Confier la riposte graduée au CSA ? Un nouveau « coup d’épée dans l’eau »

Interview du député Michel Zumkeller

Le député UDI Michel Zumkeller a déposé cette semaine devant l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à instaurer « une licence globale à paliers ». Alors que l'après-Hadopi est dans tous les esprits depuis que la mission Lescure a rendu ses conclusions, l’élu a accepté de répondre aux questions de PC INpact.

zumkeller

 

Hier, nous vous expliquions le principe de ce texte de loi qu’avait déjà proposé, en vain, le député Zumkeller il y a trois ans. L’idée est d’autoriser les internautes à télécharger légalement des contenus audiovisuels (hors jeux vidéos, livres numériques, etc.) sur Internet, en contrepartie d’une participation financière prélevée sur leur abonnement. Le montant de ce nouveau prélèvement pourrait aller de 0 à 10 euros par mois en fonction de la consommation de chacun.   

Qu’avez-vous pensé des propositions formulées par Pierre Lescure, notamment sur la thématique du téléchargement illégal ?

Je crois que quel que soit le gouvernement, personne n’a pris conscience que l’internet était là et faisait partie de nos vies. C’est un nouveau mode d’existence, de fonctionnement. On ne peut pas garder des outils qui fonctionnaient il y a 20 ans sur un mode de communication et de fonctionnement totalement différent. Il faut donc que l’on trouve une formule pour que les artistes soient rémunérés du travail qu’ils font et de leurs créations. Or ce ne sont pas les propositions de la mission Lescure qui vont empêcher les jeunes de télécharger une fois de plus.  

D’après vous, ses propositions ne sont donc pas efficaces ?

Absolument ! On nous dit qu’Hadopi ce n’est pas bien, mais on va quand même garder la riposte graduée et la mettre avec le CSA... Tout en sachant que ça coûte très cher et qu’au final on a bien vu que ça ne solutionnait pas grand-chose. C’est un peu un coup d’épée dans l’eau, comme toujours.

Si l'on vous suit, la suppression de la Hadopi est par conséquent absolument inutile...

On a créé, comme on aime bien le faire dans ce pays, une institution de plus, quelque chose de plus qui coûte cher et qui ne sert à rien. La suppression d’Hadopi ne m’empêchera pas de dormir. J’étais d’ailleurs un des rares députés UMP à avoir voté contre à l’époque.

 

En confiant les missions de la Hadopi au CSA, ça ne change rien. On maintient la riposte graduée. Donc au final on enlève l’enseigne « Hadopi » du mur, on va garder les gens et on va les mettre au CSA ! Au passage, le CSA hérite de pouvoirs supplémentaires... Je ne sais d’ailleurs pas si l’institution était destinée au départ à gérer tout ça... ?

 

zumkeller loi licence globale

Qu’est-ce qui vous a conduit à déposer cette proposition de loi ?

Télécharger, aujourd’hui, c’est illégal. D’accord, mais il faut être réaliste : ça existe, c’est une manière de fonctionner. Ma motivation est donc d’essayer de trouver une formule pour qu’on maintienne au moins la création tout en permettant ce mode de fonctionnement. C’est comme pour la pluie, on a beau dire « je n’aime pas quand il pleut », mais voilà, ça n’empêche pas que des jours il pleuve. Dire « je n’aime pas le téléchargement » et vouloir mettre une espèce de barrière qui ne sert à rien, ça me semble aberrant !

 

J’entendais l’autre jour que lorsqu’un film tel qu’Iron Man sortait, il y a avait 300 000 téléchargements illégaux du film qui suivaient aussitôt. Comment voulez-vous qu'une Hadopi puisse maîtriser un flux pareil ? Essayons plutôt de se dire : « Ok, vous téléchargez. Alors on vous fait payer une petite redevance mensuelle ». Une redevance qui pourra servir ensuite à financer le cinéma, la musique...

