Décret Sunshine entre les labos et les médecins : l’avis de la CNIL

Suite et faim

Le ministère de la Santé n’aura pas attendu la délibération de la CADA réclamée par nos soins. Il a finalement publié l’avis de la CNIL sur le fameux décret Sunshine. On sait désormais pourquoi la CNIL a mis des bâtons dans les roues de ce mouvement favorable à la transparence dans les liens entre labo et médecins.

sunshine
Ce décret dit « Sunshine » est celui censé lever le voile dans les liens entre laboratoires et les médecins, ainsi que toute la profession médicale. Cette publication est cependant contrariée.

 

Selon ce texte fraichement publié, tous les cadeaux des labos devront être déclarés sur un site Internet unique dès lors que leur montant sera supérieur à 10 euros. Même chose pour les contrats liant les uns aux autres. Du moins, le décret oblige-t-il à ne mentionner que l’existence de ces contrats entre deux parties, pas plus. Mieux, lorsqu’un médecin aura lui-même facturé un labo en contrepartie de sa prestation, rien ne transpirera sur le site !


Le décret avait été publié sans l’avis de la CNIL qu’il mentionne sans détail. Nous avions lancé une procédure CADA pour obtenir ce précieux document après un refus de la CNIL de nous le transmettre. Finalement, le ministère de la Santé vient de le publier (l'avis PDF, fichier modifié le 28 mai 2013), ce qui met fin sur-le-champ à notre procédure. La CNIL n’aura donc pas à suivre l’avis CADA. Ouf !


Cet avis est intéressant à plus d’un titre. En substance, la CNIL explique nécessaire « de concilier l’objectif de transparence voulu par le législateur et la protection des données personnelles prévues par la loi du 6 janvier 1978. »
Que retenir ?

Plutôt 10 euros que un euro

La CNIL a milité pour que le seuil de publication des cadeaux soit relevé de 1 à 10 euros. « Il importe en effet que la divulgation de l’ensemble des informations (…) ne porte pas atteinte à la vie privée des personnes concernées ». Avec un seuil réduit à un euro, le projet de texte aurait presque imposé « une obligation générale de déclaration et de publicité de tout avantage consenti par les entreprises intéressées. »

Transparence et vie privée : l'exemple des agriculteurs

La CNIL prend appui sur une jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne du 9 novembre 2010, déjà mentionnée dans nos colonnes. La Cour de Luxembourg a en effet jugé que l’obligation de publication des noms des personnes physiques bénéficiaires d'un fonds agricole ainsi que des montants perçus était une mesure disproportionnée : « la publication sur un site Internet des données nominatives relatives aux bénéficiaires (…) constitue, en raison du fait que ces données deviennent accessibles aux tiers, une atteinte au droit des bénéficiaires concernés au respect de leur vie privée, en général, et à la protection de leurs données à caractère personnel, en particulier. »

 

Du bout des lèvres, le gardien des données personnelles admet qu’ici « cette publication pourrait néanmoins être justifiée au regard de l’objectif de prévention des conflits d’intérêts susceptibles d’intervenir dans le domaine sanitaire ».  Apprécions le conditionnel.

Captcha et Robots.txt pour verrouiller le site Internet public

Au titre de ce fameux équilibre entre vie privée et transparence, la CNIL a bien réclamé le verrouillage du site Internet public listant les cadeaux des labos aux médecins ou l’existence des contrats. Elle a spécialement demandé « que le décret soit modifié afin de préciser que les responsables de traitement qui procèdent à la mise en ligne des données à caractère personnel sont tenus de mettre en place des mesures visant à empêcher les moteurs de recherche externes de procéder à une indexation des données directement identifiantes ». Comment ? Elle propose que ce responsable joue avec le fichier Robots.txt, protocole d’exclusion des moteurs. Elle suggère aussi que l’accès à chaque fiche soit verrouillé par un captcha (voir nos commentaires chez Arrêt sur Images). C'est là qu'elle place le fameux équilibre entre la vie privée et la transparence...


Moralité ? Le patient pourra connaître les petits cadeaux faits par tel labo à son médecin de famille. Il saura s’il existe un contrat entre l’un et l’autre mais jamais son détail. Enfin, il ne pourra connaître ce contrat si son cher médecin a facturé ce labo. Ce captcha rendra surtout impossible le traitement automatisé des dizaines de milliers de fiches à venir pour qui voudrait esquisser l’état des liens de tel labo avec le secteur de la santé.

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