Le statut des outils de surveillance des communications électroniques attire l’attention de plus en plus de députés. Isabelle Attard a justement demandé au gouvernement ce qu’il envisageait pour faire cesser les exportations de ces produits à destination des régimes autoritaires. Elle vient d’obtenir la réponse du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.
Le commerce de logiciels de surveillance des communications vers plusieurs pays comme la Libye, la Syrie ou le Maroc est un marché fleuri aux conséquences cependant plus que douloureuses. « Des entreprises françaises, notamment Amesys et Qosmos, ont fourni des logiciels qui ont permis la surveillance, au mépris des droits de l'homme, de citoyens de leur pays. En tant que pays à l'origine des droits de l'homme, il apparaît anormal que ce commerce soit autorisé » déplore la députée écologiste du Calvados Isabelle Attard, qui « souhaite connaître les projets [du gouvernement] pour que cesse la vente de technologies de surveillance à destination de régimes autoritaires. »
Dans sa réponse pointée par @Manhack, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, lui explique en substance que ces outils n’entrent « pas dans la catégorie des matériels de guerre ». Pas même « dans celle des biens à double usage ». Du coup, il n’y a aucun contrôle préalable à exportation. « S'il y a exportation, l'exportateur n'a pas besoin d'une autorisation, ni d'en informer l'administration. »
Du matériel développé sur la base de produits grands publics
Traitement de texte, DPI ou logiciel de partitions musicales, même combat. Tout est exportable n’importe où. Pour le ministre socialiste, cela ne pose en effet aucun problème. « Ces matériels de communication, qui sont développés sur la base de produits du marché grand public et qui n'ont pas d'usage militaire, n'ont a priori pas vocation à faire partie de l'une des catégories d'équipements soumis à autorisation d'exportation ». Bref, circulez, il n’y a rien à deep-packet-inspecter sur ces solutions développés sur « la base de produits du grand public. »
Fait notable, Fabius calque sa réponse sur celle de l'ex-majorité chapeautée par Nicolas Sarkozy. Dans une préalable réponse parlementaire, Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, répondait à un autre parlementaire les mêmes propos. Il reléguait le DPI à un produit grand public. « Les systèmes informatiques auxquels il est fait référence sont développés sur la base de produits du marché grand public » notait Juppé. « Ils n'entrent pas dans la catégorie des matériels de guerre ni dans celle des biens à double usage » et par conséquent, « ils ne font donc l'objet, selon les réglementations française et européenne, d'aucun contrôle préalable à l'exportation ». Comme souvent, si les mots sont identiques dans la bouche de deux personnes, c'est que les sources sont identiques.
Réponse de Laurent Fabius, 5 mars 2013.
Réponse d'Alain Juppé, 13 mars 2012.
Ce n’est que du bout des lèvres que Fabius rappelle au final qu’« en raison de la sensibilité éventuelle de leur usage, le Premier ministre a demandé qu'une réflexion puisse être menée afin de proposer un classement adéquat des différentes catégories d'intercepteurs de communications et, le cas échéant, définir les modalités d'un contrôle national. » Une résolution - sans valeur juridique - a déjà été approuvée l'an passé au Parlement européen pour dénoncer ce commerce là.
Séminaire gouvernemental sur le numérique
Lors du tout récent séminaire gouvernemental dédié au numérique, Jean-Marc Ayrault a annoncé qu’il voulait « inclure les technologies de surveillance et de contrôle de l’internet dans la liste des biens à double usage dont l’exportation est soumise à autorisation » (notre actualité). La proposition est effectivement en cours. Entre temps, garantit le gouvernement, les entreprises françaises fournissant ces solutions seront invitées à « soumettre leurs exportations à autorisation afin de prévenir la dissémination de ces technologies vers des régimes susceptibles de les utiliser pour porter atteinte aux droits et libertés fondamentales des individus ». Un petit rappel oublié par Laurent Fabius.