Streaming : l’auteur de TubeMaster poursuivi par Deezer et les ayants droit

Les enregistreurs de flux en procès

C’est une affaire rare qui est en train d’être jugée devant le tribunal correctionnel de Nîmes. Et pour cause : l’auteur de TubeMaster, un logiciel permettant d’enregistrer le flux streaming de Deezer, est poursuivi par la célèbre plateforme, mais également par plusieurs ayants droit.

tubemaster
Les faits, signalés par Midilibre.fr, remontent à 2009. Un jeune Nîmois d’une vingtaine d’années met à disposition des internautes un logiciel nommé TubeMaster. Ce dernier permet d’enregistrer les flux d’une quantité de plateformes, dont Deezer ou Jiwa, pour les transformer en MP3. « Lorsque vous téléchargiez Tubemaster, vous aviez la possibilité en lançant en même temps Deezer de capter les fichiers musicaux et de les enregistrer sur votre disque dur » nous détaille Maître Cyril Gosset, avocat de Deezer.


La personne qui a mis en ligne ce logiciel a par la suite été identifiée, placée en garde à vue puis renvoyée devant le tribunal correctionnel de Nîmes par le procureur de la République. L’affaire ressemble ainsi à celle de Freezer, déjà évoquée dans nos colonnes en 2011.

Accusé d'avoir cassé le DRM de Deezer

Ce jeune Nîmois « a créé ce logiciel en cassant la DRM de Deezer » nous assure Me Gosset pour qui les incriminations s’empilent : « On est à la fois sur une violation du Code pénal puisqu’il y a eu une introduction frauduleuse quand ce pirate s’est connecté sur Deezer, a donc repris l’ensemble du code source et a détourné la DRM. Il y a des infractions spécifiques au Code de la propriété intellectuelle, à savoir la fabrication et la mise à disposition d’un logiciel qui contourne les mesures de sécurité. »


Le prévenu est par exemple poursuivi au titre d’abord de l’article 323-1 du Code pénal qui sanctionne l’accès ou le maintien frauduleux dans un système informatique. On lui reproche aussi une violation de l’article 335-3-1 du Code de la propriété intellectuelle. Issu de la loi DADVSI, il punit de 3 750 euros d'amende le fait de porter atteinte sciemment à « une mesure technique efficace » pour contourner la protection d'une œuvre. Les peines s’emballent lorsque l’outil a été procuré à autrui. Ce n’est pas tout. Il aurait aussi violé l’article L335-2-1, fameux article fruit de l’amendement Vivendi lors des débats DADVSI. Il sanctionne cette fois de 3 ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende le fait d’éditer ou de mettre à disposition de tous « un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d'oeuvres ou d'objets protégés ». Un dispositif qui avait permis la condamnation de Radio.Blog.club.

Demandes indemnisations forfaitaires

Du côté des ayants droit, parmi les demandes d’indemnisation, la Sacem et la Sdrm réclament 15 000 euros. La SCPP, qui représente les intérêts des producteurs, 50 000 euros. Problème : impossible de déterminer le nombre de fichiers effectivement téléchargés avec TubeMaster, mais les SPRD font état d’un préjudice global.

Deezer évoque pour sa part un préjudice matériel de 7 000 euros dans ce dossier. « Le préjudice a été estimé en fonction d’heures travaillées pour rétablir la situation » affirme maître Gosset. Deezer a par la suite dû reconfigurer l’ensemble de son système pour colmater la brèche, soit deux ingénieurs sur l’ouvrage pendant une quinzaine de jours. Autre chose : Deezer met en avant un préjudice moral de 10 000 euros. Et pour cause, les contrats qui le lient avec les sociétés de gestion collective (SPRD) lui imposaient cette sécurisation via des clauses dédiées. En tout, ce sont tout de même 130 000 euros qui sont demandés au prévenu, nous indique la défense de l’auteur de TubeMaster, Me Alexandre Gaspoz.

Pas de DRM ou un DRM non efficace

L'avocat de l'auteur de Tubemaster multiplie les contestations. Si ce dossier est aussi important que l’estiment les ayants droit, il considère déjà la juridiction de Nîmes incompétente pour le juger. Selon lui, cette affaire aurait ainsi dû être prise en main par un pôle spécialisé. Mais surtout, « on n’a pas la preuve d’un seul fichier téléchargé illégalement. On est dans un État de droit, c’est sur l’accusation que repose la charge de la preuve. Moi, on ne m’apporte pas qu’à travers ce logiciel des fichiers musicaux ont été téléchargés illégalement ! »


Ce n’est pas tout. Pour Me Gaspoz, le mécanisme mis en place par Deezer n’était en rien une mesure technique de protection à l’époque des faits. « Une méthode de cryptage n’est pas protégée par le Code de la propriété intellectuelle », nous commente-t-il, « et a supposé que l’on considère que c’en est une, elle n’était pas efficace. Ce mécanisme a été craqué au bout de deux jours, mais pas par un pur génie ! Mon client, à peine majeur, avait des notes très moyennes en informatique. Il n’a fait qu’une simple analyse de flux sortants. Son logiciel a permis de retrouver la clef de cryptage qui était sur l’ordinateur. C’est tout ! » Pourquoi une telle défense ? Tout simplement parce que le Code de la propriété intellectuelle n’accorde de protection aux DRM que pour autant qu’elles soient « efficaces ». La suite est d'une logique implacable : faute d’efficacité, pas de DRM, et donc pas de violation.

 

Le parquet requiert pour sa part 1 500 euros, bien loin des sommes prévues par les textes en cause. Le délibéré a été fixé au 28 juin.

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