Les voyageurs arrivant fraichement à l’aéroport Ben Gourion en Israël pourraient avoir une mauvaise surprise. EN effet, le pays autorise désormais les agents de sécurité à fouiller dans les emails des passagers. Certains y voient un renforcement nécessaire des mesures de sécurité, d’autre une grave atteinte à la vie privée.
Aéroport de Ben Gourion, crédits : Matthew Wilkinson, licence Creative Commons
Lutte contre le terrorisme
Même si Israël est un pays bénéficiant d’un niveau élevé de tourisme et que Tel Aviv a des allures de capitale européenne, le pays reste constamment sous la menace d’une attaque. Dans une optique de faire toujours un peu plus barrière aux éventuels terroristes, l’État d’Israël autorise désormais les agents de sécurité de l’aéroport Ben Gourion à consulter les emails des voyageurs. Le support peut être un ordinateur, un smartphone ou une tablette.
Il s’agit d’une demande initialement réalisée l’année dernière par le Shin Bet, l’agence centrale de sécurité d’Israël (également appelé Shabak ou GSS, pour General Security Service). Rapidement, une association du pays s’en inquiète. En juin 2012, l’ACRI (Association for Civil Rights in Israel) dénonce l’ouverture d’une violation flagrante de la vie privée à des situations laissées au seul jugement des agents de sécurité.
Déjà des précédents l'année dernière
Il y aura bientôt un an déjà, l’ACRI indiquait que certains témoignages mettaient en évidence que de telles fouilles avaient été pratiquées. Des comptes emails avaient été visités, ainsi que des comptes Facebook. En outre, les agents de sécurité n’hésitaient pas à demander les mots de passe le cas échéant. En mai dernier, selon Haaretz et Associated Press, plusieurs voyageurs aux noms arabes furent interrogés sur leurs communications électroniques. Refusant de plier devant les demandes, ils ne furent pas admis dans le pays.
L’avocate Lila Margalit, de l’ACRI indiquait en outre que de telles fouilles électroniques ne pouvaient être autorisées que dans un contexte juridique bien particulier, et que les actions du Shin Bet violaient la loi israélienne. Elle a donc envoyé une lettre au procureur Yehuda Weinstein pour lui faire part de ses inquiétudes. Peine perdue : pas loin d’un an plus tard, le bureau du procureur a confirmé que ces fouilles étaient non seulement autorisées, mais aussi légales.
Une telle mesure « ne sied pas à une démocratie »
La réponse, parvenue hier tout juste, indique que les agents de sécurité peuvent donc fouiller les emails lors de l’arrivée de passagers internationaux à l’aéroport Ben Gourion. Cependant, une telle pratique serait réservée à des cas exceptionnels dont les « soupçons » seraient clairement fondés. Évidemment, c’est dans l’interprétation desdits signes suspicieux que réside le flou ainsi que l’inquiétude de l’ACRI. Selon cette dernière, le cabinet du procureur précisait que le voyageur pouvait refuser la fouille, mais que cet interdit serait pris en compte, ainsi que « d’autres facteurs », pour juger de son autorisation à entrer dans le pays.
L’avocate Lila Margalit s’inquiète : « Un touriste qui vient de dépenser des milliers de dollars pour voyager en Israël, uniquement pour être interrogé à l’aéroport par des agents du Shin Bet et à qui l’ont dit d’ouvrir l’accès à ses comptes email, ne sera pas en position de donner un accord libre et éclairé. Un tel « accord », donné sous la menace d’une expulsion, ne peut servir de base à une invasion aussi radicale de la vie privée. Dans le monde d’aujourd’hui, l’accès aux emails d’une personne revient à accéder à ses pensées les plus secrètes et à sa vie personnelle. Permettre aux agents de sécurité de telles mesures invasives à leur seule discrétion, et sur la base d’un accord aussi fragile, ne sied pas à une démocratie ».