Petit à petit, le principe de la taxe sur les liens fait son chemin. L’idée ? Taxer en France les moteurs et agrégateurs pour financer la Culture. Selon les derniers éléments, toutefois, on s’oriente désormais, non vers un nouveau droit voisin, mais une taxe sur le clic.
Cette transformation se constate dans les derniers propos de la ministre de la Culture. « Les menaces sur la presse écrite pénalisent tout le monde. Il faut y remédier, notamment parce que certains sites, des moteurs de recherches issus d'acteurs économiques qui ne sont pas localisés en France et pas fiscalisés en France utilisent, énormément, de matière première issue de la presse numérique » a expliqué la ministre de la Culture dans une interview Aqui.fr-Rue89.
La locataire de la Rue de Valois ajoute que « les mots clés tapés sur les moteurs de recherche sont les mots clés des grands journaux traditionnels donc je crois qu'on a intérêt, car c'est un pilier de la démocratie, à trouver le moyen de permettre à la presse de faire sa mutation numérique. » Sur Aqui.fr elle juge par ailleurs indispensable « qu'il y ait une forme de rétribution par les sites qui aujourd'hui tirent un profit réel de l'utilisation des contenus riches en information, en savoir-faire, en matière grise. Il faut qu'ils participent au financement de l'information ». En somme, la ministre zigzague entre le principe d'une rémunération (droit voisin) et celui d'une fiscalisation (taxe).
Nouveau droit voisin, nouvelle rémunération
L’idée de faire payer les agrégateurs et les moteurs a été poussée en France par le syndicat de la presse nationale (SPQN). Celui-ci milite principalement pour la création d’un nouveau droit voisin sur l'indexation. Un projet de loi a été sollicité de la Rue de Valois avec un deal bien établi : « d'un côté, prévient Nathalie Collin, directrice du Nouvel Obs. les éditeurs s'engagent à renoncer à leur droit d'interdire l'indexation de leurs contenus par les moteurs de recherche (...) En contrepartie, nous demandons la création d'un droit voisin qui permettrait de faire payer par les moteurs de recherche une juste rémunération, chaque fois qu'un de nos contenus est indexé. »
Hasard du calendrier, ces questionnements tombent alors que le CSPLA planche sur le référencement. Dans une mission confiée par la Rue de Valois, le conseil juridique du ministère se demande si « les opérations de référencement doivent (…) donner lieu à rémunération des ayants droit ? », s’il faut « identifier le manque à gagner des ayants droit et/ou le bénéfice tiré de l’opération par le référenceur » et « comment déterminer le quantum d’une rémunération (par œuvre, par répertoire, par type d’usage réalisé par le moteur, selon la notoriété du contenu par le moteur ou inversement à cette notoriété ? »
Une rémunération selon le nombre de clics...
Cependant, des détails plus intéressants encore ont été fournis dans les colonnes de Libération (Ecrans.fr), lui aussi membre du SPQN. La même Nathalie Collin - ex-coprésidente de Libération, ex-présidente de la major EMI France, revient à la charge : « Ce qu’on demande, c’est une rémunération, pas une taxe ». Les éditeurs sont spécialement en quête d’une « juste rémunération ». Nos confrères précisent alors que « le montant de cette rémunération serait fonction du nombre de clics sur le lien, et toutes les entreprises de presse (journaux, agences, pure players) en bénéficieraient, à condition d’être titulaires d’un numéro de commission paritaire. »
...Qui devient une taxe sur le clic
Peu à peu, les lignes de front se dégagent, avec un combat entre deux écoles : celle de la SPQN qui réclame une rémunération associée à un nouveau droit voisin. Celle du gouvernement qui repose la question de la fiscalisation en France des autres gros acteurs du net comme Google. Selon nos informations, des discussions pour le moins délirantes ont lieu désormais dans les ministères afin de définir et déterminer la valeur d’un clic. De fait, le cap du droit voisin serait abandonné au profit d’une mesure fiscale.
Pourquoi ? Car qui dit droit voisin dit nouvelle gestion collective pour aspirer ces flux et les répartir, frais d’intermédiation déduits. Levés les obstacles - nombreux - de son applicabilité, l’idée de la taxe gérée par Bercy permettrait de faire d’une pierre deux coups : faire payer les gros acteurs du net en France tout en rassurant le SPQN sur cette contribution. Seul hic, le SPQN n’aura pas alors la gestion collective souhaitée. Autre chose, la taxe ne serait pas affectée mais tomberait dans le pot commun du budget de l’Etat.
SEO et taxe
Pour finir, on reprendra les propos dans Libé de Johan Hufnagel (Slate.fr, membre Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne ) « Cette loi, c’est une idée un peu délirante. On en arrive à une aberration totale : les sites dépensent des fortunes pour être mieux référencés que le voisin sur Google, et ils voudraient que Google leur reverse de l’argent ? C’est une rhétorique qui n’a aucun sens. Ou alors, c’est une simple opération de lobbying. »