Cela fait deux ans que de nouvelles normes sont entrées en vigueur concernant la manière de distribuer des flux de communication au sein d'un logement. Le RJ45 est devenu le connecteur unique, avec des câbles permettant de faire passer du réseau et un flux TV ou satellite. Comment est-ce possible ? On vous aide à y voir plus clair.
Nous avons récemment évoqué l'évolution des câbles réseau ces quarante dernières années, des premières solutions à base de paires torsadées à celles capables de faire passer plusieurs dizaines de gigabits par seconde. Dans l'informatique grand public, deux notions sont principalement à connaître au moment de faire son choix :
- La catégorie du câble, permettant de savoir quel type de signal il peut gérer
- Le connecteur, principalement de type 8P8C (souvent assimilé à du RJ45)
Il existe également différents types de blindages, mais ils ne sont le plus souvent pas rendus obligatoires par la norme. Elle est définie par la Telecommunications Industry Association (TIA). De son côté, l'Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE) s'occupe de l'évolution des standards Ethernet à travers le groupe 802.3.
- À lire : 10 GbE, Multi-Gig, catégories de câbles : ce qu'il faut savoir sur le réseau à plus d'1 Gb/s
Mais il y a un autre domaine dans lequel les câbles et connecteurs réseau montent en puissance : l'équipement de nos logements. Des premiers pas des solutions VDI (Voix Données Images) il y a 15 ans, à des habitations qui sont pensées et construites autour de la fibre optique, normes et pratiques ont largement évolué.
Et il n'est pas toujours simple de s'y retrouver, l'accès aux normes étant payant et les informations délivrées parfois datées ou contradictoires. Preuve en est : les multiples questions posées par les lecteurs dans les commentaires de notre précédent article, notamment sur les obligations, la notion de Grade et les différents câbles proposés sur le marché.
Nous avions initialement prévu de faire le point sur le sujet dans un futur dossier consacré à l'équipement des logements et à la domotique. Mais face à ces interrogations, nous avons finalement décidé de ne pas attendre pour vous condenser l'historique récent de ces normes, et les principaux éléments à connaître.
Au commencement était la NF C 15-100
En France, une norme règlemente les installations basse tension, celle de nos logements, il s'agit de la C 15-100. C'est elle qui définit notamment l'équipement minimal des différentes pièces, l'emplacement des différents éléments, la section des câbles, le calibrage des protections, etc. Vous en trouverez un résumé assez complet (datant de 2015) par ici.
Comme de nombreuses normes dans le domaine de la construction, elle est en constante évolution. Sa première édition date d'octobre 1956 mais est surtout connue dans sa forme actuelle suite au décret du 14 novembre 1962 sur la protection des travailleurs. Elle remplaçait alors les « instructions concernant les conditions d’établissement des installations électriques de première catégorie dans les immeubles et leurs dépendances », puis les normes C 11 ou USE11.
Depuis, elle n'a cessé d'être retouchée pour s'adapter aux technologies et aux usages, mais aussi aux problématiques de sécurité. Ses deux grandes évolutions récentes datent de 1991 et 2002. Elle rendait alors obligatoire la gaine technique de logement (GTL) mais introduisait aussi de nombreux éléments en lien avec les réseaux de communication.
Des amendements viennent aussi régulièrement compléter le texte. C'est le dernier en date, l'amendement 5 du 27 juin 2015, qui nous intéresse principalement aujourd'hui. Il modifie les titres 10 (Installations électriques à basse tension dans les bâtiments d’habitation) et 11 (Installations de communication dans les bâtiments d’habitation) de la norme.
Son guide d'application est disponible auprès de l'Afnor. Il a été complété par l'arrêté du 3 août 2016 et ses deux annexes. Il s’applique aux bâtiments d’habitation dont la date de dépôt de demande de permis de construire ou la déclaration préalable de travaux est postérieure au 1er septembre 2016.
Notez que la NF C 15-100 doit à nouveau évoluer en 2019, notamment pour opérer un alignement au niveau européen. Elle était rendue obligatoire par l'arrêté du 22 octobre 1969, abrogé par l'arrêté de 2016. Le nouveau texte impose pour sa part des objectifs techniques, le respect de la norme « conférant une présomption de conformité ».
