Wi-Fi dans les avions : Thales et SES veulent passer « du modem à la fibre »

Enfin, à condition que la fusée n'explose pas...
Réseau 11 min
Wi-Fi dans les avions : Thales et SES veulent passer « du modem à la fibre »
Crédits : shutter_m/iStock/ThinkStock

Disposer d'une connexion Wi-Fi (très) rapide dans les avions est un rêve que partagent de nombreux voyageurs. Malgré de nombreuses annonces, les choses bougent assez peu. Thales proposera en 2017 une solution clé en main, tandis que l'opérateur de satellites SES voit plus grand et veut « connecter l'espace aérien ».

Selon une enquête de Gogo Inflight Internet (une société qui propose du Wi-Fi en vol à des compagnies aériennes) reprise par SES, « plus de la moitié des passagers affirme que la disponibilité et la qualité de la connexion Wi-Fi à bord influence de plus en plus son choix quant à la compagnie aérienne lors de la réservation d'un vol ».

Cette étude indique également que plus de 50 % des voyageurs seraient prêts à payer pour profiter d'une connexion Internet à bord de l'avion. De 500 appareils connectés en 2015, ce nombre devrait passer à 23 000 en 2025, tandis que le trafic data des passagers devrait presque doubler d'ici 2030. Cela explique certainement les deux annonces qui viennent d'être faites par Thales d'un côté, et l'opérateur SES de l'autre.

Le premier indique en effet avoir signé un accord avec le second afin de mettre en place une offre d'accès à Internet à bord des avions, spécialement pensée pour les vols commerciaux. Ce service porte le nom de FlytLIVE et sera opérationnel dès mi-2017 annonce Thales. 

Avec FlytLIVE, Thales proposera du Wi-Fi haut débit en vol

Le but de ce service est d'offrir aux voyageurs une solution avec des « performances inégalées ». Si l'on en croit les promesses des représentants de la société, il sera en effet possible de profiter d'un accès complet à tous les services proposés par Internet : navigation fluide, streaming multimédia, jeux vidéo, télévision en direct, etc. « Nous passons du modem à la fibre » lâche un représentant de la société lors d'une conférence de presse.

Selon un porte-parole de Thales, les clients « vont être très agréablement surpris par l'aspect compétitif et par la qualité de service ». Il explique que, selon lui, « aujourd'hui, ce qui a limité l'usage de la connectivité dans les avions, c'est le niveau de service. Pour ceux qui ont fait l'expérience de la connectivité dans différentes compagnies aériennes, c'est très bien pour quelques emails, quelques pièces jointes (ce qui est déjà pas mal) mais c'est à peu près tout ». C'est sur ce créneau que se lance Thales en proposant « la même classe de service que ce vous aurez à la maison avec la fibre optique » promet la société.

De leur côté, « les compagnies aériennes profiteront des solutions de bout en bout de Thales comprenant des produits tels que l'antenne modulaire et le radôme multifréquences, le Wi-Fi en cabine et une plateforme de portail ». L'offre comprend également la gestion de la bande passante, les sessions des utilisateurs, la diffusion de contenu, de l'assistance, un service de maintenance en ligne, etc. De son côté, SES sera chargée de l'exploitation des satellites et du réseau au sol.

Thales Wi-Fi avions

Deux satellites sur la bande Ka pour commencer, un troisième lancé en 2020

Pour le lancement de FlytLIVE l'année prochaine, la société exploitera deux satellites multifaisceaux existants de SES (sur la bande Ka), sans plus de précision sur ces derniers. En 2020, ils seront renforcés par un troisième baptisé SES-17. Celui-ci est en cours de développement par Thales Alenia Space – une joint-venture entre Thales (67 %) et Leonardo-Finmeccanica (33 %) – et fournira une nouvelle capacité haut débit sur la bande Ka. Là encore, les détails sont assez peu nombreux.

On sait simplement que SES-17 pèsera plus de six tonnes au lancement, qu'il « possèdera près de 200 faisceaux étroits de taille variable pour répartir de manière plus flexible la capacité sur les lignes aériennes les plus fréquentées », qu'il proposera une puissance utile dépassant les 15 kW et qu'il aura une durée de vie minimale de 15 ans. La position orbitale et la fusée de lancement qui sera utilisée n'ont pas encore été dévoilées. 

L'entreprise n'a pour le moment pas donné la moindre indication sur les débits montants, descendants et la latence qu'il sera possible d'avoir en vol, que ce soit par avion ou bien par passager. Il faudra donc se contenter des promesses sur les « performances de la fibre ». Contacté par nos soins pour obtenir de plus amples détails, Thales n'a pas souhaité nous donner de chiffres précis sur son offre de Wi-Fi à bord des avions, mais le service presse a simplement réaffirmé qu'il s'agissait d'une offre semblable à « de la fibre optique à la maison ».

