Alors que les premières machines à base de SoC Qualcomm sous Windows 10 arrivent sur le marché, le fabricant prépare déjà la suite. Il annonce ainsi le Snapdragon 850 et Samsung comme nouveau partenaire.
Le Computex de Taipei a longtemps été perçu comme le « salon Wintel ». Mais c'est de moins en moins vrai, surtout depuis que Microsoft a inauguré une version de Windows 10 fonctionnant avec des puces ARM. Jusqu'à maintenant, seul le Snapdragon 835 (SDM835) de Qualcomm était compatible. C'est aujourd'hui le cas d'une nouvelle référence : le SDM850.
Pour le constructeur, il s'agit de ne pas relâcher l'effort. Après ASUS, HP et Lenovo, il annonce que Samsung entrera dans la danse. Une machine exploitant le nouveau SoC doit ainsi arriver d'ici la fin de l'année. Surtout, il compte convaincre que la gamme actuelle n'est qu'un point de départ, face à des premiers retours peu encourageants.
Une première génération peu convaincante, malgré la bonne autonomie
Dès qu'il a été question de Windows 10 on ARM, la machine à spéculations s'est emballée. Certains voyaient déjà Qualcomm proposer une alternative aux processeurs Core d'Intel, le tout avec une autonomie de 20 heures et un tarif au ras des pâquerettes. Une sorte de retour des netbooks, mais en bien mieux.
Rapidement, Qualcomm s'est engagé sur quelques points, qui seraient les atouts majeurs des portables exploitant sa plateforme : un démarrage instantané, une connectivité 4G et une utilisation sur plusieurs jours sans forcément avoir à recharger la batterie.
Là-dessus, les promesses ont été tenues. Il faut dire qu'il s'agit surtout d'un héritage des smartphones, un secteur où Qualcomm dispose d'un savoir-faire certain. Autre avantage : ces éléments font souvent défaut aux PC portables classiques. Si le démarrage instantané n'est plus vraiment un problème, la présence d'un modem 4G (non intégré aux CPU) reste l'exception et l'autonomie dépasse rarement la demi-journée dans la pratique.
Mais il y a deux points sur lesquels Qualcomm et ses partenaires étaient discrets : le prix et les performances. Pour le premier, on a rapidement compris que l'on serait loin des netbooks à 300 euros, le fabricant déclarant d'abord qu'il n'avait pas d'intérêt à viser l'entrée de gamme, déjà très occupée.
C'était donc plutôt le jeune actif ultra-connecté qui était visé. Résultat : des machines entre 600 dollars pour les plus basiques comme l'ASUS Nova Go 4 Go / 64 Go, à plus de 1 200 euros pour un HP Envy x2 avec 8 Go de mémoire et 256 Go de stockage. Le seul proposé en France pour le moment.
Le tout pour des performances loin d'être mirobolantes. Au MWC, la marque se voulait rassurante et croire que l'autonomie excuserait tout. Mais lorsqu'il faut ouvrir un navigateur avec de nombreux onglets, effectuer des tâches plus lourdes que celles d'une suite bureautique, il faut dépasser ce que proposent les Atom (Celeron et Pentium N). Surtout avec des machines plutôt onéreuses au regard de leurs caractéristiques.
À cela, ajoutons une réalité franco-française : les opérateurs ne veulent pas d'un forfait e-SIM intégré à des ordinateurs portables. Ils préfèrent garder la main et un contact direct avec leurs clients via une SIM classique. Une position rétrograde, qui inhibe forcément de telles initiatives.
Alors que Sprint annonce de la data offerte aux États-Unis, chez nous aucun opérateur n'est partenaire, excepté Transatel. Ce sont ainsi les revendeurs qui distribuent ces machines comme Amazon, Boulanger ou Darty-Fnac.
Le temps des petits ajustements
Récemment, Microsoft est venu à la rescousse de son partenaire avec une première bonne nouvelle : outre l'arrivée de l'April Update, les développeurs peuvent proposer des applications compilées pour ARM64. VLC a d'ailleurs déjà effectué de premiers tests dans ce sens, d'autres devraient rapidement suivre, ce qui pourra améliorer les performances.
Il faut tout de même que les SoC gagnent en puissance tout en gardant leur faible consommation énergétique, leur principal intérêt. Pour cela, de prochaines générations de puces et l'évolution de la finesse de gravure seront importantes. En attendant, c'est le Snapdragon 850 qui a été annoncé.
Un choix étrange, puisqu'il intervient au moment où les premières machines à base de SDM835 débarquent sur le marché. Et cela revient presque à dire aux clients potentiels : surtout, ne les achetez par, la relève est pour bientôt.
Le SDM850 n'est pas une révolution, il s'agit en réalité d'un SDM845 retouché pour être intégré à des ordinateurs portables. Qualcomm semble avoir compris qu'une même dénomination pour les deux marchés était une mauvaise idée, et que des ajustements sont dans tous les cas nécessaires.
Ici, le principal changement concerne la fréquence, passant d'un maximum de 2,8 GHz à 2,96 GHz (+ 5,7 %). Pour le reste, rien ne bouge et l'on retrouve une finesse de gravure de 10 nm, huit cœurs Kryo 385, une partie graphique Adreno 630, un modem X20 (1,2 Gb/s, seconde génération), le tout accompagné de solutions pour le traitement multimédia, de l'IA, etc.
Qualcomm promet des performances jusqu'à 30 % supérieures (CPU ou GPU), et jusqu'à trois fois meilleures pour les applications exploitant l'IA. L'autonomie maximale est donnée pour 25 heures.
Lors d'une présentation à la presse, la société montrait de premiers exemplaires de test avec des jeux en majorité issus du monde mobile, fonctionnant « de manière parfaitement fluide ». N'espérez pas jouer à Diablo III ou à Overwatch de sitôt sur de telles machines. Ici, comptez plutôt sur du « cloud gaming » tel que Shadow pour venir à votre rescousse.
Le Snapdragon 850 face au Snapdragon 835
Il va désormais falloir convaincre les acheteurs d'acheter
Reste maintenant le plus dur à faire pour Qualcomm et ses partenaires : mettre des machines en vente, faire face aux critiques et réussir à écouler la production. Intel, qui continue de faire évoluer ses gammes sur le mobile et compte aussi sur l'initiative « Always connected PC » pour améliorer ses ventes, ne devrait pas rester les bras croisés.
Le géant de Santa Clara devra continuer à travailler sur son principal défaut, l'autonomie, là où Qualcomm poursuivra sa tentative de montée des performances. Le moment du croisement entre les deux concurrents sera donc intéressant, dans quelques années au mieux.
En attendant, Intel devra également renforcer la mutation de ses processeurs en véritables SoC : intégration du Wi-Fi, d'un modem, voire de solutions annexes pour l'IA. Autant d'éléments aujourd'hui absents ou déportés sur la carte mère. Lors de sa conférence de ce matin, Intel disait vouloir parler du futur du PC, espérons qu'il sera question de telles offres, afin d'enfin disposer de machines mobiles dignes de ce nom.
Car une chose est sûre, Qualcomm a raison sur son diagnostic : les PC portables n'ont pas su évoluer en s'inspirant des avantages du smartphone pendant des années et il est désormais temps que cela change. Celui qui réussira à proposer un produit convaincant à tous les niveaux sera sans doute le champion de la décennie à venir.
Le marché est néanmoins en pleine mutation. Reste à savoir qui l'emportera.