la carte :
AMD vers la fin d'une période difficile ?
Néanmoins Lisa Su a pu dérouler le « storytelling » autour de Ryzen et commencer à livrer quelques informations publiquement. Ainsi, on retrouve largement la notion de « chemin » dans la communication d'AMD, qui revendique un travail de près de quatre ans sur sa nouvelle architecture, construite en repartant de zéro.
Un voyage qui s'apparente plus à une traversée du désert pour celle qui a dû gérer un lourd passif, bien que l'historique des moments clef de la société ait rapidement oublié cette période, passant des Athlon 64/FX et la génération HD 4000 (RV770) aux RX400 et autres SoC intégrés dans les PS4 et Xbox One.
On se rappelle ainsi la période difficile des Phenom débutée en 2007, et ses promesses déçues, l'architecture Bulldozer n'a pas vraiment sauvé la mise en 2011. Cela a depuis largement plombé la compétitivité des produits de la société, ainsi que son image. Et ce ne sont pas les soucis financiers ou de gestion d'AMD qui ont facilité les choses ces dernières années.
Sans compétition face à l'offre haut de gamme d'Intel, elle a dû se concentrer sur ses APU et l'offre d'entrée ou de cœur de gamme, ainsi qu'une finesse de gravure encore largement en 28 nm (contre 22 puis 14 nm chez Intel). Et si cela se passe mieux désormais du côté des cartes graphiques, cela n'a pas toujours été le cas.
Sans revenir en détails sur les lancements de Radeon de ces dernières années, l'évolution de la part de marché parle d'elle-même. AMD est donc en phase de reconquête à tous les niveaux, et Lisa Su compte bien sur Ryzen pour constituer la base d'une plateforme capable de rivaliser avec la concurrence, même sur le haut de gamme.
Du nom sélectionné, on retiendra surtout l'humour de Lisa Su lorsqu'elle avoue qu'il n'est jamais très simple de mettre d'accord des ingénieurs sur un tel point. C'est de toute façon souvent l'équipe en charge de la communication qui prend les choses rapidement en main, et ici le but était apparemment de montrer que le projet connu jusqu'à maintenant sous le nom de code Zen s'élevait (Rise). La contraction donne ainsi Ryzen.
Se payer le Core i7 6900K d'Intel à tout prix
L'autre élément de langage que l'on retrouvait dans les propos de la patronne d'AMD est que les nouvelles puces de la marque avaient pour objectif de « push the enveloppe ». Derrière ce terme, on retrouve la notion de TDP qui est pour rappel une valeur thermique (et non électrique) associée à la chaleur qu'un système de refroidissement va devoir dissiper pour assurer le bon fonctionnement du CPU.
Lisa Su a en effet rappelé que les objectifs de son équipe pour Ryzen étaient de proposer une performance bien plus élevée que les processeurs actuels, mais avec une gestion de l'énergie bien meilleure. Le résultat serait allé bien au-delà des espérances de la marque qui annonce fièrement qu'elle est au niveau d'un Core i7 6900K, avec un TDP de seulement 95 watts, contre 140 watts pour ce dernier.
Pour le prouver, seules deux démonstrations ont été effectuées sur place ou lors du Tech Summit de Sonoma. On a ainsi pu constater sous Blender 2.78a que la vitesse pour un rendu complexe était similaire. Une démonstration déjà effectuée pendant l'été.
Pour autant, nous n'avons aucune information concernant cette scène, les plugins utilisés, le mode de rendu, la configuration de la machine, etc. Dans les détails donnés à la fin de la vidéo, on apprend aussi que la configuration Intel était utilisée (comme celle d'AMD) avec seulement deux canaux mémoire (contre quatre pouvant être exploités).
Autant dire que l'on ne sait pas si le résultat montré est fiable, surtout qu'il n'est recoupé par aucun autre outil de mesure de performances. AMD a simplement utilisé Handbrake 0.10.5 pour effectuer une compression vidéo au format de l'Apple TV 3 (là aussi sans préciser la moindre information), afin d'assurer que Ryzen faisait mieux que l'i7 6900K, alors que tout n'est pas encore optimisé.
Si l'on ne peut prendre pour argent comptant des informations données dans un tel contexte, elles montrent bien que Ryzen vise le haut de gamme et sera capable de rivaliser avec les plus gros Core i7 d'Intel. Il faudra bien entendu voir dans le détail les performances au moment du lancement attendu pour l'année prochaine (AMD ayant annoncé que ces résultats seront reproductibles) , mais c'est plus qu'encourageant.
