Le clavier AZERTY aurait-il mauvais caractère quand un francophone lui tape sur le système ? C’est l’avis au ministère de la Culture, qui a lancé un projet de norme afin d’avoir enfin un périphérique correspondant aux exigences de la langue de Molière.
Caractères accentués en majuscule, usage des doubles chevrons ( « et » plutôt que "), ligatures du français (« æ » et « œ »), voilà quelques-unes des difficultés qui agacent la Rue de Valois. En effet, « selon le système d’exploitation que l’on utilise et selon le fabricant du clavier, certaines touches ne sont pas disposées au même endroit, ou alors, elles ne sont disponibles ». Pour le ministère, c’est un fait : il est « presque impossible d’écrire en français correctement avec un clavier commercialisé en France ».
Une norme non obligatoire, mais incitative
Cette impérieuse difficulté contamine toutes les strates de la société, même celles où chaque majuscule, spécialement accentuée, a une importance capitale (INSEE, État civil, etc.). « Autre caractère d’usage extrêmement répandu dans la langue française, le [ç] (c cédille) ne peut pas, lui non plus, être saisi en majuscule, croit savoir le ministère, pourtant, nombreuses sont les phrases en langage courant commençant par la préposition "ça". »
Face à cette mise sur la touche des spécificités de notre langue, plusieurs initiatives ont été lancées (comme le clavier Bepo). Cependant, la délégation générale à la langue française et aux langues de France voudrait aller plus loin : elle a initié un chantier avec l’AFNOR afin d’aboutir à une norme française de claviers. « Une fois la norme adoptée, celle-ci est d’application volontaire sans caractère obligatoire ». Néanmoins, la conformité à ces futures règles techniques pourra être exigée dans les marchés publics, avec, plus loin, l’espoir d’un effet incitatif sur les offres des fabricants.
Un clavier compatible avec les langues d’Europe
Autres attentes, la prise en compte des particularismes des langues régionales qui utilisent parfois des caractères non présents dans l’alphabet latin. Le ministère caresse même le souhait d’un clavier compatible avec les langues d’Europe afin de pouvoir saisir la majorité des caractères utilisés ici et là (ß, ñ, ã, ¿, ¡ Ø, etc. ). « Les caractères diacritiques spécifiques à certaines langues d’Europe centrale et de l’Est, telles que la brève [Ă], la virgule souscrite [Ț], la cédille [Ş], l’ogonek [ą], le háček [ř], le kroužek [ů] ou encore les doubles accents aigus [Ő, ű] utilisés en hongrois, devraient pouvoir être utilisés, sans toutefois nécessiter de gravure les matérialisant sur le clavier physique » concède la délégation.
Cette annonce faite sur le site du ministère en fin de semaine dernière suit celle de l’AFNOR qui, fin novembre, regrettait déjà que « des pays européens (Allemagne et Espagne par exemple) respectent souvent mieux l’écriture française que les Français ne le peuvent, car leurs claviers le permettent ! »
Un projet présenté à l’été 2016
Cette nouvelle norme débutera par le recensement des manquements du clavier français actuel, avec pour objectif la présentation d’un projet à l’été 2016. Là, avis et contributions seront recueillis avant une « mise à disposition de tous les fabricants ». Selon Philippe Magnabosco, chef de projet AFNOR, un tel projet « peut être mené à bien sans bouleverser la disposition AZERTY à laquelle la plupart des usagers sont habitués ». L’enjeu sera surtout de mettre un terme aux astuces et aux compensations offertes par les correcteurs, car ceux-ci sont jugés comme « des palliatifs insatisfaisants, notamment parce qu’ils impliquent que tous les utilisateurs aient accès aux informations ou disposent de ces logiciels ».
Dernier détail, on signalera au ministère de la Culture que le « é » se trouve entre la touche « 1 » et « 3 » des claviers, ce qui permet d’écrire « muséum », avec un accent aigu, même en minuscule.