Après avoir longuement milité pour l'abrogation des lois Hadopi, la ministre de la Culture a défendu aujourd'hui les propositions de Pierre Lescure sur la riposte graduée, à savoir le maintien du mécanisme répressif et la suppression de la Haute autorité. « C’est un changement radical de philosophie » a néanmoins tenté de convaincre Aurélie Filippetti.
Invitée ce matin sur France Inter, Aurélie Filippetti s’est exprimée sur les propositions formulées par la mission Acte 2, et plus particulièrement sur celles concernant Hadopi. Pour rappel, Pierre Lescure prône une suppression de l’institution, tandis que le mécanisme de riposte graduée serait quant à lui maintenu. Autre changement : la peine de suspension de l’accès à Internet sauterait, et l’amende encourue ne serait plus de 1 500 euros mais de 60 euros.
Si certains, à l’image de La Quadrature du Net, considèrent que les propositions de Pierre Lescure s'inscrivent ainsi « dans la même philosophie répressive que la loi Hadopi », la ministre de la Culture s’est quant à elle efforcée de défendre l’inverse. « C’est un changement radical de philosophie » a notamment tambouriné à deux reprises la locataire de la Rue de Valois. Selon elle, « Hadopi luttait, stigmatisait les internautes, donc en fait les publics », tandis que le rapport Lescure propose « de s’attaquer en priorité aux sites qui font de la contrefaçon commerciale, qui tirent de l’argent du piratage ».
Pour faire un peu mieux passer la pilule, Aurélie Filippetti a poursuivi en expliquant que « la riposte graduée demeure dans sa partie très allégée, c’est-à-dire par l’envoi de messages d’avertissement ». En réalité, le poids des sanctions encourues serait effectivement allégé, mais la transformation de l'amende pénale en amende administrative semble surtout à même de démultiplier les condamnations. Pourquoi ? Parce que cela permettrait d’éviter la case du juge, tout en étant beaucoup moins coûteux et nettement plus fluide. Il n’empêche, d’après la locataire de la Rue de Valois, les propositions de Pierre Lescure permettent de sortir « de cette logique défensive, de cette mentalité d’assiégés qu’on avait jusqu’à présent vis-à-vis du numérique pour une approche très positive ».
« Le rapport Lescure a examiné en toute objectivité l’activité qui avait été celle de la commission de protection des droits, une partie de l’ancienne Hadopi, et ils ont estimé qu’il fallait conserver cette dimension au moins pour quelque temps : deux, trois, quatre ans... On verra ! » a ajouté la ministre de la Culture.
« Toutes les propositions vont être expertisées »
Aurélie Filippetti a également assuré le service après-vente de la nouvelle taxe que souhaite imposer Pierre Lescure sur l’ensemble des terminaux connectés (voir notre article). Même si le rapport de la mission Acte 2 indique noir sur blanc qu’il conviendrait d’ « Instaurer une taxe sur les appareils connectés permettant de stocker ou de lire des contenus culturels » (proposition 48), dont le taux pourrait être dans un premier temps de 1 %, la ministre de la Culture a voulu jouer sur les mots. « Il n’y a pas de nouvelle taxe, on est à fiscalité constante » a-t-elle martelé. « Ce qui est essentiel, c’est de dire que cette contribution ne viendra pas en superposition d’autres contributions qui peuvent exister, qu’elle serait avec une assiette très large et donc un taux très faible ! », a-t-elle défendu.
Il n’en demeure pas moins que ce nouveau prélèvement s’ajouterait bel et bien à d’autres taxes existantes, dont la TVA, l’éco-participation, mais également (pour certains équipements) la redevance pour copie privée, qui n’est certes pas une taxe, mais peut être qualifiée de contribution. Rappelons au passage que l’idée de cette nouvelle taxe est de partir d’un taux très bas, en vue de fusionner à terme ce prélèvement avec la rémunération pour copie privée. « À moyen terme, si l’adossement de la rémunération pour copie privée à la taxe était décidé, le taux pourrait être porté à un niveau plus élevé (par exemple 3 ou 4 %) ; assurant un rendement qui permettrait de couvrir l’indemnisation du préjudice lié à la copie privée (pour mémoire : environ 180 M€ en 2012) », peut-on ainsi lire dans le rapport de la mission Acte 2.
Quoi qu’il en soit, le calendrier législatif concernant d’éventuelles transpositions législatives des propositions de la mission Lescure semble encore bien éloigné. « Toutes les propositions vont être expertisées. Il y en a un certain nombre qui relèvent de la loi et qui seront donc discutées au Parlement », a ainsi expliqué Aurélie Filippetti.