Un SSD de 1 To aux alentours de 230 euros, avec des performances dignes d'un modèle M.2 exploitant le protocole NVMe. Il y a encore quelques mois, cela paraissait fou. C'est désormais possible grâce à l'arrivée de puces 3D QLC à haute densité. Avec quelles performances dans la pratique ? Nous avons testé le P1 de Crucial pour le vérifier.
S'il y a bien un secteur qui évolue rapidement ces dernières années, c'est celui du stockage en général et des SSD en particulier. On découvre en effet chaque année de nouvelles technologies permettant de réduire leur format, d'améliorer la densité des puces de flash NAND ou les performances dans différentes situations.
Chaque constructeur mise sur plusieurs chevaux à la fois. Il faut dire que les marchés concernés sont divers, des solutions destinées aux serveurs à celles pour le grand public. Elles peuvent ainsi avoir comme objectif d'avoir un prix par Go très faible ou de battre des records de débit dans les benchmarks. Il est impossible de contenter tout le monde.
La QLC pour réduire les prix, mais pas que
Cet été, de nouveaux types de puces multi-couches (3D) ont été présentées : les QLC ou Quad Level Cell. Ici il ne s'agit pas d'écrire un bit par cellule (SLC), ni deux ou trois (MLC et TLC) mais quatre. Leur densité est ainsi plus élevée et leur coût réduit, mais les performances et l'endurance s'en trouvent diminuées.
Avec seize niveaux de tension par cellule, le taux d'erreur est potentiellement plus élevé, nécessitant un dispositif de correction (ECC) adapté en conséquence au niveau du contrôleur.
Dans le secteur professionnel, de tels SSD sont surtout recommandés lorsque le prix et la densité sont un facteur important, mais aussi lorsque le ratio lecture/écriture est élevé (accès à des bases de données par exemple). Pour le grand public aussi plusieurs critères entrent en ligne de compte, mais ces clients-là sont en général moins bien aiguillés.
En effet, les documents techniques sont moins précis sur la question de l'endurance que ceux des modèles consacrés au marché professionnel par exemple. Dans les tests, il faut éviter de se laisser tromper par les chiffres affichés par les outils de mesure de performances, qui ne sont pas toujours le reflet de celles constatées dans la pratique.
Analyse des performances, technologies diverses et cache SLC
Car dans tout SSD, des mécaniques sont mises en place pour compenser les défauts inhérents au fonctionnement des puces et du contrôleur. Tant de critères sur lesquels l'acheteur doit porter son attention lorsqu'il fait son choix.
Ces dernières années, outre le wear-leveling (répartition des accès) et d'overprovisioning (espace réservé pour limiter les réécritures), nous avons eu droit à l'amplification en écriture. Pour rappel, cela consiste à écrire moins de données que demandé par le système lorsqu'elles sont compressibles.
Là aussi l'objectif est de réduire l'usure et améliorer les performances, mais cela peut surtout fausser les résultats (à la hausse) avec certains tests effectués sur des données qui peuvent facilement être compressées.
Plus récemment, les constructeurs ont commencé à utiliser une portion des puces du SSD comme s'il s'agissait de modèles SLC. Ainsi, un seul bit est écrit par cellule afin d'améliorer les performances lors d'une écriture continue.
On parle alors de SLC Caching, qui est parfois dynamique. C'est notamment le cas de la gamme 660p d'Intel qui utilise cette fonctionnalité du contrôleur Silicon Motion SM2263. L'espace configuré pour être considéré comme des éléments SLC est ainsi adapté en temps réel par le contrôleur :
Il faut donc veiller à multiplier les cas analysés pour avoir une idée réelle des performances d'un SSD. Comme nous l'avions vu avec le cas du 545s d'Intel, on peut rapidement déchanter face aux caractéristiques maximales annoncées par les constructeurs et mises en avant dans leur propagande marketing.
Le P1 de Crucial
Pour nous faire une idée de ce que permettent les SSD avec de la NAND 3D QLC dans la pratique, nous avons testé un modèle P1 qui nous a été fourni par Crucial (filiale de Micron). Forte densité oblige, il existe en version de 512 Go (CT500P1SSD8) et 1 To (CT1000P1SSD8). Une déclinaison de 2 To est annoncée, mais n'est pas encore disponible.
S'il ne s'agit pas du premier modèle M.2 de la marque, c'est le premier à exploiter le protocole NVMe (1.3) et à proposer des performances bien plus élevées qu'à travers le duo S-ATA/AHCI. Pour nos essais du jour, nous avons opté pour le modèle de 1 To qui annonce des débits de 2 Go/s en lecture, 1,7 Go/s en écriture et 170k/240k IOPS.
Il est au format 2280 simple face, embarque un contrôleur Silicon Motion SM2263EN à quatre canaux, 1 Go de DDR3L Micron à 1600 MHz (MT41K512M16HA-125) et deux puces de 3D NAND QLC Micron à 64 couches (MT29F4T08GMHAFJ4). Son endurance (TBW) est donnée pour 200 To, soit 109 Go par jour sur sa période maximale de garantie : 5 ans.
On regrettera par contre que le constructeur soit assez peu transparent sur les fonctionnalités intégrées à ce modèle, notamment pour ce qui est du cache SLC dynamique (bien présent) et ses différents paliers de fonctionnement.
Côté tarif, on le trouve aux alentours de 230 euros, soit 0,23 euro le Go. Il est ainsi plutôt dans la tranche basse des SSD M.2 (NVMe) de cette capacité que l'on trouve plutôt aux alentours de 280 euros. Ils restent néanmoins bien plus chers que des modèles S-ATA/AHCI au format 2,5" (160 euros) ou M.2 (190 euros).
