Intel tenait ce soir une conférence de presse afin de dévoiler ses nouveaux processeurs haut de gamme. L'objectif était de montrer sa force après plusieurs mois à se faire malmener par AMD. Pour autant, le constructeur ne semble pas avoir totalement appris de ses erreurs.
Qu'il est loin le temps où Brian Krzanisch se contentait de ne pas réagir aux annonces d'AMD. Depuis, le PDG a démissionné, la concurrence a gagné du terrain et a surtout mis à mal la position de leader technologique d'Intel sur différents marchés. Pire : les derniers Ryzen Threadripper (jusqu'à 32 cœurs) enfoncent les Core X tout en étant bien plus abordables.
Il fallait donc réagir. L'année dernière, une pincée de cœurs en plus suffisait, mais ce n'est plus le cas. L'offensive est donc plus importante : la gamme Core est retravaillée, les Core X mis à jour et on a enfin quelques détails sur le fameux processeur à 28 cœurs. Il se nommera Xeon W-3175X et sera lancé en décembre.
Mais il y a des casseroles dont il est plus complexe de se débarrasser que d'autres. Ainsi, malgré quelques bonnes initiatives, le géant de Santa Clara continue de pâtir de ses pratiques du côté des plateformes, de la segmentation et des prix. De quoi laisser de sacrées marges de manœuvre à AMD, qui devrait rapidement pouvoir s'adapter.
Xeon W-3175X : un monstre de 28 cœurs sous le sapin
Le symbole de cette situation est sans doute la grosse « nouveauté » du jour. Des guillemets imposés par le fait qu'Intel a déjà évoqué cette puce (gravée en 14 nm) au Computex de Taipei. Le constructeur en avait alors fait la démonstration, à 5 GHz, pour tenter de contrer l'arrivée des Ryzen Threadripper à 32 cœurs, dévoilés le lendemain.
Bien entendu il s'agissait d'une plateforme largement overclockée et sur laquelle on savait finalement peu de choses. Aujourd'hui, on apprend que la gamme Xeon W va compter un nouveau membre équipé de 28 cœurs : le W-3175X. Une référence finissant par un « X » qui indique qu'il sera débridé pour l'overclocking. De base il pourra monter jusqu'à 4,3 GHz.
Intel précise qu'il peut gérer jusqu'à 56 threads, intègre 38,5 Mo de cache, six canaux de DDR4 avec un maximum de 512 Go à 2 666 MHz, supporte la mémoire ECC et les fonctionnalités RAS. Son TDP ? 255 watts. Mais ça s'arrête là. On ne saura pas de quelle architecture il est exactement question, quelle plateforme est visée. Surtout, aucun tarif n'est évoqué.
Bref, ce produit est surtout placé là pour dire « nous avons une réponse à apporter aux Ryzeen Threadripper 2990WX ». Mais avec un Xeon W-2195 équipé de 18 cœurs actuellement proposé à 2 553 dollars, autant dire qu'il y a peu de chances que cette nouvelle puce soit abordable... même du point de vue des adeptes de stations de travail.
Avec cette annonce, Intel montre que c'est surtout son image de leader qui le préoccupe, plus que sa capacité à proposer des produits offrant un bon compromis à l'ensemble de ses clients. Ajouté aux soucis d'indisponibilité de ces dernières semaines et au 10 nm qui tarde à arriver, on imagine mal comment un tel lancement pourrait améliorer les choses.
Core X : on prend (presque) les mêmes, et on recommence
Un positionnement qui se retrouve dans l'évolution de la gamme Core X (Basin Falls Refresh, Skylake-X), qui passe de la série 7 000 à 9 000. Les Core i7 deviennent ainsi tous des i9. Certains modèles gagnent en cache, d'autres quelques cœurs, les fréquences bougent de quelques centaines de MHz. Mais plus on monte en gamme, moins ça change.
Le prix reste également un problème face à l'offre d'AMD. Ainsi, vous aurez droit à un Core i9-9980XE avec 18 cœurs cadencés entre 3 GHz et 4.5 GHz. On y retrouve les quatre canaux de DDR4 et les 24,75 Mo de cache du 7980XE, les 68 lignes PCIe 3.0 (dont 44 dans le CPU) de la plateforme HEDT (high-end desktop). Le tout pour un tarif de... 1 979 dollars.
C'est donc toujours plus cher que pour le Ryzen Threadripper 2990WX (1 799 dollars) embarquant pas moins de 32 cœurs cadencés entre 3 GHz et 4.2 GHz et 60 lignes PCIe 3.0 exploitables... rien que dans le CPU. Même avec une plus grande efficacité de son architecture et les soucis de prise en compte d'autant de cœurs par les applications (qui tendent à se régler), Intel devrait encore avoir du mal à lutter.
Voici le tarif de tous les modèles dévoilés aujourd'hui :
- Core i9-9800X : 589 dollars
- Core i9-9820X : 898 dollars
- Core i9-9900X : 989 dollars
- Core i9-9920X : 1 189 dollars
- Core i9-9940X : 1 387 dollars
- Core i9-9960X : 1 684 dollars
- Core i9-9980X : 1 979 dollars
On constate ainsi clairement que le constructeur ne change pas sa politique d'un pouce, quitte à passer pour arrogant. Il se sait encore en position de force, surtout sur le marché professionnel. Une simple mise à jour lui a donc semblé suffisante. Ces puces seront disponibles dans le courant du mois de novembre.
Un Core i9 dans l'offre grand public
Dans la gamme classique , les choses tanguent un peu plus, il faut donc agir plus consciencieusement. On passe là aussi à la 9ème génération (Coffee Lake Refresh) sans évolution du côté de l'architecture. Une habitude chez Intel qui assume donc désormais l'aspect totalement marketing de ses dénominations. Mais on note quelques évolutions plus importantes.
