Au cours d'une procédure d'urgence, une magistrate du tribunal de grande instance de Paris a accepté de constater par elle-même le retrait de commentaires laissés par des internautes et considérés comme dénigrants à l’égard d’une société spécialisée dans le photovoltaïque. Cette dernière clamait pourtant que seul un constat d’huissier pouvait avoir valeur de preuve.
Le tribunal de grande instance de Paris a dû départager la semaine dernière deux sociétés, Groupe Solaire de France et Factosoft. La première attaquait la seconde afin qu’elle retire de son site Web, www.consoglobe.com, des commentaires laissés par des internautes. GSF jugeait ces derniers dénigrants à son égard et réclamait au passage 10 000 euros de dommages et intérêts. Comme moyen de preuve, l’entreprise rapportait un constat effectué par un huissier de justice.
Sauf que devant le tribunal, Factasoft annonçait avoir retiré le nom de GSF des messages litigieux, de telle sorte qu’il n’était plus possible d’identifier directement l’entreprise. Au cours de l’audience, et avec l’accord des parties, la magistrate et son greffier ont décidé d’examiner par eux-mêmes le site ConsoGlobe. Le tribunal a alors pu constater que le nom de GSF n’apparaissait plus dans les commentaires litigieux. Les plaignants ont cependant répliqué en clamant que le moyen de preuve ne pouvait pas être retenu, en ce qu’il était insuffisant : seul un huissier de justice pouvait effectuer ce constat.
Indifférence vis-à-vis du constat d'huissier
Mais la juge en charge de l’affaire ne l’a pas entendu de cette oreille. En effet, dans son ordonnance de référé, en date du 16 avril 2013 (et disponible sur Legalis), elle a retenu que « le tribunal et les parties ayant pu constater à l’audience que la mention de la société Groupe Solaire de France avait été retirée des commentaires des internautes, il est indifférent qu’un huissier de justice n’ait pas lui-même examiné le site pour parvenir à la même constatation ». Relevant que les commentaires maintenus sur le site n’étaient « plus désobligeants pour la société Groupe Solaire de France, dès lors que son nom n’apparaît plus », l'entreprise plaignante a donc vu ses demandes écartées en attendant un procès au fond. Elle devra en outre verser 1 000 euros à Factasoft au titre des frais de justice.
« Il découle de cette décision qu’il est inutile de recourir à un huissier de justice en matière de preuve sur internet lorsqu’un juge peut lui-même constater personnellement la diffusion ou la suppression de contenus illicites sur internet » analyse maître Anthony Bem sur son blog. Il s'agit ainsi d'une jurisprudence qui devrait intéresser ceux qui souhaitent faire l'économie de ce type d'acte...