Hébergeur condamné, Dailymotion ne doit plus suggérer "TF1" ou "LCI"

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Épilogue de cinq ans de procès. Le TGI de Paris a rendu sa décision dans l’affaire qui opposait TF1 et LCI à Dailymotion. En juin et juillet 2007, le groupe faisait constater la présence de plusieurs vidéos de son catalogue. En cause, des épisodes de Heroes, Les Infiltrés de Martin Scoreses, le spectacle « L’autre, c’est moi », de Gad Elmaleh, des journaux de TF1 et des émissions « le commentaire politique de Christian Barbier » de LCI, etc.

 

La décision du 13 septembre 2012 (PDF)

    dailymotion TF1 LCI

 

 

Dailymotion était assigné en décembre de cette année devant le tribunal de commerce de Paris pour contrefaçon, parasitisme, concurrence déloyale. Cependant (comme dans l’affaire YouTube) celui-ci s’est déclaré incompétent, renvoyant la balle devant le TGI de Paris.

Pour TF1, Dailymotion est un éditeur

Devant ce tribunal, les chaînes considèrent que Dailymotion n’est pas hébergeur. Pourquoi ? Car la plateforme « joue un rôle actif » sur les contenus et a donc « une connaissance ou un contrôle des données ». S'il a un rôle actif, c'est qu'elle peut contrôler, or, elle ne l'a pas fait. En guise de démonstration, les ayants droit exposent que DM censure déjà les vidéos jugées « contraires à sa ligne éditoriale ». De même, la plateforme « promeut des contenus qu’elle juge les plus attractifs ». Des appréciations qui sont celles d'un éditeur, plus d'un hébergeur ! TF1 et LCI ajoutent d’ailleurs que DM a « mis en place un système de recherche qui oriente facilement les internautes vers des contenus manifestement illicites ». Reconnu éditeur, Dailymotion serait donc responsable dès le premier octet uploadé par l’internaute, qu’il soit Kim Dot Com ou Mme Michu.

... Ou alors doit empêcher la réapparition des contenus

Et le groupe considère que si, par extraordinaire, le statut d’hébergeur était reconnu à Dailymotion, celui-ci doit empêcher la réapparition des contenus notifiés. En clair ? Quand TF1 notifie une URL pour l’odieux piratage d’une séquence Météo de JT de Pernaut, Dailymotion doit non seulement supprimer ce contenu, mais empêcher les remises en ligne. Autant dire un filtrage proactif, ad vitam aeternam.

 

On apprend dans le jugement que Dailymotion avait vainement proposé aux deux chaines sa solution de fingerprinting fournies par l’INA ou Audible Magic. Cependant, le deal exige la collaboration des ayants droit pour la génération des empreintes, ce que TF1 et LCI ont refusée. Ils ne veulent pas « confier l’empreinte de leurs œuvres », cela leur serait d’ailleurs « matériellement impossible (…) compte tenu de leur nombre ». A Dailymotion donc de se débrouiller, à ses frais, avec les millions de vidéos hébergées.

TF1 réclame 80 millions d'euros

D’autres griefs s’ajoutent, notamment une certaine lenteur dans la suppression des comptes voire l’absence de réaction après la notification de contenus. TF1 réclame ainsi la bagatelle de 80 millions d’euros de dommages et intérêts pour tout le préjudice subi depuis la création du site en 2005.

 

De son côté, Gad Elmaleh et sa société de production sont intervenus volontairement dans ce procès. Ils reprochent la présence d’une vingtaine de sketches partagés par les fans. Des vidéos qui seraient en ligne des années malgré des mises en demeure. L’humoriste se plaint également d’une atteinte au respect de ses œuvres, comme « une mauvaise qualité d’image », des « découpages arbitraires » etc. Contrairement aux deux chaînes, il ne remet pas en cause le statut d’hébergeur. Il condamne simplement le fait que la plateforme a tardé pour supprimer un contenu et surtout n’a pas empêché les remises en ligne. Avec la société KS2 Productions, l’humoriste réclame 1 million d’euros, dont 400 000 euros pour le préjudice moral.