Les fonctionnalités de Storage Executive
Le bundle du produit est inexistant, mais Crucial met à disposition de ses clients une licence Acronis True Image pour le clonage des données et l'application Storage Executive pour la gestion du SSD.
Celui-ci est imposant puisque le fichier téléchargé pèse pas moins de 200 Mo, il se veut assez complet. Mais la première chose que l'on remarque, c'est que son interface n'est pas franchement son point fort : exploitant Java, elle est relativement basique et plutôt lente. Mais l'exhaustivité est là.
On retrouve les informations sur le système, les statuts S.M.A.R.T. et températures ou encore la gestion des mises à jour du firmware. Ces éléments sont disponibles aussi bien pour les modèles Crucial que ceux d'autres constructeurs. On peut également gérer manuellement l'overprovisioning des différents SSD ou exploiter des fonctionnalités spécifiques. Mais tant le nettoyage du disque que la restauration PSID, ou Flex Capacity n'étaient pas actifs.
Soit ils étaient indiqués comme non supporté, soit il fallait disposer d'un pilote spécifique introuvable. Bref, nous avons seulement pu mettre en place Momentum Cache qui consiste à utiliser la mémoire du système comme cache pour le SSD. L'application y placera alors automatiquement les fichiers qui nécessitent un accès rapide.
Performances : chaud le P1, chaud !
Nous avons testé ce Crucial P1 de 1 To avec son firmware P3CR010 sur une machine équipée d'une carte mère Z370-I Gaming (UEFI 1601), un Core i7-8700 et 16 Go de DDR4 Corsair à 3 200 MHz sous Windows 10 April Update (1803). Une fois formaté, sa capacité annoncée par l'OS est de 931 Go.
Lors de nos essais de copie d'une ISO de 9 Go depuis un ramdisk, nous obtenons des débits de 1,3 Go/s. Tant en lecture qu'en écriture, sept secondes suffisent. Qu'en est-il de notre habituel trio de tests : AS-SSD, ATTO et CrystalDiskMark ?
Des performances conformes aux caractéristiques, sauf sous ATTO pour cause de chaleur. Avec du refroidissement, ça va mieux
Comme on peut le voir, la promesse des caractéristiques est ici tenue, avec un débit en lecture séquentielle de 2 Go/s contre 1,7 Go/s en écriture. C'est loin d'être un record, de nombreux SSD passant désormais la barrière des 3 Go/s, mais ces scores seront suffisants pour la plupart des utilisateurs.
On reste aux alentours de 700 et 1 000 Mo/s pour des accès multiples sur des fichiers de 4 KiB. Les choses ne se gâtent que lorsque l'on réduit le nombre de threads (Q32T1) ou la longueur de file (Q1T1). On tombe alors dans les 60 et 150 Mo/s, ce qui reste un plutôt bon score pour un SSD de ce niveau.
La latence relevée par AS-SSD est de 0,023 ms en lecture et 0,037 ms en écriture. On note par contre un phénomène étrange dans ATTO à partir de blocs de 16 Mo : les débits stagnent aux alentours de 1,7 et 1,1 Go/s.
La raison est simple : le SSD chauffe et dépasse les 63°C. Il réduit alors ses performances pour rester dans des températures raisonnables. Avec un système de refroidissement, les performances se stabilisent aux alentours de 1,7/1,8 Go/s en lecture comme en écriture. Nous n'avons pas constaté de comportement similaire dans d'autres outils.
Si nous utilisons ces trois benchmarks avec 10 à 32 Go de données, nous constatons des performances similaires à celles relevées avec des fichiers de 1 Go. Le cache SLC semble donc supérieur et ne peut pas être mis à mal de la sorte.
Écriture soutenue
Pour connaître la limite du cache SLC, nous utilisons la version Pro de HD Tune pour un premier test rapide d'écriture continue sur l'intégralité du SSD. Nous effectuons ensuite un test via IOMeter avec l'écriture continue de blocs de 256 KiB de données (QD32) pendant une période de 5 minutes environ :
Dans le premier cas, on constate qu'à partir de 500 Go, le débit s'effondre à moins de 100 Mo/s. Avec IOMeter, le constat est le même mais intervient plus rapidement : au bout de 90 secondes environ. Ainsi, on peut écrire de manière continue une bonne quantité de données, mais il ne faudra sans doute pas trop forcer.
D'après nos constatations, l'adaptation du contrôleur est assez rapide et l'on retrouve de bons débits après un temps de repos assez court du SSD. Bien entendu, cela dépendra de facteurs comme son taux d'utilisation ou même la capacité déjà utilisée, mais nous avons dû chercher à mettre à mal le P1 plus qu'il ne nous a montré ses défauts volontairement.
Un bon SSD NVMe, qui ne conviendra pas à tous les usages
Au final ce SSD tient donc ses promesses. Il offre de bons débits avec une forte densité. Ce n'est pas le plus rapide, mais il permet de disposer d'une capacité de 1 To et du protocole NVMe pour 230 euros. Il y aura néanmoins quelques bémols auxquels l'acheteur devra faire attention.
Tout d'abord ses conditions d'utilisation. Un dissipateur sera nécessaire pour éviter qu'il ne monte trop en température et que ses performances ne soient réduites. Ensuite, il faut l'éviter si vous avez tendance à écrire des données de manière longue et soutenue. Son cache SLC, bien que largement suffisant dans la majorité des cas, montrera alors ses limites.
Il faut sans doute voir ce P1 comme un modèle de compromis entre la densité, le prix et les performances. Mais certains préfèreront sans doute attendre que les modèles 3D QLC soient encore un peu plus abordables puisqu'un 970 EVO de Samsung se négocie aux alentours de 300 euros, contre un peu plus de 260 euros pour un Force MP510 de Corsair.