Optimisation fiscale : le Sénat américain dubitatif sur les explications d'Apple

Une boîte aux lettres de 30 milliards de dollars
Economie 5 min
Optimisation fiscale : le Sénat américain dubitatif sur les explications d'Apple
Crédits : mjbs/iStock

Apple est dans le collimateur du Sénat américain pour ses pratiques douteuses en termes d’optimisation fiscale. Tim Cook, PDG de la firme de Cupertino, sera entendu aujourd’hui par les parlementaires membres de la commission d’enquête. Le discours a été publié hier par Apple, mais la chambre haute du Congrès gronde déjà sur les explications données.

Le Sénat américain possède une cellule spécifique dédiée aux grandes enquêtes. Le Permanent Subcommittee on Investigations, ou PSI, se penche sur le cas d’Apple depuis un certain temps déjà. En ligne de mire, l’optimisation fiscale opérée par la firme à l’étranger. Une enquête avait donc été diligentée, et Tim Cook invité à se présenter devant les quatorze membres du comité aujourd’hui-même. Toutefois, le contenu de son discours est déjà connu puisqu’il a été mis en ligne hier sur le site officiel d’Apple.

Les vertus d'Apple 

L’objectif du texte est d’abord de rappeler les « forces » d’Apple. La firme aurait ainsi participé à la création de 600 000 emplois aux États-Unis, dont 55 000 pour sa seule structure, et le reste pour des entreprises connectées. Mais ce reste inclut 290 000 personnes qui vivraient directement de ce que la firme nomme « l’App Economy ». Autrement dit, les gains générés par la vente d’applications sur l’App Store.

Apple rappelle également qu’elle paye un « montant extraordinaire de taxes » aux États-Unis. Et d’insister en indiquant qu’elle « est sans doute le plus gros payeur professionnel d’impôt sur le revenu […], ayant pratiquement versé 6 milliards de dollars en taxes au Trésor américain durant l’année fiscale 2012 ». La firme prévoit même de franchir la barre des 7 milliards de dollars pour l’année en cours.

Mais le plus intéressant vient ensuite, quand la firme aborde certaines questions ayant trait à sa fiscalité. Apple indique n’utiliser aucun « stratagème » : elle ne déplace pas sa propriété intellectuelle hors des États-Unis, elle n’utilise de crédits renouvelables pour ses succursales, elle ne détient pas d’argent dans une île des Caraïbes et elle ne possède aucun compte en banque dans les îles Caïman. Si Apple possède un « cash substantiel à l’étranger », c’est pour une raison très simple : 61 % du chiffre d’affaires de la firme est généré hors des États-Unis, ces ressources étant taxées en fonction des juridictions de chaque pays concerné.

L’utilisation de cet argent à l’étranger fait également l’objet de quelques explications. Il participe ainsi au fonctionnement général des succursales, à l’extension géographique, aux acquisitions, au renforcement du capital ou encore à la construction des multiples boutiques physiques en Europe et en Asie. Et la firme n’y va pas par quatre chemins : si ces capitaux devaient être rapatriés vers le sol américain, ils seraient taxés à hauteur de 35 %. De fait, cet argent est plus utile hors des États-Unis. Elle précise également que les dividendes versés entre les succursales ne sont pas imposables par le Trésor américain.

Expliquer les opérations en Irlande 

Apple tente surtout une opération délicate : expliquer ce qu’elle fait en Irlande, notamment avec la fameuse structure Apple Operations International, que le Sénat décrit comme une structure ayant accumulé 30 milliards de dollars entre 2009 et 2012, mais n’ayant payé aucun impôt que ce soit, à aucun pays. Apple précise toutefois que la structure est vieille puisqu’elle a été fondée en 1980 et que 4 000 personnes y travaillent désormais. AOI a participé directement au bien être de la firme, notamment dans les années 90, quand la situation d’Apple était au plus bas, et que les fonds ont été envoyés nourrir le département R&D, au risque de provoquer la banqueroute. Enfin, Apple insiste : tout va bien, et tout est légal.

La firme de Cupertino critique ensuite le système fiscal américain qu’elle juge d’un autre temps. Dans le cas présent, Apple estime que cela revient à « appliquer des concepts de l’ère industrielle à l’économie numérique », ce qui « sape la compétitivité américaine ». Et puisque l’entreprise a « toujours aimé les choses simples », elle n’est pas venue sans ses recommandations à l’administration Obama. Une réforme qui pourrait entre autres éliminer l’ensemble des failles dans le système des taxes, laisser respirer les entreprises en baissant l’impôt sur les bénéfices, ou encore revoir à la baisse la taxe sur le chiffre d’affaires réalisé à l’étranger. Avec de telles conditions, Apple laisse planer sa carotte : ramener sur le sol natal une partie des 102 milliards de dollars qui circulent hors des États-Unis

Des propositions qui font étrangement écho au plaidoyer de Google pour un aménagement à l’échelle mondiale des règles fiscales. Une entreprise qui, elle aussi, est accusée d’optimisation fiscale dans de nombreux pays.

Le scepticisme des sénateurs

Évidemment, du côté Sénat, on ne montre pas un enthousiasme débordant quant aux explications données par Apple. Deux sénateurs en particulier ont réagi en affichant très clairement leur scepticisme. C’est le cas notamment de Carl Levin, sénateur démocrate du Michigan : « Apple n’était pas satisfaite du déplacement de ses profits vers un paradis fiscal hors des frontières. Apple a cherché le Saint Graal de l’évasion : elle a créé des entités à l’étranger pour y garder des dizaines de milliards de dollars tout en ne déclarant aucune résidence fiscale ».

Son de cloche équivalent chez John McCain, sénateur républicain de l’Arizona, et ancien candidat à l’élection présidentielle de 2008 : « Apple prétend être le plus gros payeur professionnel de taxes aux États-Unis, mais par l’ampleur et la portée, il est aussi l’un de ceux qui évitent le plus d’en payer. Je milite depuis longtemps pour une modernisation de notre système brisé et non-compétitif, mais cela ne peut pas et ne doit pas être une excuse pour détourner les yeux des stratégies douteuses que des entreprises telles qu’Apple utilisent pour éviter de payer des impôts en Amérique ».

Tim Cook, accompagné de son directeur financier Peter Oppenheimer, aura donc fort à faire pour convaincre le Permanent Subcommittee on Investigations que tout est en règle. Il est difficile pour le moment d’évaluer quelles sanctions la firme pourrait subir, ni même combien de temps la procédure prendra.

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