Afin de réduire le taux de testostérone du secteur high-tech, les FemmesDuNumerique.com, branche du Syntec Numérique, viennent de publier un guide visant exclusivement les jeunes filles. Le but, fort louable, est de pousser les jeunes femmes en devenir à s'orienter vers les filières liées à l'informatique et et au numérique. Deux passages de ce guide ont toutefois attiré notre attention.
Féminiser le secteur
Intitulé « Les filles une opportunité pour le numérique / le numérique une opportunité pour les filles », le guide des Femmes du Numérique explique donc que le secteur a tout à gagner de sa féminisation, notamment afin de trouver une main d'œuvre nouvelle et une plus grande diversité. De l'autre côté, le secteur peut permettre d'atteindre de hauts salaires et de s'épanouir bien plus que certains ne le croient.
Le guide s'attèle donc à expliquer, notamment via un texte illustré, comment derrière chaque application mobile, chaque service sur internet et bien sûr chaque matériel, il y a en fait de très nombreux métiers qui s'y cachent : des ingénieurs aux administrateurs, en passant par les développeurs. Cette histoire, en adaptant le texte et les dessins, pourrait d'ailleurs parfaitement fonctionner pour les jeunes garçons.
Le geek, cet être asocial
La suite du guide est par contre plus étonnante. Dans un volet nommé « La Vérité sur le numérique ! », qui aborde plusieurs thématiques (métiers, capacités, orientations, etc.), nous apprenons deux choses extraordinaires. Tout d'abord, non, dans le numérique, il n'y a pas que des geeks. Et ensuite, toujours dans le numérique, on ne passe pas sa vie devant un ordinateur. Ouf, nous sommes sauvés...
Le Syntec s'attache donc ici à expliquer aux jeunes filles de France que les geeks ne pullulent pas dans le numérique et qu'il s'agit d'une idée dépassée. Au contraire, « le numérique est un secteur attractif où de nombreuses compétences sont attendues et qui nécessite le plus souvent ouverture d'esprit, créativité, innovation, proactivité, écoute du client et du marché. (...) Un ingénieur ou un technicien (...) doit également être capable de communiquer, de diriger ou de s'intégrer à une équipe, et de s'intéresser à son environnement pour contribuer à l'évolution du monde. »
Si le texte ci-dessus est globalement vrai, nous pouvons néanmoins nous demander pourquoi le Syntec oppose cette vision aux geeks. De là à comprendre qu'un geek, à ses yeux, est un être totalement asocial, incapable de communiquer, de diriger ou de s'intégrer à une équipe, ou mieux encore, de contribuer à l'évolution du monde, il y a un pas que l'on peut aisément franchir.
Quoi, les lunettes ne sont pas obligatoires ?
Mais ce n'est pas tout. Lors du paragraphe suivant, le guide nous explique que le numérique, ce n'est pas passer tout son temps devant un ordinateur. Si bien sûr, cela doit forcément arriver pour un programmeur ou un administrateur consentent les auteurs du texte, de nombreux autres métiers impliquent au contraire de lâcher son PC avance-t-on comme s'il s'agissait de quitter l'enfer pour le paradis. Et d'expliquer aux jeunes filles que oui, elles peuvent aussi « participer aux réunions », les « animer », ainsi que « rencontrer les clients », « diriger une équipe » ou encore « assister à des conférences ».
Si l'on peut comprendre que le guide s'attache à viser large et à ne pas effrayer les collégiennes et lycéennes avant leurs choix d'orientation, nous pouvons tout de même regretter cette description ultra négative des geeks et du rapport avec un ordinateur. Ces derniers sont représentés comme de véritables pestiférés, comme s'il fallait absolument les éviter. Dresser un tel portrait est-il si utile ? Surtout qu'il ne provient pas d'un magazine féminin (ou masculin) au contenu souvent déplorable, mais d'une branche du Syntec Numérique, qui comprend tout de même 600 éditeurs de logiciels et plus de 1200 membres en tout. Des sociétés qui doivent compter un nombre non négligeable de geeks.