Viser le haut de gamme pour éviter la question de la grille tarifaire
Pour rappel, le 6900K est disponible depuis quelques mois maintenant. Il est vendu à un peu moins de 1000 euros dans le meilleur des cas. Il dispose de 8 cœurs (16 threads), 20 Mo de cache (16 Mo de L3 et 4 Mo de L2), et une fréquence de 3,2 GHz (nominale) contre 3,7 GHz en mode Turbo. Gravé en 14 nm, il nécessite une plateforme spécifique. C'est tout cela qui en fait une cible de choix pour AMD.
En effet, l'intérêt est double : montrer que la marque est capable de combattre le processeur le plus haut de gamme de son concurrent, tout en s'attaquant à un modèle dont le tarif est disproportionné. Cela n'est d'ailleurs pas un très bon signe pour ceux qui s'attendent à voir des puces Ryzen à huit cœurs débarquer à moins de 300 euros.
La question des prix ou de la déclinaison de la gamme SR3, SR5 et SR7 n'a d'ailleurs pas été évoquée par AMD.
Consommation, performances sur un seul cœur : ce qu'AMD ne dit pas (encore)
Et dans de telles conférences tendance « propagande », ce qui est le plus intéressant à analyser, c'est justement ce qui n'est pas mis en avant. On notera ainsi qu'outre le manque d'informations concernant les tarifs ou les performances exactes en jeu, rien n'a été dit sur la consommation des différentes machines.
Une valeur qui n'est pas forcément le reflet du TDP dont la méthode de calcul diffère d'une marque à l'autre. Invités à Sonoma, nos confrères de Hardware.fr ont noté des chiffres similaires entre les machines AMD et Intel lors des démonstrations, mais aussi « la consommation élevée au repos sur les deux plateformes à 93 watts chez AMD contre 106 chez Intel, les systèmes d'économie d'énergie des CPU étaient probablement désactivés de part et d'autre car pas encore pleinement fonctionnels sur Ryzen ». Un point qu'il faudra éclaircir au moment de la publication des premiers tests sur une plateforme telle qu'elle sera commercialisée.
De plus, aucun test n'a pour le moment été effectué sur un processeur avec un seul cœur utilisé. Un élément qui reste important, surtout lorsque l'on met en avant une évolution de 40 % en IPC (Instructions per clock). On aurait aussi aimé par exemple une comparaison plus précise sur un modèle à quatre cœurs avec un Core i5/i7 et un FX de la gamme actuelle, Lisa Su ayant indiqué qu'elle répondrait à la question Twitter « Zen ou 7700K ? ».
Surtout que pour un usage quotidien, toutes les applications ne bénéficient pas parfaitement de l'ensemble des cœurs d'une puce. Et si les adeptes de rendu 3D ou de compression vidéo apprécieront sans doute la puissance d'une puce très haut de gamme, il faudra aussi convaincre un plus large public pour faire de Ryzen un véritable succès.
Plateforme AM4, SenseMI : AMD commence à parler des points forts de Ryzen
Pour le reste, AMD a commencé à faire le point sur les avancées de la plateforme AM4 qui sera proposée avec Ryzen. Sans rien dire des chipsets ou de la répartition des lignes PCIe, on apprend qu'outre la DDR4 et le PCIe 3.0 on aura bien droit à de l'USB 3.1 Gen 2, du NVMe et du SATA Express afin de rattraper le retard en termes de connectique.
Lisa Su a aussi voulu insister sur un ensemble de technologies regroupées sous la dénomination SenseMI : Pure Power, Precision Boost, XFR (Extended Frequency Range), Neutral Net Prediction et Smart Prefetch. Ici, rien de très chimique, l'objectif étant surtout de mettre des noms sur des éléments qu'AMD juge important pour sa communication, notamment pour montrer que les équipes sont actives sur le terrain de la gestion de l'énergie et de l'efficacité de la puce.
Pour Pure Power, AMD explique avoir renforcé une stratégie intégrée avec ses APU en mettant en place une centaine de capteurs au sein de la puce, afin de surveiller la température (au dégré près), la tension (mV), la consommation (mW) et la fréquence. Ces informations sont ensuite remontées à une unité de contrôle « Infinity Fabric » qui permettra d'adapter ces valeurs en temps réel afin de maximiser la performance à moindre coût en termes de consommation. AMD met ainsi en avant une courbe DVFS nettement améliorée (Dynamic Voltage and Frequency Scaling).