Un Core i9-9900K fait son entrée avec pour différence principale la présence de 8 cœurs et 16 threads, comme le Core i9-9800X. Pour rappel, la différence entre ces deux gammes est que la première utilise une plateforme grand public. Actuellement, il s'agit du socket LGA 1151 et des chipsets de la série 300. La seconde (Core X) utilise une plateforme HEDT qui se compose en ce moment du socket LGA 2066 et du chipset X299, plus coûteuse.
Une situation identique à celle d'AMD avec ses solutions AM4 pour le grand public et TR4 pour les stations de travail.
Côté tarif, il faut compter 488 dollars pour cette nouvelle puce, qui sera la seule à proposer une fréquence Turbo de 5 GHz, la gestion de 16 threads et 16 Mo de cache. Intel le présente ainsi comme le modèle le plus performant dans le domaine des jeux vidéo, un argument dont la marque sait qu'il fait mouche auprès des « Gamers ».
Le modèle i7-9700K va remplacer l'actuel i7-8700K, passant d'une composition de type 6C/12T à 8C/8T. Il peut donc gérer moins de threads, mais dispose de deux cœurs supplémentaires. Une évolution qui, couplée à une légère hausse de sa fréquence, devrait lui bénéficier... mais surtout éviter qu'AMD n'affiche plus de cœurs dans la même gamme de prix. Son tarif passe de 359 à 374 dollars, contre 350 euros environ pour le Ryzen 7 2700X d'AMD.
Le Core i5-9600K est celui qui évolue le moins, avec toujours 6C/6T et 9 Mo de cache, mais avec une fréquence passant de 3,6/4,3 GHz à 3,7/4,6 GHz. Son prix est là aussi légèrement en hausse, à 262 dollars (contre 257 dollars pour l'i5-8600K).
Les précommandes de ces puces démarrent aujourd'hui, l'i9-9900K a été annoncé pour le 19 octobre prochain, avec publication des tests dans la foulée. Les revendeurs semblent néanmoins pessimistes au regard des stocks de processeurs Intel de ces derniers temps et du peu d'informations données par le constructeur.
Z390 : rien de vraiment nouveau, mais les constructeurs se lâchent
Le tout sera accompagné du Z390, un chipset qui ne fait que rattraper le manque d'évolution du Z370 par rapport aux autres modèles de la série 300. Ce dernier n'était en effet qu'un clone du Z270. Le petit dernier gagne donc six ports USB 3.1 Gen 2 et la possibilité de gérer les puces Wi-Fi CNVio comme la Wireless-AC 9560 (voir notre analyse).
L'utilisation d'un format propriétaire qu'Intel cache par une astuce marketing, évoquant le « Gigabit Wi-Fi ». Une capacité pourtant déjà disponible sur de nombreuses cartes mères AMD ou Intel, via une carte AC 9260, au format M.2.
Tout cela suffit aux partenaires pour dévoiler de nouvelles cartes avec toute une série de fonctionnalités, de promesses d'overclocking ou même d'accessoires en tous genres. De quoi vous inciter à dépenser jusqu'à plusieurs centaines d'euros en espérant bien vous faire craquer avec des applications consacrées aux diodes RGB.
Le Core i7-9700K comme seule bonne nouvelle
Au final, que penser de ces annonces d'Intel ? Tout d'abord, qu'il s'agit avant tout de communication puisqu'aucun des produits annoncés ce soir n'est disponible. On ne sait d'ailleurs pas trop ce qu'il en sera dans la pratique, même concernant les processeurs Core de 9ème génération sur socket LGA 1151.
Toujours gravés en 14 nm, ils souffrent des mêmes soucis de production que leurs prédécesseurs. Gageons qu'Intel aura tout de même prévu le coup en amont, au moins pour assurer les précommandes.
Le Z390 ne devrait pas changer la donne, mais permet aux constructeurs de donner un petit coup de frais à leurs gammes de cartes mères. Comme souvent, on regrettera néanmoins le trop plein de références qui perd le consommateur plus qu'il ne l'aide à faire son choix. Surtout que la plupart des modèles peinent à vraiment se démarquer.
Bien que pénalisé par le retard pris avec le passage au 10 nm, Intel montre qu'il sait prendre de bonnes décisions avec sa gamme grand public, surtout l'i7-9700K. Ici, on voit clairement l'influence d'AMD qui a poussé son concurrent à placer huit cœurs dans ce modèle qui sera vendu aux alentours de 400 euros, ce qui était loin d'être son habitude.
Mais le géant de Santa Clara est vite rattrapé par ses démons et la volonté de faire payer cher le moindre changement à ses clients. Ainsi, l'activation de l'Hyper-Threading et 100 MHz de Turbo sont facturés 114 dollars avec l'i9-9900K.
Le reste de la gamme évolue peu, et du côté des Core X c'est d'autant plus vrai que le processeur coûte cher. Un comble. Cette famille de CPU devrait toujours être aussi peu intéressante et ne concerner que les fidèles de la marque qui ne veulent pas entendre parler d'AMD tout en cherchant une solution haut de gamme sans regarder à la dépense.
Le lancement du Xeon W-3175X sonne lui comme un cri de désespoir ou d'arrogance, selon le point de vue. Celui d'une société qui n'a pas encore subi le coup de fouet nécessaire à lui faire comprendre le problème dans ses pratiques commerciales alors que ses architectures stagnent. Espérons donc que le prochain PDG sera vite choisi, et qu'il viendra rapidement apporter le souffle nécessaire avant que la sanction ne finisse par tomber.