Disposer d'un chauffage intelligent et « gratuit », c'est la promesse de Qarnot. La société française a ainsi développé le Q.rad qui utilise la chaleur dégagée par des processeurs tout en effectuant des calculs pour ses clients. Elle vient d'annoncer passer aux Ryzen Pro d'AMD et nous explique les raisons et avantages de ce choix.
Qarnot est une société française proposant depuis plusieurs années son Q.rad : un « radiateur intelligent connecté » que nous avons déjà eu l'occasion de voir au CES de Las Vegas. 400 sont d'ores et déjà déployés dans des bâtiments parisiens, mais une nouvelle version se prépare avec plus de fonctionnalités et un changement important en son cœur : le passage des Core i7 d'Intel à des Ryzen 7 Pro d'AMD.
1 500 modèles du Texan seront ainsi utilisés afin de construire 346 radiateurs Q.rad. Ils seront installés dans des logements sociaux à Bordeaux, la livraison du bâtiment étant prévue pour octobre 2018. Nous avons pu nous entretenir avec Eloïse Emptoz (directrice marketing) et Clément Pellegrini (ingénieur logiciel) de Qarnot afin de mieux comprendre les raisons de ce changement stratégique et ses conséquences.
Les Ryzen 7 Pro plus performants et moins chers, avec des options en plus
Suite à l'annonce de Ryzen, Qarnot nous explique avoir testé les nouveaux CPU AMD sur des benchmarks maison : « on a eu des performances assez impressionnantes » nous affirme Clément Pellegrini. Sur des logiciels comme Blender (utilisé par Qarnot), le nombre important de cœurs mis à disposition par Ryzen permet en effet de marquer des points.
Par rapport aux Core i7 d'Intel, « on est entre 30 et 45 % plus performant en fonction de la charge de calcul » ajoute-t-il, pour un prix inférieur. La solution est donc bien plus intéressante pour Qarnot. Le choix s'est porté sur le Ryzen 7 Pro 1700X (8 cœurs, 16 threads, jusqu'à 3,8 GHz), le plus haut de gamme actuel et surtout le seul avec un TDP de 95 watts. « Ce qui nous intéresse c'est le rapport performances/prix/watts » nous précise la société. Cela explique sans doute que les générations précédentes d'AMD n'avaient pas été retenues.
Que des CPU pour le moment, mais les GPU sont à l'étude
Concernant le choix de processeurs pour les calculs plutôt que de cartes graphiques, la société nous explique que « le CPU est plus générique et utilisé autant dans le cadre de calculs financiers que dans la 3D, ce qui explique le choix initial et historique de CPU ». Mais une diversification est au programme, notamment sous l'impulsion du partenariat avec AMD : « nous serons amenés à intégrer des GPU notamment dans des systèmes de chaudières ».
Bien évidemment, le système de refroidissement est passif, le but étant de dissiper la chaleur dans la maison, sans faire de bruit. Le radiateur Q.rad est donc annoncé comme « complètement silencieux » (0 dB), d'autant plus qu'il n'intègre pas de disque dur. Hormis le système d'exploitation, aucune donnée n'est stockée dans les radiateurs : une fois terminés, les calculs sont directement envoyés aux serveurs de Qarnot via une connexion chiffrée en AES-256 (le radiateur dispose d'un port Ethernet Gigabit).
DASH et chiffrement de la mémoire intéressent Qarnot
Passer sur la version Pro de Ryzen permet de profiter de deux fonctionnalités spécifiques à cette gamme : DASH et le chiffrement de la mémoire en temps réel, indépendamment du système d'exploitation ou des applications. Cette dernière est d'ailleurs pour le moment sans équivalent chez Intel.
Pour rappel, DASH est un standard permettant une gestion à distance par des administrateurs. S'agissant d'une solution open source, elle peut facilement être intégrée à sa plateforme nous indique le développeur de chez Qarnot. Chez Intel, il y a bien vPro, et plus particulièrement la technologie d'administration active (AMT), mais « le problème c'est que le support Linux est imparfait on va dire, et surtout ce n’est pas dans tous leurs processeurs et chipsets de cartes mères ».
Chez AMD, tous les processeurs Ryzen Pro prennent en charge DASH pour peu que l'on dispose d'une carte mère compatible. Qarnot ne semble pour autant pas avoir de problème de ce côté-là. La société nous explique qu'elle teste actuellement quatre modèles mini-ITX (socket AM4) avant de faire son choix, mais sans plus de détails. Les références et noms des partenaires restent confidentiels pour le moment.
De son côté, le chiffrement de la mémoire est un argument supplémentaire de sécurité pour rassurer ses clients. Qarnot nous explique que certains étaient visiblement inquiets par la possibilité d'extraire des informations directement de la RAM (les machines sont installées chez des particuliers).