Une offre pour l'Amérique et l'océan Atlantique, quid du reste du monde ?

Quoi qu'il en soit, cette offre ciblera tout particulièrement le continent américain dans sa longueur, les Caraïbes et l'océan Atlantique, des lieux qui constituent le cœur de cible de l'offre FlytLIVE. Interrogé sur une possible extension de son service à d'autres contrées, l'opérateur explique que, comme on pouvait s'en douter, « l'idée c'est d'avoir une stratégie que l'on pourra répliquer ». Contacté au téléphone, Thales ajoute que proposer une couverture plus large de FlightLIVE passera par le lancement de nouveaux satellites. Aucun calendrier de déploiement n'a pour le moment été évoqué.  

Il faudra également voir si des compagnies aériennes vont sauter le pas et signer des contrats avec Thales. Lors de sa conférence, la société annonçait qu'elle a d'ores et déjà « commencé des discussions avec plusieurs grandes compagnies aériennes », mais que ces dernières ne l'ont pas autorisé à les citer pour l'instant. 

Pour rappel, l'EASA (Agence européenne de la sécurité aérienne) permet – depuis deux ans maintenant – « aux compagnies européennes d'autoriser les téléphones mobiles lors des phases de décollage et d'atterrissage ». Il s'agit d'une autorisation donnée aux compagnies, pas aux clients directement, mais cela ouvre la porte à l'utilisation du Wi-Fi en vol sans aucune restriction.

Finnair, SAS, EL AL Israel Airline signent avec Eutelsat/ViaSat

Si Thales et SES occupent le devant de la scène médiatique, ce ne sont pas les seules entreprises à s'intéresser au Wi-Fi haut débit dans les avions. Il y a moins de deux semaines, ViaSat et Eutelsat annonçaient la signature d'un accord avec la compagnie aérienne finlandaise Finnair afin de « mettre en place un service de connexion Internet haut débit sans fil à bord de l’ensemble de sa flotte court-courrier d’Airbus A320 en Europe ».

Plus récemment encore, Scandinavian Airlines System (SAS) signait un accord avec Eutelsat/ViaSat pour « équiper sa flotte court et moyen-courrier afin d'offrir des vitesses à bord d'au moins 12 Mb/s en Wi-Fi à chaque passager », ce qui est largement suffisant pour surfer, profiter de la TV en streaming, jouer, etc. On reste loin de la fibre à la maison, mais il est impossible de comparer cette offre à FlytLIVE puisque Thales ne dévoile aucun chiffre. Le premier avion SAS équipé de Wi-Fi est attendu pour la seconde moitiée de l'année 2017, soit en même temps que le lancement de FlytLIVE.

Dans le même temps, la compagnie israélienne EL AL Israel Airlines indique avoir commencé les tests de son offre d'accès à Internet. Eutelsat explique que l'offre permet un « de surfer sur le web, de réaliser des achats en ligne, de passer du temps sur les réseaux sociaux et de regarder des flux médias en streaming, le tout à une altitude de 10 000 mètres ».  En terme de qualité, la connexion serait « comparable » à ce que propose déjà Eutelsat à ses utilisateurs au sol.

Des connexions qui passent par le satellite Ka-Sat

Si Thales met en avant sa solution clé en main, ou presque, il en est de même pour les deux partenaires que son ViaSat et EutelSat. Le premier joue le rôle de maitre d'œuvre pour les compagnies aériennes et met à leur disposition un système de connectivité, un support technique, le portail d'accès, etc. De son côté, Eutelsat fournit la connectivité via son satellite Ka-Sat qui, comme son nom l'indique, exploite également la bande Ka, mais arrose l'Europe et le bassin méditérranéen cette fois-ci.

Pour rappel, ce satellite est en l'air depuis déjà plusieurs années et propose une bande passante théorique de plus de 90 Gb/s. Problème, il doit faire face à une saturation de certains faisceaux qui l'oblige à refuser des clients en France depuis maintenant un an. Il faudra donc voir comment cela se passera pour les voyageurs des compagnies qui passeront par ce satellite. Nous avons contacté Eutelsat afin d'avoir des précisions, mais la société n'a pas souhaité nous répondre pour le moment.

Couverture Ka-Sat
Couverture du satellite Ka-Sat d'Eutelsat

Asie et Pacifique pour Eutelsat/ViaSat, USA et Atlantique pour Thales/SES

Au mois de juin, Eutelsat annonçait la signature d'un nouveau contrat avec Panasonic Avionics (qui est également partenaire de SES). Il s'agit d'une extension de capacité sur le satellite 172A qui permet à Panasonic Avionics de faire face à une « croissance inédite » sur des régions allant de la côte Ouest de l’Amérique du Nord à l’Asie, à l’Australie et aux îles du Pacifique.

