Exclusif. Apple a finalement perdu une première manche de son bras de fer contre Copie France. Le TGI de Paris vient de considérer que le géant américain devait bien payer la copie privée sur ses iPad. Cependant, le dossier est suspendu aux lèvres du Conseil d’État, qui examine justement la légalité du barème des tablettes dans une autre procédure.
Le dossier jugé par la 3e chambre du TGI de Paris reposait sur l’assujettissement des iPad. Depuis la décision n°13 de la Commission copie privée, les tablettes sont effectivement frappées de rémunération pour copie privée. Mais Apple refusait de reverser le moindre centime. En octobre 2011, Apple France et Apple US assignaient Copie France, l’organisme collecteur des ayants droit, pour faire constater qu’elles ne sont débitrices d’aucun euro au titre de la copie privée.
Apple a développé plusieurs arguments. Curieusement, la firme n'a pas cherché d'armes du côté du droit communautaire, contrairement à Imation Europe dont on attend avec impatience l'arrêt d'appel. La société a préféré faire valoir que seul l’importateur ou le distributeur devaient reverser la copie privée, sous-entendu pas le constructeur. Mais la ligne fragile n’aura pas tenu bien longtemps pour le géant américain qui déverse en France ses produits via son site et ses Store. La marque à la pomme a joué aussi sur un vice potentiel dans le barème des tablettes, un arguement plus solide.
Un grain de sable : le barème Tablette attaqué devant le Conseil d'Etat
Ces barèmes ont été déterminés en effet sans étude d’usage, ces études permettant de calculer les pratiques de copies effectives avant de déterminer le niveau d'indemnisation des ayants droit (beaucoup de copie privée, des taux élevés, peu de copie privée, des taux bas). Or Apple souligne que Copie France a calqué le barème tablette sur celui des téléphones portables (décision 11), lequel a été annulé faute d'exclure les usages professionnels.
Plongeons nous dans les détails de cette affaire. En 2012, la fameuse décision 13 de la Commission copie privée sur les tablettes est attaquée devant le Conseil d’État par l'industrie de l'informatique (syndicat de l'industrie des Technologies de l'Information Acer, Dell, HP, IBM, Intel, Lenovo, Lexmark…).
Pourquoi ? En janvier 2011, la Commission copie privée veut taxer au plus vite les tablettes dont la vague déferlait dans les rayons. Elle vote un barème provisoire d’un an sur les tablettes. Un an plus tard, la loi du 20 décembre 2011 ne fait pas cas de ces supports. Du coup, lors de son entrée en vigueur, voilà les tablettes tactiles distribuées sans redevance à compter du 1er janvier 2012 ! En février 2012, la Commission copie privée colmate vite l'hémoragie : elle vote un barème définitif sur l'iPad & co.
Miracle de l'exception culturelle : les montants sont fixés à l'identique, au centime près à ce qui fut voté l’an passé ! Or, l’exclusion des flux professionnels dans les études d'usage - désormais obligatoire - aurait dû entraîner une variation des niveaux de prélèvements, même infimes. Dans un arrêt du 17 juin 2011, le Conseil d’État a en effet expliqué que la Commission peut fixer ses barèmes avec des « enquêtes et sondages » mais seulement s’ils sont actualisés « régulièrement ». L’égalité entre les barèmes 2011 (avec usages professionnels) et 2012 (sans usages professionnels) témoigne que ces bons conseils sont peut être restés dans un tiroir. Ouf !
Un doute sérieux sur la légalité, mais une provision de 5 millions d'euros
L’arrêt est maintenant attendu, mais il joue un grain de sable devant le TGI de Paris. Celui-ci a considéré du coup que lorsqu’existent « des doutes sérieux sur la validité d’un acte administratif dont dépend la solution du litige devant le juge judiciaire, celui-ci sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction administrative se soit prononcée. » En clair, le TGI dit que par principe Apple doit payer la copie privée sur les iPad, mais comme la légalité du barème tablette a été attaqué devant le Conseil d’État, il ne peut contraindre la firme américaine à payer les 7 millions d’euros réclamés par Copie France. Le TGI met donc sa décision en pause, et en attendant il accorde tout de même une provision de 5 millions d’euros aux ayants droit.
Cette procédure est enchevêtrée dans d'autres procédures devant le TGI de Nanterre. En tout, selon le dernier calcul des ayants droit, Apple devrait 12 millions d'euros à Copie France.