Le projet de loi sur la consommation présenté par Benoit Hamon vient transposer la directive sur les droits des consommateurs du 25 octobre 2011. Une directive qui veut notamment renforcer l’information du consommateur en augmentant le nombre des mentions obligatoires préalables à la conclusion d’un contrat de vente. Mais si dans la directive, les verrous numériques font partie du lot, le projet français oublie curieusement leur sort.
Parmi ces mentions, la directive nourricière impose spécialement que le consommateur soit informé avant l’achat des « fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection technique applicables, s'il y a lieu ». En somme, de l’existence des DRM. La norme y ajoute « toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance. » (article 5, 1, g)
Entre Bruxelles et Paris, la précision des DRM a sauté
Problème : Entre Bruxelles et Paris, la précision sur les DRM a été égarée en cours de route. Le projet de loi Hamon transposant cette directive d’harmonisation maximale prévoit en effet que le vendeur fournisse les informations relatives « aux fonctionnalités du contenu numérique et le cas échéant à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État. » (article 4 du projet de loi)
La mention « y compris les mesures de protection technique applicables » a donc sauté. L’April, association défendant les intérêts du Libre, regrette ce choix : « le texte entretient le flou sur les informations transmises aux consommateurs. Pourtant, ceux-ci ont souvent besoin d'avoir des informations précises sur d'éventuels DRM, car de tels verrous empêchent bien souvent l'usage complet des produits. » Pour Frédéric Couchet, délégué général de l’April, en effet, « s'assurer que la présence de DRM soit explicitement mentionnée ainsi que les restrictions qu'elles entrainent est une base minimale pour l'information des consommateurs. La protection réelle des droits des consommateurs passe par l'interdiction pure et simple de la pratique détestable de ces menottes numériques »
Un avant-projet en 2013, un amendement PS en 2011
Nous attendons un retour du ministère, mais le PS ne peut feindre la surprise ou l’étonnement. Fait notable, une préversion de ce texte en notre possession n’avait pas jugé surabondante la précision. Elle mentionnait explicitement les DRM parmi les mentions devant être portées à la connaissance du consommateur.
Capture extraite de l'avant projet de loi Hamon
Mieux encore. Replongeons-nous en décembre 2011, lors des débats autour du projet Lefebvre sur la consommation, tentative avortée de l’UMP. Un amendement du rapporteur Alain Fauconnier en commission de l’économie du Sénat s’était déjà occupé des DRM. Le sénateur socialiste voulait introduire dans notre droit une obligation d’information sur « les mesures de protection technique applicables ainsi que toute opérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance. » Et ce, « afin d’être en conformité avec le droit communautaire. »
Les fonctionnalités définies par décret en Conseil d'Etat
La patate chaude est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat à qui revient la mission de définir la liste des « fonctionnalités du contenu numérique ». En cas de nouvel oubli, la parole reviendrait une fois de plus à la jurisprudence. Pour éviter ce risque, le gouvernement pourra toujours relire l’introduction de la directive qui recommande d’entendre « par fonctionnalités, (…) les différentes façons d’utiliser le contenu numérique, par exemple l’observation du comportement des consommateurs [et] également l’absence ou la présence de restrictions techniques, telles que la protection au moyen de la gestion des droits numériques ou l’encodage régional. »