Ce matin PC INpact a révélé qu’un abonné, artisan d’une quarantaine d’années, avait été reconnu coupable de contravention pour négligence caractérisée. Retour sur cette première affaire dans l'histoire de la Hadopi.
L’abonné mis en cause par de multiples avertissements a donc tenté de se sortir de l’étau de la loi en prétextant que le téléchargement venait de son épouse. En réalité, il avouait son défaut de sécurisation tout en reconnaissant l’identité du contrefacteur présumé : une très proche auprès de laquelle il n’a pas diligenté les mesures nécessaires pour faire cesser ces mises à dispositions malgré les avertissements.
Durant la préparation d’Hadopi 2, il était déjà connu que l’abonné serait incité à avouer et, idéalement, transiger. Cette justice de l’aveu évite en effet les procédures longues et coûteuses et mâche le travail de la Hadopi puis de la justice. Et ce fut le cas ici : « Au cours de l'audience, l'intéressé a reconnu les faits de non-respect de son obligation de sécurisation, en précisant que c'était sa femme qui téléchargeait » a bombé le torse, la Hadopi, dans une dépêche AFP.
Sans avocat face à un texte d'une étonnante subtilité
Nous avons pu interviewer en exclusivité cet abonné, Alain P., qui s’est défendu devant le juge, seul, sans l’assistance d’un avocat. Face à une loi d’une « étonnante subtilité » - dixit Mireille Imbert Quaretta - autant dire que la mission était délicate, pour ne pas dire perdue d’avance. La seule façon de démonter le dossier Hadopi est de prouver l’absence de négligence caractérisée, ou alors d’exposer des motifs légitimes qui peuvent excuser cette négligence. Selon les textes, « constitue une négligence caractérisée, punie de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, le fait, sans motif légitime, pour la personne titulaire d'un accès à des services de communication au public en ligne (…) : « 1° Soit de ne pas avoir mis en place un moyen de sécurisation de cet accès ; « 2° Soit d'avoir manqué de diligence dans la mise en œuvre de ce moyen. »
Traitement à multiples vitesses
La peur de la Hadopi l'a contraint à dénoncer sa compagne. Et affirmer que les téléchargements étaient le fait de celle-ci ne pouvait que le conduire droit dans le mur. Ou presque. Rappelons que la présidente de la Commission de protection des droits nous avouait faire preuve d’une certaine « souplesse » dans la gestion des dossiers. La CPD a dans le passé considéré comme « légitime » au sens du décret, le fait pour un parent d’avouer que le téléchargement vient de son enfant. « Nous avons eu d’ailleurs des lettres d’excuse écrites à la main par des enfants, à la demande de leurs parents. Comme ce gamin de 13 ans qui s’est excusé dans un courrier bourré de fautes en nous disant 'je ne savais pas, je ne referai plus" » (voir également cette actualité). Là, notre abonné a toujours nié avoir téléchargé ces fichiers. Autre chose, il a bien désigné l’auteur (sa femme, en plein divorce). Il a chargé l'avocate de son épouse de répondre à la Hadopi. Mais rien de plus. Selon ses affirmations, il ne pouvait répondre davantage aux emails de la Hadopi puisqu’il avait décidé de ne plus avoir le net.
En dernière ligne droite, convoqué par la gendarmerie, notre premier abonné a dépensé une cinquantaine d’euros pour faire nettoyer son PC (désinstallation du client torrent et effacement des deux fichiers MP3). En vain. « Moi je pensais être tranquille. Je me suis retrouvé au tribunal » nous a confié cet abonné dans l’interview. Il a été ensuite condamné à 150 euros d’amende du fait, visiblement, d’une sécurisation trop tardive. Et le tout pour deux titres de la chanteuse Rihanna (Universal Music) qu'il ne connaît pas.
Un Kim Dot Com de l'Est de la France
On remarquera qu’il n’y avait que deux titres, mais trois avertissements ce qui laisse entendre qu'un logiciel de mise à disposition a été lancé à un moment, à chaque démarrage de son PC. Au fil de leur procédure automatisée, TMG puis la Hadopi ont sans doute cru avoir à faire à un dur à cuire. Un gros bonnet. Un Kim Dot Com de l’est de la France. Voire, pire, un jeune qui fait de la résistance à cette bonne pédagogie de masse !
En réalité, la Hadopi et le tribunal de Belfort sont tombés sur un M. Michu qui a tenté de se défendre seul face à une procédure complexe. Un M. Michu qui ne comprend rien à l'informatique. Il est incapable de supprimer du démarrage de son Windows, un logiciel P2P et d’effacer deux pauvres MP3 sans faire venir une entreprise informatique.
Depuis les premières réactions s'enchaînent. Franck Riester, rapporteur UMP de la loi Création et Internet, explique à Ecrans.fr voir cette condamnation comme « un aboutissement ». « 150 €, c’est 2 ans et demi d’abonnement à Deezer ou Spotify » rebondit le président d'Universal Music, Pascal Nègre. Le 5 septembre dernier, la présidente de la Commission de protection des droits l’assurait dur comme fer, « il me semble qu’on a rempli la mission fixée par le législateur. »