Réseau de communication minimal obligatoire depuis 2016
Avec l'amendement 5, la gaine technique de logement (GTL) prend place dans une nouvelle zone dont les dimensions minimales sont de 600 mm de large pour 250 mm de profondeur : l'espace technique électrique du logement (ETEL). Il impose également la présence d'un tableau de communication avec des équipements qui doivent au minimum être :
- Un adaptateur/répartiteur des services de communication audiovisuelle
- Un dispositif de terminaison intérieur cuivre (DTI) et/ou optique (DTIo)
- Un panneau de brassage avec au moins quatre connecteurs RJ45
- Un répartiteur téléphonique RJ45 si nécessaire
- Un dispositif de mise à la terre
Il est possible (mais pas obligatoire) d'aménager un espace spécifique, d'une dimension minimale de 240 x 300 x 200 mm, pour y placer des équipements comme la box ou des composants réseau. Une prise d'alimentation (2P+T) doit alors y être placée au minimum. Certains opteront directement pour une baie de brassage, qui prendra place au sein de l'ETEL.

Pour rappel, il n'est plus obligatoire qu'un logement neuf soit relié au réseau cuivre depuis un arrêté d'août 2016 s'il est en zone fibrée. Il peut donc être livré sans connexion xDSL, imposant aux habitants d'opter pour la fibre optique. Dans le même temps, un pré-raccordement a été rendu obligatoire pour l'ensemble des nouvelles constructions.
Un nombre minimal de prises RJ45 est défini selon le type de logement, mais vous pouvez oublier les précédentes règles qui en imposent dans chaque pièce, même la cuisine. Une solution plus souple a été retenue :
- T1 : 2, dont 2 juxtaposées dans le salon/séjour
- T2 : 3, dont 2 juxtaposées dans le salon/séjour
- T3 ou + : 4, dont 2 juxtaposées dans le salon/séjour
Ces connecteurs doivent être positionnés à proximité d'une prise de courant (2P+T). Comme dans les précédentes versions de la norme C 15-100, le réseau doit être réalisé en étoile et partir du tableau de communication vers chacune des prises.
Un connecteur unique, un Grade pour les câbles
L'arrêté du 3 août 2016 indique dans sa seconde annexe que « l'installation intérieure de communication permet l'accès au téléphone, aux services de communication audiovisuelle (télévision terrestre, satellite et réseaux câblés) et aux données numériques (réseau internet avec un débit d'au moins 1 Gbit/ s) ».
Ici, c'est le RJ45 qui a été privilégié, venant en remplacement du coaxial que l'on trouvait jusqu'à lors pour la TV. Comme nous l'avons vu précédemment, ce dernier s'arrête à la GTL et à un répartiteur dédié. Son utilisation n'est pas interdite, mais il ne doit être considéré qu'en complément. Un choix que certains feront au nom de l'habitude... ou par conviction.
Car cette solution est critiquée, notamment en raison du manque de concertation dont les autorités auraient fait preuve à l'époque, mais aussi des soucis que cela pose vis-à-vis des flux satellite et TV. En effet, si l'utilisation du RJ45 a du sens pour des appareils connectés, ce n'est pas vraiment le cas des démodulateurs qui utilisent toujours du coaxial.
Ainsi, des adaptateurs (baluns RJ45) seront souvent nécessaires. Cela s'ajoute au fait que faire passer un flux satellite dans un câble réseau n'a rien de naturel, nécessitant adaptations et compromis. Il faut en effet qu'il dispose de caractéristiques qui ne sont pas couvertes par les catégories de la TIA. C'est là que la notion de Grade entre en jeu, avec son lot de subtilités qui demanderont un peu d'attention au moment de l'achat.
Pour le comprendre, petit retour en arrière. Avec la version 2002 de la norme C 15-100, un guide de l'Union technique de l'électricité (UTE) venait apporter des précisions sur la constitution d'un réseau domestique : Le câblage résidentiel des réseaux de communication (ou C 90-483). Il définissait quatre niveaux (ou Grade) en fonction des besoins et des usages :
- Grade 1 : capable de gérer un signal de 100 MHz
- Grade 2 : capable de gérer un signal de 250 MHz
- Grade 3 : capable de gérer un signal de 900 MHz
- Grade 4 : fibre optique
Le premier grade était recommandé pour des cas basiques, dont de la téléphonie et du réseau à 100 Mb/s. Le second permettait de passer à un débit de 1 Gb/s. Mais dans ces deux cas, le signal TV devait continuer de passer par une prise coaxiale, ce qui n'était pas le cas des Grade 3 et 4. Le signal satellite était alors évoqué comme une évolution future.
Le nouveau cadre juridique est venu chambouler tout ça. Deux normes établies en novembre 2016 sont évoquées dans la note d'information de l'Afnor : XP C 93-531-16 (Grade 2 TV) et XP C 93-531-17 (Grade 3 TV). Ce sont ces câbles qui doivent être utilisés pour relier la GTL aux différentes prises, ce même si aucun usage poussé n'est nécessaire.