L'équipementier s'intéresse également au satellite 172B d'Eutelsat qui remplacera « de manière anticipée » 172A, tout en proposant une capacité additionnelle en bande passante. La cible visée par ce satellite sera donc la même que celle de son petit frère, c'est-à-dire l'océan Pacifique, l'Asie et la côté Ouest des États-Unis, soit une autre zone que celle couverte par Thales et SES dans leur annonce d'aujourd'hui. 

D'autres acteurs comme Immarsat sont également sur la brèche. L'opérateur britanique Immarsat a par exemple signé un contrat avec la Lufthansa en octobre de l'année dernière pour équiper plus de 150 avions avec la technologie Global Xpress.

Reste maintenant à voir si l'un des groupes a dans sa manche un atout au niveau du coût d'utilisation et des performances de l'accès à Internet, deux points qui seront cruciaux pour faire la différence et proposer son offre sur plus large portion du globe.

Quoi qu'il en soit, les annonces de ces dernières semaines vont toutes dans le sens d'une large adoption du Wi-Fi à bord des avions, avec une qualité de service en hausse, mais il faudra maintenant les concrétiser et voir quels seront les coûts dans la pratique.

Avec ses satellites, SES veut « connecter l'espace aérien »

Quoi qu'il en soit, l'opérateur de satellites SES a de grandes ambition. Il explique qu'il compte « dynamiser la demande aéronautique et jouer un rôle moteur dans une nouvelle ère de la connectivité en vol ». Afin de renforcer sa flotte dans l'espace, trois satellites haut débit (HTS) sur la bande Ku seront lancés en 2017 : SES-12, SES-14 (qui remplacera le satellite NSS-806) et SES-15. Ces derniers sont « prévus pour fournir des services de mobilité personnalisés dans le monde entier » explique SES.

Ainsi, « la flotte de SES augmentera considérablement sa couverture globale et sa capacité à offrir un réseau continu et multibande pour répondre à la demande exponentielle de connectivité des futurs passagers ». Le groupe ajoute que Thales, « le quatrième fournisseur majeur de connectivité à bord, sera le client clé de SES-17 et utilisera la capacité satellitaire pour fournir une connectivité haut débit sur le continent américain ». Mais Thales n'est qu'un des partenaires de SES, et on peut aussi citer Global Eagle Entertainment (GEE), Gogo et Panasonic Avionics.

SES vient d'ailleurs de publier un livre blanc sur comment « Connecter l'espace aérien ». Dans la documentation mise en ligne par SES, il évidemment question du prochain satellite SES-17 qui sera le premier de la nouvelle génération en bande Ka-HTS à haut débit (SES-12, 14 et 15 sont sur la bande Ku).

À terme, sa grille de satellites HTS dans les bandes Ka et Ku devraient être en mesure de proposer des connexions rapides, « de l'ordre du Gigabit et du Térabit où et quand cela est nécessaire » explique SES. 

Internet Avion Wi-Fi SES

L'avion connecté prend son envol

Mais offrir une meilleure connectivité dans les avions ne sera pas utile qu'aux voyageurs. En effet, le personnel de cabine peut aussi en profiter pour « envoyer des rapports concernant par exemple un siège passager ou un loquet de compartiment en soute défectueux, afin de prévoir une réparation dès l'atterrissage ». Une approche qui n'est pas sans rappeler (dans une certaine mesure) la transformation numérique de la SNCF dans sa gestion des trains (voir notre analyse). 

Les similitudes avec le chemin de fer ne s'arrêtent pas là. L'opérateur SES évoque également le déploiement des sacs de vol électroniques (EFB pour Eletronic Flight Bags) qui remplace le porte-documents des pilotes (25 kg en moyenne), la météo en temps réel, le choix des repas directement sur les écrans des voyageurs, etc. Dans tous les cas, le concept d’avion connecté n'en est pour le moment qu'à « ses prémices » explique SES, qui compte bien être un acteur majeur de son développement futur.

Toujours selon le livre blanc publié par SES, un 737 génère 3 Go de donnés par mois d'exploitation, tandis qu'un vol de Boeing 787 (un avion plus récent) donne plus de 500 Go d'informations provenant de l'ensemble de ses capteurs, soit plus de 30 To par mois.

Le lancement des satellites sur les bandes Ka-HTS permettra de transmettre une partie de ces données en temps réel explique l'opérateur de satellites. Les compagnies pourront ainsi mieux gérer leur flotte en temps réel, aux pilotes et aux équipes au sol de « prendre de meilleures décisions », et ainsi faire baisser les risques et les coûts.

« On estime qu'un avion connecté permet au secteur de l'aéronautique d'économiser près de 900 millions d'euros par an » explique pour finir SES.

Avion connecté

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