Dailymotion défend son statut d'hébergeur

En face, Dailymotion rétorquera que la plateforme ne joue « qu’un rôle technique, automatique et passif, n’impliquant aucune connaissance ou contrôle des données ». Bref qu’elle n’est qu’un outil au service de l’internaute qui met en ligne, individualise par des mots clefs et retire les vidéos de son choix. Impossible en conséquence de modérer a priori ces données sans filtrage, ce qu'interdisent les textes.

Un hébergeur, non un éditeur

Le juge Hervé, au sein de la 3e chambre du Tribunal de Grande Instance, tranchera rapidement cette question : la plateforme a le statut d’hébergeur. Certes, DM modère des contenus, mais seulement lorsque ceux-ci sont illicites, de manière ponctuelle. Il est donc clair que « DM est dans l’incapacité d’exercer un contrôle généralisé et a priori des contenus ». Certes, des vidéos sont mises en avant sur la page d'accueil mais cela ne concerne que des contenus sous un partenariat spécifique. « Dailymotion peut légitimement revendiquer deux statuts distincts d’hébergeur et d’éditeur dès lors que les prestations qu’elle fournit sont différentes ». Enfin, la présence d’un moteur et d’un système de mots-clefs suggérés ne permettent pas non plus de modifier l’état de fait : Dailymotion est hébergeur.

Mais des retards dans la suppression de contenus notifiés

Sur le terrain de l’hébergement, le même juge va considérer qu’une notification par contenu est bel et bien inévitable. Ne pas aviser à chaque fois la plateforme, « aboutit à la soumettre à une obligation générale de surveillance des contenus (…) contraire à la loi, et lui prescrire de mettre en place un système de filtrage sans limitation dans le temps ». Cependant le juge va reprocher à Dailymotion de n’avoir pas agi à l’encontre des utilisateurs plusieurs fois dénoncés par TF1 et LCI. De même, plus de 500 fichiers - sur des milliers notifiés au total - sont restés en ligne de 5 à 82 jours. Dans tous les cas, la plateforme n’a pas respecté son obligation de prompt retrait.

 

Au final, outre les frais de justice, Dailymotion a été condamné à verser

  • 200 000 euros à TF1
  • 20 000 euros à LCI
  • 30 000 euros à la société KS2 Productions (Gad Elmaleh)
  • 8 000 euros à Gad Elmaleh

Purge des mots clefs

Ajoutons que les qualités à agir de TF1 Vidéo, TF1 et TF1 Droits audiovisuels ont été rejetées, tout comme la demande de publication de la décision et la demande d'expertise. Plus important, « Dailymotion a été condamnée à retirer des suggestions de mots clefs de son moteur de recherche les désignations « TF1 » et « LCI » sous astreinte de la somme de 5 000 euros par jour passé le délai de 2 mois suivant la signification du jugement » nous précise la société. Cette mesure fait l’objet d’une exécution provisoire. Elle se rapproche de celle qui a frappé justement Google, obligé de purger son moteur avec un des articles de la loi Hadopi.

 

« Ayant été définitivement confortés dans notre activité d'hébergeur par la Cour de cassation en 2011, l'acharnement de TF1 à poursuivre une action intentée en 2007 nous paraissait incompréhensible. Les magistrats manifestement sont du même avis et l'ont montré en confirmant notre statut » relate Giuseppe de Martino, Secrétaire Général de Dailymotion. « La sanction du retard dans les retraits de contenus est pour nous un épiphénomène et est à mettre en perspective par rapport aux 80 millions réclamés par TF1. Nous nous réservons toutefois la possibilité de faire appel. Nous continuerons en toute hypothèse à nous concentrer sur notre travail quotidien : faire d'Internet un relais de croissance efficace pour les industries culturelles. Nous entendons notamment continuer à tendre la main à TF1 pour d'éventuels partenariats. » Une main tendue pour l'heure dans le vide. Un responsable juridique laisse entendre sur Twitter que la chaîne allait faire appel afin que le statut d'éditeur soit bien reconnu.

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