On retrouve au passage une dénomination assez proche de l'ancienne, ce qui cause parfois des confusions. On note aussi qu'il n'est plus question d'un Grade 4 ou de fibre optique. Le Grade 1 n'est plus valable que pour les rénovations. Les connecteurs RJ45 doivent pour leur part répondre à la norme 60603-7 de l'IEC (utilisé en général à partir de la Catégorie 6 à 250 MHz), la révision 60603-7-5 servant de référence minimale.
Différents schémas d'installations répondants à la nouvelle norme - Source : Guide pratique objectif fibre 2017
Satellite et signal jusqu'à 2 200 MHz
Comme on vient de le voir, les câbles certifiés Grade 1, 2 ou 3 n'ont rien de vraiment spécial. Seul le dernier est capable de gérer un signal à 900 MHz, supérieur aux 600 MHz de la Cat 7. Si c'est utile lorsque l'on veut y intégrer un flux TNT, c'est sans intérêt pour du réseau local. Actuellement et sans doute pour les années à venir.
Dès lors, est-ce que les câbles Grade 2 TV et 3 TV ont une caractéristique qui leur permet de faire la différence ? Oui. Pour obtenir ce statut, les fabricants doivent s'assurer qu'une des quatre paires torsadées est capable de supporter un signal d'un maximum de 2 200 MHz, nécessaire pour le satellite. C'est ce qui permet de se passer d'un câble coaxial.

La différence vient donc des trois autres paires torsadées. Un câble Grade 2 TV doit être capable de tenir une fréquence de 250 MHz pour un signal jusqu'à 1 Gb/s (blindage F/UTP). Un Grade 3 TV peut monter à 500 MHz pour 10 Gb/s (blindage x/FTP). Ainsi, ce sont des équivalents des modèles Cat 6 et 6A, avec une paire dédiée au satellite. Notez que lors d'une utilisation simultanée du réseau et du satellite, la bande passante réseau est réduite à 100 Mb/s.
Obligatoires pour de nouvelles constructions, ces câbles n'auront donc pas forcément d'intérêt pour une rénovation. N'allez d'ailleurs pas penser que la paire à 2 200 MHz améliorera vos débits réseau, ce ne sera pas le cas. Surtout qu'il y a un autre élément à prendre en compte et sur lequel les vendeurs ne communiquent pas toujours : la distance.
La question de la longueur du câble
Lorsqu'elle définit ses catégories, la TIA donne une fréquence de signal et un débit que le câble doit être capable de tenir sur 100 mètres. Avec la notion de Grade, ce n'est pas le cas. Or, un câble a des caractéristiques précises, qui font qu'à partir d'une certaine longueur, l'atténuation sera trop forte pour faire passer tel ou tel signal.
Il faut en général se tourner vers le fabricant pour avoir de tels détails. Acome propose par exemple ses modèles R7800A (Grade 2 TV) et R7400A (Grade 3 TV) en précisant l'affaiblissement sur 100 mètres pour chaque paire et différentes fréquences, tout en indiquant que ces produits ne doivent pas être utilisés sur plus de 45 mètres.
Et pour la TV par satellite : « au-delà d’une longueur comprise entre 12 et 22m en fonction de la configuration et du niveau du signal au Tableau de communication (HNI), il est nécessaire de prévoir un équipement actif (type amplificateur avec correcteur de pente) » précise la marque.
Un point qui est plutôt sensible chez certains, et serait même sujet à des arnaques à la dénomination. CAE Groupe dénonce ainsi dans un document technique l'utilisation frauduleuse du terme Grade 2 TV ou Grade 3 TV, pour des câbles qui ne seraient pas capables de transporter un signal à 2 200 MHz :
Source : CAE Groupe
« Cet assemblage particulier nécessite un outil de production adéquat permettant la fabrication du câble tout en maintenant l’équilibre diaphonique des paires de manière à ne pas compromettre les valeurs électriques. Ce processus de production demande une haute expertise et une maîtrise parfaite du design jusqu’à la fabrication » précise la société, qui se présente bien entendu comme capable d'apporter cette expertise.
« Un câble à paires torsadées peut être assimilé à un circuit RLC qui possède une fréquence de résonance proportionnelle à sa résistance, son inductance et sa capacitance. Cette résonance, correspondant à une impédance minimale, va créer un pic d’atténuation aux alentours de 1.5/1.6GHz ». Le défi est donc de repousser ce pic à plus de 2 200 MHz, là où certains se contenteraient de jouer avec des références trompeuses comme 3 TVS.
Attention donc au moment de passer à la caisse, surtout si un câble de ce Grade ne vous est pas totalement utile. Le prix au mètre comparé à du simple Cat 6 pouvant aller jusqu'à varier de 1 à 5.