C’est l’article 17 de la loi LOPPSI 2 du mars 2011 qui l’impose, poing sur la table : sauf exception, « dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot : « vidéosurveillance » est remplacé par le mot : « vidéoprotection » ». L’expression a cependant du mal à entrer dans les mœurs, surtout lorsque ces yeux électroniques sont placés dans des enceintes fermées.
Au journal officiel a ainsi été publié un arrêté du 13 mai 2013 « portant autorisation unique de mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel relatifs à la vidéoprotection au sein des locaux et des établissements de l'administration pénitentiaire ». En clair, il s’agit selon le garde des Sceaux, d'équiper l'ensemble des établissements pénitentiaires de caméra électronique avec traitement informatisé en coulisse.
L’expression de vidéoprotection avait été imposée par le haut avec la loi Loppsi 2, laquelle facilite leur installation à tour de bras. L’expression est astucieuse puisqu’elle donne une coloration protectrice à l’œil électronique purgé de ses parfums bigbrotheriens. Ce glissement avait été pointé par exemple par Le Monde en juin 2010 qui consacrait un sujet sur ces choix sémantiques. Nos confrères comparaient alors deux discours de Nicolas Sarkozy, séparés de quelques semaines :
En mars 2010, le chef de l’État exposait :
« Je regrette les réticences de certains maires à s'engager dans la voie de la vidéosurveillance. La vidéosurveillance ne menace pas les libertés. Elle défend, elle protège la liberté de se déplacer et d'aller et venir dans son quartier en toute sécurité. »
En mai, il plagiait son discours avec toutefois, un changement majeur :
« Je déplore les réticences de certains élus à s'engager dans la voie de la vidéoprotection. La vidéoprotection ne menace pas les libertés, la vidéoprotection protège la liberté de se déplacer et d'aller et venir dans son quartier en toute sécurité. »
Cette Novlangue a cependant du mal à passer, même à la CNIL. Dans son avis sur cet arrêté encadrant l’installation des caméras dans les prisons, elle consacre plusieurs lignes à ce sujet. La Commission explique qu'elle préfère utiliser « le terme de « vidéoprotection » pour désigner les systèmes filmant la voie publique ou des lieux ouverts au public mis en œuvre conformément aux dispositions des articles 10 et suivants de la loi du 21 janvier 1995 modifiée ». Pour les systèmes installés à l'intérieur des locaux abritant des personnes incarcérées, elle retient au contraire le terme de « vidéosurveillance ». Pour la commission « vidéosurveillance » doit être en effet préféré à vidéoprotection « s'agissant des systèmes installés dans les établissements pénitentiaires ».
Sur son site, elle reprend cette différence : quand la caméra est installée dans des lieux non ouverts au public (bureaux d'une entreprise, immeubles d'habitation), elle utilise le mot vidéoprotection. Malgré les conseils de la rue Vivienne, son avis n’a cependant pas été entendu par le ministère de la Justice qui n’utilise pas une seule fois « vidéosurveillance » dans son arrêté.