Le 2 mai prochain, Benoit Hamon va présenter un projet de loi pour instaurer en France l’action de groupe (ou class action). Une procédure qui intéressera de près le secteur des nouvelles technologies, souvent en proie à des litiges de masse.
La proposition de loi Ayrault de 2009 sur l'action de groupe
Le recours collectif permet à une petite armée de consommateurs d’agir mutuellement contre une entreprise fautive. Elle permet de rééquilibrer la balance face à la toute-puissance des professionnels dans les litiges de masse. C’est une pratique très répandue de règlement des différends outre-Atlantique, avec des procès phares dans le secteur des nouvelles technologies (Batterie de l’iPhone, le logo Vista Capable, le DRM/rootkit chez Sony, etc.). Pour éviter un raz-de-marée judiciaire, le mécanisme programmé en France prévoit toutefois plusieurs verrous.
« Notre ambition est de lui donner enfin des armes efficaces pour obtenir réparation d'un préjudice quand il est victime de pratiques abusives, frauduleuses ou anticoncurrentielles » a expliqué le ministre délégué chargé de l'Economie sociale et solidaire, dans un entretien au Nouvel Obs. « Il s'agit en fait de rééquilibrer les rapports entre les entreprises et les consommateurs, sans basculer dans les excès d'une judiciarisation à outrance, comme aux États-Unis. »
Ce sujet est un serpent de mer en France. Souvent annoncé, jamais activé. Fraîchement installé, Nicolas Sarkozy en avait fait une promesse, ordonnant à Christine Lagarde ministre de l’Économie : « vous créerez une action de groupe à la française ». Mais en 2011, l’idée fut enterrée par Frédéric Lefebvre dans une réponse gouvernementale de 2011 : « l'absence de dispositif d'action de groupe [en France] correspond à un choix du gouvernement. »
La proposition de loi du député Ayrault en 2009
Rappelons que Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg avaient déposé une proposition de loi, lorsqu’ils étaient députés de l’opposition. Ils prévoyaient une action de groupe réservée aux seules associations qui agissent au nom d’un groupe de personnes ayant souffert d’un préjudice « similaire » issu d’un même professionnel. Leur proposition était plus ambitieuse que le projet de loi : toutes les associations âgées de plus de cinq ans et prouvant une « existence réelle et sérieuse » pouvaient agir. Le texte prévoyait un fonds d’aide pour financer la publicité des actions. Tous les consommateurs étaient indemnisables, même ceux non déclarés en début de procédure.
Le préjudice matériel, 16 associations agréées
Selon les premiers éléments dévoilés par Benoit Hamon, seules les 16 associations de consommateurs agréées au plan national pourront finalement actionner le dispositif. Il n’y aura pas de seuil (préjudice, plaignant), et comme dans la proposition initiale, le recours collectif visera les préjudices matériels issus de la violation d’une disposition légale ou contractuelle. Il sera intéressant d’en connaître alors la portée exacte.
Le ministre cite déjà l’exemple d’un « opérateur de télécoms qui s'est entendu avec ses concurrents pour maintenir des prix anormalement élevés ». Puisque ce recours vise aussi la violation des dispositions légales, est-ce que de mauvais calculs de rémunération pour copie privée permettront aux consommateurs de récupérer ce qui a été prélevé en leur défaveur ? Ce n'est pas une hypothèse d'école : durant des années, les ayants droit se sont servis de la loi pour maximser cette ponction et frapper également les copies illicites.