Sommée d’expliquer il y a quelques mois comment le gouvernement entendait résoudre les problèmes de qualité de connexion à Internet pointés notamment par une étude de l’UFC-Que Choisir, la ministre déléguée à l’Économie numérique Fleur Pellerin vient d’apporter sa réponse à une cinquantaine de députés.
En fin d’année dernière, l’UFC-Que Choisir tirait le signal d’alarme. « Il y a un bel et bien un problème de qualité des connexions internet. Et cela ne peut s’expliquer uniquement par des désaccords entre les opérateurs et les prestataires de services internet sur l’interconnexion » lançait l’association de consommateurs, dressant au passage un constat accablant à l’encontre de tous les opérateurs, Free en tête. En filigrane, l’UFC-Que Choisir dénonçait la guerre financière à laquelle se livrent FAI, services Internet et intermédiaires (transit), et qui se cache derrière ces difficultés d'accès aux gros sites ou à certains protocoles. Elle demandait surtout aux pouvoirs publics de se saisir de la question de l’interconnexion.
Un écho à ces demandes se fit entendre à l’Assemblée nationale, puisqu’une cinquantaine de députés de l’opposition comme de la majorité ont depuis questionné la ministre déléguée à l’Économie numérique à ce sujet. Reprenant les conclusions de l’UFC-Que Choisir dans leurs grandes lignes, ces élus tambourinaient devant la porte de Fleur Pellerin que « ces problèmes d'interconnexion pénalisent les consommateurs qui ne bénéficient dès lors plus de la totalité des services payés, sans même en avoir été informés au préalable ». Ils demandaient ainsi à la locataire de Bercy de se saisir du problème et d’indiquer quelles propositions le gouvernement envisageait de prendre afin de mettre fin aux problèmes d'interconnexion entre opérateurs. « Si des règles claires ne sont pas rapidement établies, les difficultés d'accès entre les différents acteurs vont se multiplier, mettant en danger le principe d'un internet libre et ouvert à tous ».
La ministre met en avant les dispositifs existants
Après plus de trois mois et demi d’attente pour certains, la ministre vient d’apporter sa réponse. Fleur Pellerin affirme aujourd’hui qu’Internet joue « un rôle fondamental dans l'exercice effectif de la liberté d'expression et de communication », et que « l’accès à l'information et à l'ensemble des contenus disponibles sur internet sans discrimination est donc essentiel » à ses yeux. D’après la locataire de Bercy, « aucun acteur, qu'il s'agisse de fournisseurs d'accès, de terminaux, de contenus, d'hébergement, d'applications ou moteurs de recherche, n'est ainsi légitime à faire obstacle ou à restreindre l'accès aux informations disponibles sur l'internet ».
Sauf que malgré ces belles paroles, le constat de l’UFC-Que Choisir reste entier. La ministre poursuit ainsi en expliquant qu’« outre le droit commun de la concurrence, certains dispositifs existent déjà pour traiter les problèmes relatifs à l'acheminement du trafic et garantir la qualité de l'accès à l'internet ».
L’ARCEP va mettre en place un dispositif de mesure de la qualité du service
Elle brandit tout d’abord les pouvoirs d'enquête administrative dont dispose aujourd’hui l’ARCEP, le régulateur des télécoms, et qui permettent à l’institution « de recueillir des informations et documents auprès des personnes fournissant des services de communication au public en ligne concernant les conditions techniques et tarifaires d'acheminement du trafic appliquées à leur service ». C’est d’ailleurs sur cette base que l’autorité administrative a ouvert l’année dernière une enquête sur les lenteurs de YouTube chez Free.
Fleur Pellerin met également en avant la mise en place par l’ARCEP d’une « collecte régulière auprès des fournisseurs d'accès à internet et des fournisseurs de services de communication au public en ligne concernant les informations relatives à leurs conditions techniques et tarifaires d'interconnexion et d'acheminement de données afin de disposer d'une meilleure visibilité de l'évolution de ce marché ».
Ensuite, la locataire de Bercy fait valoir que « l'ARCEP a été chargée de suivre la qualité de l'accès à l'internet ». Selon Fleur Pellerin, l’institution devrait d’ailleurs « prochainement adopter une décision introduisant un dispositif de mesure de la qualité du service ». Les résultats de cet indicateur devront être publiés chaque trimestre. Il apparaît en outre que « l’ARCEP pourra également fixer des exigences minimales de qualité de service aux opérateurs ». En cas de non-respect de ces exigences, le contrevenant « pourra faire l'objet d'une sanction notamment financière ».
Les conclusions d’un groupe de travail attendues pour « les tous prochains mois »
La ministre ajoute que « les obligations en matière de transparence et d'information des consommateurs prévues par le code de la consommation ont été renforcées ». Un groupe de travail a selon elle été mis en place « afin d'assurer la mise en oeuvre de ces dispositions et permettre aux utilisateurs de disposer d'informations claires et comparables sur les services réellement accessibles via l'internet et la qualité de ces derniers ». Composée d’opérateurs et de représentants de consommateurs, cette instance devrait remettre ses conclusions « dans les tous prochains mois ».
Fleur Pellerin fait enfin référence au récent avis du Conseil national du numérique sur la neutralité du Net, lequel a invité le gouvernement à inscrire ce principe dans la loi. « Des dispositions législatives devront en conséquence être adoptées » conclut la ministre. Une façon d’entr'ouvrir une porte sans trop se mouiller.