La SABAM, l'équivalent belge de la SACEM, a trouvé un nouveau moyen pour alimenter les ayants droit : taxer les FAI. Ces derniers, estime la SABAM, basent leur affaire sur le téléchargement illégal. Il est donc logique, pense la société belge des auteurs, que les opérateurs reversent une partie de leurs chiffres d'affaires aux artistes. Les principaux FAI belges ont ainsi été assignés devant le tribunal de première Instance de Bruxelles le 12 avril dernier.
Les FAI ont profité du système
La SACEM en rêve depuis longtemps, la SABAM l'a fait. Taxer les revenus des FAI, sous couvert de l'exploitation du réseau par leurs abonnés aux fins de télécharger illégalement, pourrait devenir une réalité. Tout du moins si la justice belge donne raison à la société des auteurs, ce qui est encore loin d'être fait.
Dans un communiqué, la SABAM explique que depuis treize ans, les droits d’auteurs liés aux ventes de CD ont été divisés par deux (-54 %). De l'autre côté, les droits d'auteurs tirés du Web, que ce soit le téléchargement ou le streaming (payant ou gratuit) n'ont pas du tout compensé la régression des ventes de disques affirme la SABAM. Mais comment expliquer cette situation dramatique ? Pour la société d'auteurs, l'explication est enfantine : « durant toutes ces années, il y a eu un transfert de valeur du marché des supports physiques vers le marché des fournisseurs d’accès. Ceux-ci ont en effet commercialisé des abonnements à internet, à grand renfort de publicités vantant les
possibilités de télécharger des films et de la musique de façon illimitée et à très haut débit. »
La SABAM, qui semble oublier que de nombreux abonnés belges n'ont pas de forfait internet illimité, réclame donc à Belgacom, Telenet et Voo, les principaux FAI du pays, une redevance basée sur 3,4 % de leurs chiffres d'affaires. Selon le journal belge L'Avenir, cela représente environ 25 millions d'euros par an. En France, en gardant les mêmes proportions, plusieurs centaines de millions d'euros seraient en jeu.
Une action basée sur des analyses juridiques approfondies
Selon la société d'auteurs de Bruxelles, des négociations auraient eu lieu avec les FAI belges avant de passer par la case justice. Ces négociations « se sont malheureusement révélées infructueuses à ce jour » regrette la SABAM. Point intéressant, la société qui représente les ayants droit belges précise dans son communiqué que « l’évolution de la jurisprudence communautaire va dans le sens d’un élargissement des acteurs impliqués dans une communication au public. En ce sens, le fournisseur d’accès doit être considéré, selon la SABAM, comme un intervenant dans cette communication et donc, payer des droits d’auteur. »
La SABAM semble donc confiante quant à son action en justice. Christophe Depreter, le directeur général, précise d'ailleurs qu' « avant de lancer cette action, nous avons sollicité des analyses juridiques approfondies de spécialistes belges et étrangers. Ces analyses nous ont renforcés dans notre conviction d’entreprendre une action à l’égard des fournisseurs d’accès à internet et au bénéfice de tous les ayants droit que la SABAM représente. »
Un vieux rêve français
Rappelons que depuis de très nombreuses années, la SACEM, qui gère les droits d'auteur des artistes français, espère aussi taxer les FAI, ceci pour des raisons assez similaires à ceux de la SABAM. En juin 2008, Bernard Miyet, le président du directoire de la SACEM, nous expliquait lors d'une entrevue qu'il était pour une forme de redevance sur les opérateurs français.
« C’est vrai que, depuis longtemps, nous estimons qu’une contribution des FAI serait légitime. Il ne s'agit pas de la licence globale, mais on le dit depuis toujours : quand vous êtes câblodistributeur comme Numericable et que vous transportez des programmes, vous payez une redevance pour les droits d'auteurs. Quand vous êtes plateforme satellitaire, c’est la même chose. Sur la partie Internet, les FAI sont arrivés à échapper à toute responsabilité juridique et financière alors qu’on sait bien que c’est sur la musique qu’ils ont fait tout leur développement. »
Ces propos, qui rejoignent totalement l'argumentation de la SABAM, ont été confirmés quelques mois plus tard lors du MIDEM de Cannes, en janvier 2009, par Laurent Petitgirard, le président du conseil d'administration de la SACEM. Ce dernier expliquait ainsi que « dans la réforme de l'audiovisuel public, on justifie la taxation des FAI par le fait que la télévision leur sert de produit d'appel, mais la musique leur sert de produit d'appel depuis bien plus longtemps ». Une façon peu subtile d'annoncer aux FAI que le secteur de la musique comptait bien avoir sa part.
L'année suivante, en juin 2010, dans sa réponse à la consultation du gouvernement de l'époque sur la neutralité, la SACEM rappelait son souhait de voir les FAI français de payer du fait des nombreux contenus illicites qui transitaient via leurs tuyaux. « Les FAI et opérateurs techniques échappent actuellement à toute responsabilité juridique et financière du fait des échanges illicites, et dès lors à toute obligation de soutien aux rémunérations des créateurs. Cependant, ils doivent l'essentiel (sinon l'intégralité) de leur croissance à la diffusion et au téléchargement de ces contenus, notamment avec la généralisation de la tarification forfaitaire (type 29,90 € / mois tout compris) qui constitue un véritable écosystème pour l'échange illicite d'oeuvres protégées. »
Les arguments tout comme les solutions n'ont donc guère changé ces dernières années. Mais à ce jour, la SACEM n'est pas allée aussi loin que la SABAM. Une simple question de temps ?