Turbo et overclocking automatique à l'honneur (par paliers de 25 MHz)
Du côté de Precision Boost, il s'agit de reproduire les mécanismes de Turbo que l'on retrouve aussi bien chez AMD que chez Intel, afin de permettre de maximiser la performance lorsque toute la puce n'est pas sollicitée. Ici, cela sera possible avec une finesse de 25 MHz (plutôt que 100 MHz en général), en relation avec les mêmes unités de prise de décision que pour Pure Power.
Il sera d'ailleurs intéressant de voir l'impact de la réduction de ce pas de fréquence concernant les valeurs utiles dans le domaine de l'overclocking comme la fréquence de base, les multiplicateurs, etc. Rien n'a d'ailleurs été mis en avant vis-à-vis de cette pratique pourtant largement explorée par AMD avec ses processeurs FX.
XFR, ou Extended Frequency Range, vient néanmoins donner quelques éléments de réponse. En effet, cette fonctionnalité aura pour rôle de permettre de dépasser automatiquement les limites de Precision Boost lorsque le système de refroidissement sera considéré comme adapté, sans que l'on connaisse exactement les critères de prise de décision ou la façon dont la stabilité sera assurée.
Mais si vous utilisez un ventirad très efficace, du watercooling ou de l'azote, vous aurez sans doute la possibilité d'atteindre des valeurs plus élevées que la moyenne. Reste à voir si tout cela sera facilement désactivable afin de permettre à ceux qui aiment pratiquer l'overclocking « à l'ancienne » de laisser exprimer leur talent.
Pour le moment, AMD n'a néanmoins pas communiqué sur les fréquences « Turbo » de ses puces, ou l'ordre de grandeur dans lequel XFR pourra intervenir, puisque ces valeurs semblent encore à définir. Tout comme la fréquence proposée pour chaque modèle qui sera mis sur le marché. Il sera aussi intéressant de voir l'impact de ces technologies sur d'autres secteurs comme celui des ordinateurs portables par exemple.
Gestion des instructions et des caches : AMD en mode promesses
Finissons par deux fonctionnalités qui visent plutôt l'efficacité de l'architecture de Ryzen, avec Neural Net Prediction (un nom qui fleure bon la tendance) et Smart Prefetch. Ici on retrouve des éléments assez classiques dès lors qu'il est question d'une architecture de processeur comme le prefetch ou la prédiction de branchement.
Ici, AMD ne promet rien de moins qu'un réseau neuronal au sein de ses processeurs pour éviter les erreurs de prédiction et assurer une efficacité maximale à son processeur. Mais le fonctionnement précis n'est ici pas détaillé, il faudra donc attendre le lancement pour en savoir plus et s'assurer que l'on est ici face à quelque chose de concret plutôt qu'a un argument marketing.
Il en est de même pour le prefetch et la gestion des caches, où AMD se contente surtout d'annoncer que son architecture est diablement efficace, mais sans donner réellement plus de détails pour le moment. On apprendra seulement que ces deux éléments sont à l'origine d'un quart des gains de performance. Mais là aussi, ce sera aux tests définitifs de trancher, et de montrer l'efficacité des L1/L2/L3 de la nouvelle architecture.
Ryzen : il ne manque plus que les tarifs, les benchs, la disponibilité en boutique
Mais pour cela il faudra attendre. Si l'on peut espérer avoir quelques informations (notamment concernant les cartes mères) à l'occasion du CES qui ouvrira ses portes d'ici trois semaines, le lancement de Ryzen reste prévu pour le 1er trimestre, sans plus de précisions (suivi des serveurs Naples un peu plus tard).
Les annonces d'hier soir ont surtout été l'occasion de s'apercevoir que de nombreux détails manquent à l'appel (fréquences, gamme de produits, tarifs, etc.), ce qui semble indiquer qu'il faudra plutôt attendre la fin du trimestre que le mois de janvier pour une disponibilité en magasin.
Bref, malgré l'effervescence de la communication d'AMD, il reste encore beaucoup de travail pour que Ryzen devienne une réalité et puisse faire face aux produits d'Intel. La réaction de ce dernier sera d'ailleurs intéressante à analyse dans les prochains mois, notamment alors que Skylake-X et Kaby Lake-X sont attendus pour la fin de l'été.
Le plancher concernant la tarification des modèles à six et huit cœurs va-t-il enfin n'être qu'un lointain souvenir ? La plateforme haut de gamme continuera-t-elle toujours à être largement plus chère que la gamme classique ? Intel et AMD vont-ils s'associer au-delà d'un bundle promotionnel afin d'intégrer des Radeon dans les processeurs Core comme l'indique HardOCP, appuyé par nos confrères de Canard PC Hardware ? Tant de questions qui trouveront bientôt leur réponse et de sujets que nous avons hâte de couvrir.