Régulation du Net : le CSA veut un « réexamen sans tabous » de ses missions

Mission : impossible ?

Alors que les autorités planchent sur plusieurs projets concernant le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le président de l’institution vient de militer pour un « réexamen sans tabous » de sa mission de régulation, que ce soit à la fois dans son « périmètre » ou s'agissant de ses « méthodes ». Internet est une nouvelle fois en première ligne. Explications. 

Schrameck (Fabien de Chavannes/CSA)

Crédit : Fabien de Chavannes/CSA.

 

Olivier Schrameck, actuel président du CSA, est intervenu mercredi dernier au Sénat dans le cadre d’un colloque organisé par le Syndicat interprofessionnel des radios et des télévisions indépendantes (SIRTI). Un pan entier de son discours était ainsi consacré à la façon d’« ancrer la régulation audiovisuelle dans l’ère numérique ». L’intéressé a rappelé que l’accès aux contenus audiovisuels se faisait désormais de plus en plus grâce à Internet, et notamment suite au développement des nouveaux appareils connectés (smartphones, TV connectées, tablettes, etc.).

 

« Ce n’est pas qu’une mutation technologique, a cependant prévenu Olivier Schrameck. L’influence de cet accès démultiplié sur les contenus audiovisuels est potentiellement considérable » a-t-il poursuivi. Rapidement, le président du CSA en est venu à évoquer cette « nouvelle offre de contenus [qui] transite par Internet ». Il fit alors directement référence à ces « hébergeurs comme Dailymotion ou You Tube, [qui] se font désormais éditeurs ou coéditeurs ».

 

Sauf que la problématique est connue : si les contenus audiovisuels sont identiques tandis que « les tuyaux » qui les conduisent aux écrans, eux, se diversifient, le CSA n’a pas la compétence pour réguler l’ensemble des vecteurs de diffusion, et notamment s’agissant du Net. Une même vidéo ne sera ainsi pas soumise aux mêmes règles selon qu’elle soit diffusée sur une plateforme en ligne telle que YouTube ou sur une chaîne de télévision comme France 2, même si le régulateur peut désormais s’occuper des services de médias audiovisuels à la demande (VoD, télévision de rattrapage...).

Le CSA veut « faire valoir sur Internet les missions essentielles qui ont été à l’origine de la régulation audiovisuelle »

Olivier Schrameck l’a d’ailleurs reconnu : « Bien sûr, la loi du 30 septembre 1986 continue de distinguer entre les communications au public par voie électronique et les communications audiovisuelles ». Sauf que le président du CSA veut aller plus loin. En effet, pour lui, la distinction opérée par la loi de 1986 « est rendue poreuse par les évolutions des usages et des contenus ». Estimant que « ces évolutions touchent tout particulièrement les jeunes générations, porteuses de notre avenir », il brandit la conclusion suivante : « Cela doit nous conduire à un réexamen sans tabous de la mission de régulation qui nous est confiée : son périmètre mais aussi ses méthodes ». 

 

Le régulateur de l’audiovisuel sous-entend donc vouloir exercer son pouvoir sur un périmètre plus étendu. Mais pas n’importe quel vecteur supplémentaire : Internet. Olivier Schrameck a effectivement expliqué qu’il importait « de faire valoir sur Internet les missions essentielles qui ont été à l’origine de la régulation audiovisuelle ». Or comme l’avait rappelé le juriste Benoît Tabaka dans un billet datant de 2011, la vocation première du CSA était de gérer l’attribution des fréquences hertziennes dans un but d’intérêt général. Sauf que dès lors qu’il n’y a plus de rareté, cette régulation n’a plus d’intérêt. « Avec le développement de la diffusion de contenus audiovisuels par l’intermédiaire d’internet, la raison même de l’existence de ce type de régulation disparaît. Avec le développement de plus en plus fort des contenus audiovisuels sur internet, la rareté de la ressource n’est plus en cause » écrivait-il.

 

Mais pour faire passer la pilule, le président du CSA a affirmé qu’il ne fallait pas se satisfaire de la cohabitation entre, d’une part, « un secteur traditionnel encadré (...) par des règles précises et détaillées », et, d’autre part, « de formes nouvelles de communications qui pourraient être affranchies de tout encadrement et de toute protection ». Sous-entendu, Internet. Il a également mis en avant « l’intérêt du pluralisme et de l’indépendance des médias, de la sauvegarde de l’ordre public, et de la protection de la dignité de la personne humaine ».

Clins d’œil à Pierre Lescure, au législateur et au CNNum

« Je crois donc que dans un cadre fixé par le législateur, le CSA doit se voir reconnaître sans réticence tous les moyens de la régulation qui constituent, par nature, sa mission » a-t-il lancé en fin d’exposé. Car si Olivier Schrameck a bien précisé que l’institution qu’il préside attendait « avec grand intérêt » les conclusions de la mission Lescure (qui devraient être connues le mois prochain) il a aussi rappelé que les décisions incombaient en dernier ressort au Parlement. L’intéressé a par ailleurs expliqué au cours de son intervention avoir relevé « avec intérêt » que le Conseil national du numérique a proposé dans son récent avis sur la neutralité du Net de graver ce principe dans le marbre via l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui concerne dans une large mesure les communications audiovisuelles et le CSA.

 

Olivier Schrameck suit donc les pas de son prédécesseur, Michel Boyon, qui avait déjà œuvré en faveur d’une régulation des contenus audiovisuels du Net par le CSA. Les projets de l’institution s’étaient d’ailleurs dévoilés de manière plus policée en janvier dernier, puisqu’au travers d’une contribution relative à « l’adaptation de la régulation audiovisuelle », celle-ci plaidait pour la mise en oeuvre d'une « corégulation » de toutes les vidéos diffusées sur des sites Internet (pour en savoir plus, voir notre article). 

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