D'autres comme BNP Paribas n'ont pas attendu pour sauter le pas. Après un audit, la banque n'a visiblement pas trouvé à redire sur la sécurité puisqu'elle effectue d'ores et déjà 5 % de ses calculs de risques sur des radiateurs Qarnot.
346 radiateurs Bordeaux : 3 cartes mères et 3 CPU dans chaque
Au total, Qarnot compte donc produire 346 radiateurs de nouvelle génération, chacun avec trois processeurs Ryzen 7 Pro 1700X. Pour les radiateurs Q.rad Intel, la même configuration est utilisée : trois cartes mères avec trois CPU. Dans tous les cas, c'est suffisant pour une pièce de 30 m² selon le fabricant.
La société a testé des prototypes avec quatre cartes mères, mais les résultats n'étaient pas à la hauteur. De même, elle en utilise trois plutôt que des solutions 2P/4P pour deux raisons. L'agencement intérieur est facilité. De plus, à ses débuts, elle utilisait principalement du matériel grand public, même si c'est « de moins en moins » le cas selon Clément Pellegrini.
Les radiateurs Q.rad seront installés dans des logements sociaux à Bordeaux. Ce sera le premier déploiement à grande échelle de la nouvelle version du radiateur, mais aussi la première en dehors de Paris. Avec 400 radiateurs déjà en service, c'est également un important bond en avant pour la puissance de calcul mise à disposition de Qarnot.
La société proposant ses services uniquement en B2B, elle n'a pas de tarif public à nous communiquer, d'autant qu'elle « n'a pas encore prévu d'attaquer les particuliers ». Les commandes sont au minimum de 20 unités pour le moment. Néanmoins, le prix indicatif est de 2 500 à 3 000 euros HT par radiateur, mais le montant final dépendra « beaucoup de ce qu'on met dans le radiateur, de ce qu'on développe aussi comme application et du nombre de radiateurs du projet » nous précise Eloïse Emptoz.
Radiateur multifonction : réseau Wi-Fi mesh, qualité d'air, box domotique...
Paul Benoit, fondateur de la société nous avait expliqué au dernier CES de Las Vegas que cette troisième génération disposera de fonctionnalités supplémentaires. Au-delà d'un design revu et corrigé (voir image ci-dessous), une application permettra de contrôler la température à distance et de suivre les consommations de l'habitation (pas uniquement électrique, mais aussi d'eau par exemple).
Des capteurs de présence, de mouvement et de qualité de l'air sont également de la partie. Il sera possible d'y relier des objets connectés (HomeKit, Nest, EnOcean, etc.). Enfin, le radiateur fait également office de routeur Wi-Fi et peut créer un réseau mesh (maillé) dans l'habitation.
La livraison du bâtiment bordelais est prévue pour octobre 2018, ce qui laisse encore du temps à la société de finaliser son radiateur Q.rad et arrêter le choix de la carte mère. Ensuite, le cycle de vie est de 3 à 5 ans, un délai après lequel les Q.rad sont « remplacés gratuitement [...] afin d’assurer la performance de notre parc informatique » précise la société.
La puissance de calcul est revendue... et parfois « offerte » à des projets
Sur son autre facette, Qarnot se présente comme un « cloud provider » et vise deux gros secteurs d'activité : le monde de la finance pour le calcul de risques et celui de la création 3D. Il vend ainsi de la puissance CPU à des sociétés externes et rembourse l'électricité utilisée par ses radiateurs aux occupants des logements.
Sur son site, Qarnot annonce un tarif de 25 centimes/h HT par CPU (Core i7 avec 4 cœurs à 4 GHz), avec une facturation à la seconde. Deux formules sont proposées : prépayée ou mensuelle, avec un montant que vous définissez, avec éventuellement des remises. Bien évidemment, le tarif s'adapte en fonction de la vitesse de fonctionnement du processeur, dépendant directement du niveau de chauffe demandé par les occupants des logements. Un CPU à 50 % de sa vitesse sera ainsi facturé 12,5 centimes/h HT par exemple.
Bien évidemment, Qarnot respecte la consigne de chauffe de l'utilisateur et n'ira pas faire fonctionner un radiateur à plein régime si l'utilisateur ne l'a pas demandé. À contrario, lorsque la demande est inférieure à l'offre, la société peut « offrir du calcul » : des rendus pour la fondation Blender, des projets étudiants ou encore des participations aux programmes BOINC. « On ne fait jamais de calcul pour rien » nous affirme Clément Pellegrini.
Bien évidemment, en été la capacité de calcul est diminuée. Comme la société l'explique dans sa foire aux questions, « en utilisant des processeurs à une fréquence plus basse et en choisissant des sites de déploiement adaptés, Qarnot réussit à garder une capacité minimale de calcul toute l’année ». Si la demande devait être plus importante que l'offre, elle peut nouer des partenariats avec « des datacenters écologiques » afin d'assurer une continuité de service.