 

Quand on analyse les choses, on remarque que les oeuvres les plus téléchargées sont aussi très souvent celles qui marchent le mieux. C’est-à-dire les films que les gens vont le plus voir au cinéma et les CD qui sont le plus vendus. Ceci montre que tout n’est pas si négatif et que le téléchargement est aussi une manière de promouvoir certaines œuvres, tout en permettant aux jeunes d’accéder à une forme de culture.

Pierre Lescure écarte pourtant l’idée d’une licence globale, mettant en avant différents obstacles, notamment juridiques. Votre proposition de loi n’est-elle donc pas irréaliste ?

Je ne sais pas... Je trouve qu’on habite un beau pays, avec des énarques, des polytechniciens, etc. qui trouvent toujours des réponses à tout et sur tous les sujets ! Peut-être que la formulation que j’ai n’est pas la plus parfaite, je l’admets bien volontiers. Mais à mon avis, on a des juristes, on a des gens très intelligents qui pourraient nous rédiger un texte de loi compatible, ou alors c’est à désespérer de l’ENA !

Il existe pourtant un cadre juridique qui s’impose à la France, notamment s’agissant du droit d’auteur...

Je ne suis pas un très grand spécialiste en la matière mais je ne vois pas très bien en quoi ça heurte les règles européennes. Et puis après tout, on est membre de l’Europe, on est aussi là pour la faire avancer. Après, il est vrai qu’on n’est peut-être pas mûr aujourd’hui ou demain pour créer cette licence globale.... Mais ouvrons au moins le sujet, rencontrons nos partenaires européens, essayons de trouver une formule et je pense que tous ensemble on peut y arriver quand même ! Ce qui se pose en France se pose aussi dans les autres pays donc essayons au moins de faire avancer les choses.

 

En plus, c’est un sujet qui transcende les partis. Je me souviens que lorsque j’étais dans la majorité il y a trois ans, on avait des collègues, dont Patrick Bloche [député PS, ndlr], qui défendaient la licence globale. Aujourd’hui, il est dans la majorité et il est contre la riposte graduée, c’est très bien, mais pourquoi on ne va pas au bout ? Si l’on reprend ses déclarations d’il y a trois ans, il était favorable à ça.

Comment faites vous mesurer les téléchargements de chaque abonné ? Pierre Lescure évoque dans son rapport des technologies intrusives et peu respectueuses de la vie privée des internautes...

Il y a des mesures assez simples à mettre en place. Techniquement, ce n’est pas un souci.

 

S’agissant de Pierre Lescure : quand Hadopi vient dans votre ordinateur pour voir ce que vous téléchargez, ça ne le gène pas au niveau de l’intrusion de la vie privée ? Il y a un moment où il faut aussi ouvrir les yeux ! Le respect de la vie privée avec Internet, c’est compliqué, mais quand Hadopi vous dit qu’ils savent qu’à tel moment, vous avez téléchargé telle œuvre etc. Qui est-ce qui respecte la vie privée ?

Ne craignez-vous pas que votre proposition de loi, identique à celle d’il y a trois ans, subisse le même sort que la précédente ?

Si (Rires)! Ce n’est pas une histoire d’avoir peur, mais j’imagine bien que ça va être compliqué. Il y a certainement des choses à affiner mais en tout cas l’idée est de remettre ça sur le tapis à un moment où on reparle d’Hadopi. L’enjeu reste de poser les choses, de dire que l’on est en face d’un média nouveau, Internet, et qu’il faut trouver des solutions modernes qui lui correspondent.

 

Cette initiative est personnelle, et effectivement j’ai bien conscience que ça va être difficile... Mais peut-être que petit à petit, en remettant le sujet sur le tapis, peut-être qu’on arrivera à faire avancer les choses. Peut-être qu’il faudrait aussi que les internautes se mobilisent. Si une masse importante de personnes disait « on veut ça », ça pourrait probablement aider à faire bouger les lignes.

 

Merci Michel Zumkeller.

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