PC INpact révélait hier le futur arrêté de Marisol Touraine pour encadrer les sites de vente à distance de lentilles de contact. Un texte qui fait suite à une procédure d’infraction initiée par la Commission européenne. Nous avons recueilli les avis de deux professionnels du secteur de la vente en ligne.
En 2008, Bruxelles faisait les gros yeux à la France, accusée de mettre des branches dans les roues du marché en ligne de l’optique. Le projet d’arrêté tout juste notifié par Paris à Bruxelles et révélé dans nos colonnes tente de mettre ces critiques sur le carreau.
Il prévoit notamment que les sites de lentilles correctrices devront être déclarés auprès de l’agence régionale de santé. Ses pages devront proposer « au patient les services d’un opticien-lunetier, d’un orthoptiste ou d’un ophtalmologiste apte à répondre à toute demande d’informations ou de conseils dans leur champ de compétence respectif. » En outre, cela ne mange pas de pain, il devra diffuser « des conseils concernant l’usage correct et l’entretien des lentilles correctrices et une invitation à consulter un professionnel de santé en cas de besoin ». Enfin, à la première délivrance de lentilles correctrices à un patient, le professionnel devra vérifier « que l’adaptation des lentilles correctrices a été réalisée préalablement par un professionnel de santé habilité ».
Pas de discrimination
Pour sa part, Karim Khouider juge le projet positif, « car il est vrai qu'actuellement la législation est inexistante sur le sujet ». Le co-fondateur de Direct Optic souligne que son principal souhait « est qu'il n'y ait pas de discrimination entre les opticiens en boutique et les opticiens en ligne ». Le texte prévoit aussi la nécessité d'une ordonnance pour les personnes de moins de 16 ans, mais la disposition est déjà dans le Code de la santé publique. « Dans l'ensemble il ne semble pas y avoir de discrimination, bien que l'on puisse se demander pourquoi les sites français seront obligés de s’inscrire auprès des ARS alors qu'ils sont obligatoirement dirigés par des opticiens diplômés, puisque la législation française nous oblige à avoir un opticien diplômé comme dirigeant d'une société d'optique. ». S’agissant de la mise à disposition de conseils ou d'opticiens, « il n'y a pas de problèmes, la majorité des sites proposant déjà ce genre de prestation, chez nous via email, téléphone ou chat par exemple ».
Pour le co-fondateur de ce site spécialisé notamment dans les lentilles correctrices, « la seule chose qui me semble un peu floue est le concept de "première délivrance". S'agit-il de première délivrance de lentilles pour le patient ou de première délivrance de lentilles pour le patient auprès d'un site en particulier ? De plus, comment le site en question peut-il vérifier que l'adaptation a bien eu lieu ? Juste en posant la question au client ou en mettant une case à cocher "J'atteste avoir fait une adaptation..." ? »
Un besoin de réglementation
Pour Karim Khouider, « On peut en revanche regretter que ce texte ne légifère que la vente de lentilles et pas la vente de verres correcteurs pour lunettes sur Internet, qui ne dispose toujours pas de législation. »
Même son de cloche chez Easy-verres.com, site qui ne vend pas ces lentilles. « C’est très bien de réglementer la vente de lentilles, mais on devrait aussi réglementer la vente de lunettes sur internet qui a ses particularités, ses limites » nous confie son fondateur, Jean Polier. « La réglementation date d’un temps où Internet n’existait pas. Aujourd’hui, il existe deux modèles de vente, l’un vendant des lunettes montées, l’autre en pièces détachées, comme Easy Verres ».
Le chef d’entreprise assure par exemple que les pures players ont des difficultés pour centrer les verres progressifs. « Sur Internet, on est incapable de mesurer le positionnement vertical de verres. De sites comme le nôtre vendent des lunettes en pièce détachées avec passage obligatoire devant un opticien pour ces ajustements ». Il milite ainsi pour un régime à plusieurs vitesses, outre les ventes en pharmacie et par des boutiques classiques, l’encadrement pourrait distinguer les pures players qui vendent des verres unifocaux et ceux qui font appel à des opticiens de proximité. Seuls ces derniers pourraient vendre en plus des verres progressifs.
« Aujourd’hui, en raison du problème de prise de mesures, les Français n’ont pas confiance dans la vente de lunettes sur internet. Pas de confiance, c’est un canal sous exploité, de faibles volumes, un secteur qui tarde à se développer et finalement des prix qui ne baissent pas davantage. En réglementant et en faisant le ménage, cela permettrait d’accorder cette confiance. »
Rappelons que Marisol Touraine a informé Bruxelles que cet arrêté n'est que transitoire, promettant, sans calendrier, un futur « vecteur législatif approprié ».