Linkeo, société de création et d’hébergement de site, n’a visiblement pas apprécié les critiques un peu trop acidulées. Elle avait posté une annonce d’emploi sur LinuxFr. Annonce à laquelle un contributeur a apporté un commentaire fleuri. Elle réclame la suppression de ces propos ainsi que 1500 euros à LinuxFr, au prétexte que le site serait dénué de mentions légales. Le responsable marketing s’en explique.
Dans son annonce initiale du 20 mars 2013, Linkeo assure qu’elle « invente la communication Internet qui vous ressemble » en proposant des « prestations packagées ». Elle recherche du coup un administrateur système et réseau open source. Annonce classique. Le lendemain, un contributeur de LinuxFr qui s’est visiblement penché sur ce site, apporte une réponse acidulée : « Pourriez-vous nous donner des raisons objectives de nous intéresser à votre entreprise, sachant que pour une agence web, votre site est atroce ? » Il déroule un lot de critiques sur le charset, publie les résultats du validateur W3C, tance le code javascript et HTML, etc.
Le cabinet d’avocat de l'entreprise va laver cet affront avec une mise en demeure adressée à LinuxFr. Ce commentaire « nuit à son image auprès des personnes intéressées par cette offre » affirme-t-il dans un courrier. Le commentaire raillait un site codé par « des stagiaires du coin » avec des failles « XSS », etc ? Des propos qui, en plus « d'utiliser des expressions telles que notamment « votre site est atroce » ou « le charset est mauvais » portent atteinte à l'image de marque de ma cliente, à son sérieux et à son professionnalisme » juge ce cabinet.
À LinuxFr qui vit là une première dans sa longue histoire, la lettre de cabinet insiste, encore et toujours : « les propos diffusés sur le site que vous éditez discréditent la qualité des prestations fournies par ma cliente et constituent de ce fait un acte de dénigrement engageant la responsabilité de leur auteur au sens de l'article 1382 du Code civil ». Fameux article qui dit en substance que le responsable d’un dommage doit l’indemniser. Le conseil de cette société réclame ainsi la suppression du message dans les deux jours. Mais ce n’est pas tout.
1500 euros réclamés pour la prétendue absence des mentions légales de LinuxFr
Cette société considère que Linuxfr.org ne serait « pas conforme aux dispositions de l'article 6.III.1 de la loi pour la confiance en l'économie numérique », qui encadre le droit de l’hébergement. Ce cabinet considère que son client a même « subi un préjudice réel en raison de l'absence de mention légale sur votre site interdisant une identification rapide et certaine de votre association ». Pourtant la page Mentions Légales est bien accessible. Il suffit d’un instant sur Google pour les trouver et selon un commentaire de LinuxFr, elles existent en l’état depuis le 22 février 2011 (archives.org).
Le cabinet d’avocat réclame malgré tout le versement dans les 2 jours de 1500 euros par chèque à l’ordre de Linkeo pour la prétendue absence de ces mentions.
Benoit Sibaud, webmestre de LinuxFr.org, a déjà apporté une première réponse : « cela va sembler évident, mais ira mieux en le disant : nous n'envisageons aucunement de payer la somme exigée ». L’offre d’emploi a depuis été retirée et des parties de la réponse ont été supprimées, mais on les retrouve toujours dans la lettre de notification. Par téléphone, Benoit Sibaud nous confie qu’il envisage maintenant de faire un signalement au barreau de Paris, en ayant en mémoire ce post de Maitre Eolas.
La réponse de Linkeo
Et du côté de Linkeo ? Richard Volodarski, responsable marketing opérationnel, nous répond : « ce n’est pas LinuxFr que nous visons, j’entends par là le travail journalistique [du site, qui n'est pas un journal, NDLR], mais les commentaires postés sur le forum de Linux, ce qui n’a rien à voir ». Après la publication de l’annonce, il assure avoir voulu réagi aux commentaires « négatifs et absolument infondés des internautes (…) en exerçant tout bonnement notre droit de réponse ». De fait, il n’y a eu qu’un commentaire, et pas de droit de réponse, mais mise en demeure.
Richard Volodarski tempère cependant : « Nous n’avons pas attaqué LinuxFr, nous n’avons que fait que remettre en cause certains commentaires en demandant à LinuxFr de les supprimer ce qui est notre droit le plus absolu ». La lettre menace pourtant LinuxFr d'action en justice faute de réponse favorable dans les 48 heures... « Nous ne pouvons laisser n’importe qui dire tout et n’importe quoi sans réagir pour autant ! »
Rétropédalage sur les 1500 euros
Pour la question des 1500 euros, rétropédalage complet : Richard Volodarski « regrette cette partie ». « Les process sont faits par un cabinet externe, nous ne les maîtrisons pas forcément » estime-t-il, avant de suggérer : « je pense que c’est un courrier type » du cabinet. Cabinet dont nous attendons un retour, en vain pour l'instant.
Sur Twitter, on s’en donne en tout cas à cœur joie. On mentionne par exemple cet article signé d'un certain Richard Volodarski, qui répond à la question « faut-il répondre quand on est la cible de critiques des internautes ? ». Pour l’intéressé, c’est vain, voire contreproductif. « Parfois, répondre, et a fortiori surréagir, peut aggraver le problème. En tout état de cause, si l’entreprise décide d’agir, elle doit donner une réponse personnalisée ». M. Volodarski, recommande ainsi aux entreprises de bâtir une communication adaptée pour les blogs ou les forums « dans lesquels la communication est beaucoup plus interactive. »
Communication interactive, ne pas surréagir...
Confronté à ses propres paroles, Richard Volodarski nous répond en substance qu’on n’est plus ici dans le même domaine : « ce n’est pas une critique, il faut séparer ce qui émane de l’avis, et le sarcasme ou la contre-vérité. La liberté d’expression est chose, elle a ses propres limites. On n’est pas dans un droit absolu, sur une autoroute où on peut absolument tout dire. Ce n’est pas parce que vous publiez quelque chose que c’est vrai. Il faut aussi réserver à celui qui répond, la possibilité d’y répondre. Tout est une question de degré. » . Ces commentaires « dépassent le cadre, discréditent l’entreprise et sont absolument faux » insiste-t-il. Exemple de critiques qui seraient jugées acceptables ? « Le fait de dire "je n'irai pas travailler avec Linkéo, je préférerai une autre entreprise". »
Sur Twitter, toujours, plusieurs personnes creusent maintenant ce site pour y dénicher d'éventuelles failles... Réaction de Linkeo ? « Nous sommes une entreprise sérieuse. Je pense que nous avons nos points forts. Il ne faut pas surfaire ce qui vient d’arriver, je ne pense pas que cela mérite cette ampleur-là. »