S’il y a bien une question qui obsède les parlementaires, c’est bien celle de la « rémunération » (ou compensation) pour copie privée. Pour la nouvelle législature, déjà quatre députés viennent de saisir la ministre de la Culture de cette seule et même question. Mais ils sont plusieurs dizaines de parlementaires à l’avoir copié-collé dans la précédente législature. Sans réponse à ce jour.
Plus d’une cinquantaine de députés ont cloné cette même question durant la législature précédente :
« M. (nom du député) attire l'attention de Mme la ministre de la Culture et de la communication sur la question du dispositif de financement de la culture en France. En effet, le système de financement de la culture tel qu'il existe actuellement n'offre pas de visibilité sur l'ensemble des revenus prélevés sur les consommateurs, ni sur l'affectation exacte de ces recettes. En France, le consommateur participe activement au financement de la culture au moyen de différents prélèvements directs, comme la copie privée, mais aussi indirects, à l'instar des nombreuses taxes sur les opérateurs internet. Le montant de la redevance pour copie privée est de 2,60 € en France, contre 1,50 € en Allemagne et 0,67 € en moyenne dans l'Union européenne, soit, pour la France, 70 % du prix de vente d'un CD ou d'un DVD vierge, comme le rappelle le collectif chere-copie-privee.org, dont fait partie l'UFC-Que choisir. Ce phénomène encourage les consommateurs à se tourner vers des modes d'approvisionnement permettant d'éviter cette redevance. De plus, les recettes sont affectées de manières très hétérogènes et empruntent parfois des circuits complexes, jonchés de multiples guichets. La commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits dénonce régulièrement le peu de transparence de ces institutions. Pourtant, nombre de rapports continuent de proposer des taxes supplémentaires afin de financer les infrastructures ou la création. Ce constat appelle une évaluation rapide des dispositifs dans leur intégralité, afin de cerner l'ensemble des revenus prélevés sur le consommateur et le système économique, ainsi que la manière dont ils sont affectés. Cette question est essentielle dans la mesure où le consommateur accepte de moins en moins une surenchère fiscale sans contrepartie. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer comment le gouvernement entend améliorer la transparence de ces dispositifs, et partant asseoir une politique culturelle cohérente et ambitieuse. »
Ces quelques cinquante questions ont cependant été retirées, conséquence mécanique de la fin de mandat. Déjà, toutefois, quatre députés reviennent déjà au front en interrogeant la ministre de la Culture : Jean Pierre Decool (UMP), François Vannson (UMP), Véronique Besse (NI) et Alain Boquet (GDR).
Cinquante questions à l'Assemblée nationale, trente au Sénat
Depuis le printemps 2012, au Sénat, même mouvement. Une trentaine de sénateurs ont questionné Frédéric Mitterrand puis Aurélie Filippetti de cette problématique de transparence et d’harmonisation des montants de la rémunération pour copie privée. Dernier en date, le socialiste Alain Néri (Puy-de-Dôme - SOC).
Ces questionnements n’avaient pas été soulevés lors des débats sur la loi du 20 décembre 2011 sur la copie privée, rédigée, débattue et votée au pas de course. Le texte a d’ailleurs été voté par la plupart des députés dont Aurélie Filippetti, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Sylvie Pinel ou encore un certain François Hollande. Seul Nicolas Dupont Aignan avait voté contre, avec trois abstentions.
Un des articles votés en décembre 2011 compte améliorer la visibilité du dispositif et quant aux revenus prélevés sur les consommateurs. L’article 311-4-1 du code de la propriété intellectuelle organise l'information de l'acquéreur d'un support d'enregistrement quant au montant de la rémunération pour copie privée.
Article L311-4-1 « Le montant de la rémunération (…) propre à chaque support est porté à la connaissance de l'acquéreur lors de la mise en vente des supports d'enregistrement (…). Une notice explicative relative à cette rémunération et à ses finalités, qui peut être intégrée au support de façon dématérialisée, est également portée à sa connaissance. Cette notice mentionne la possibilité de conclure des conventions d'exonération ou d'obtenir le remboursement de la rémunération pour copie privée (…) Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. » Et les manquements à cet article sont sanctionnés d’une amende de 3 000 € maximum.
Pas de décret, pas de notice, pas d'information, pas de remboursement
En clair, avec cette disposition, le consommateur est informé du montant de rémunération pour copie privée lestant chaque support (GPS, tablette, disque dur externe, clef USB, carte mémoire, téléphone mobile, DVD ou CD vierge, etc.). Une notice lui explique l’affectation de la copie privée. En outre, si l’acheteur est professionnel, il est informé dans ce document de la possibilité de se faire rembourser ces sommes voire d’en être exonérés.
Ce décret en Conseil d’État prévu depuis huit mois n’a cependant jamais été publié, malgré une brochette d'auditions à Bercy. Les consommateurs n’ont donc toujours aucune conscience du poids exact de la copie privée. Les professionnels, eux, ne sont pas censés savoir qu’ils peuvent se faire rembourser ou exonérer la copie privée payée sur les biens professionnels.
Précisons enfin que le Simavelec a promis d’attaquer l’État pour ce manquement dans la publication du texte administratif. Vérification faite sur le site du Sénat, l’état d’application de la loi indique que le « décret en Conseil d'État [est] en attente de publication. »