Le jeu vidéo « made in France » a-t-il encore un avenir ?

Sur un malentendu, ça peut marcher

Le gouvernement s'est enfin intéressé au secteur du jeu vidéo français a-t-on appris cette semaine. Si nous ne pouvons présager des conséquences futures de cet intérêt, nous pouvons toutefois nous demander s'il n'est pas déjà trop tard.

Heavy Rain de Quantic Dream est l'un des rares jeux vidéo à représenter le « made in France » dans le monde. 

Le Canada a 15 ans d'avance

Depuis quelques années, que ce soit dans le monde ou en France, le secteur du jeu vidéo représente grossièrement un chiffre d'affaires deux fois supérieur à celui du cinéma et quatre à cinq fois celui de la musique. Et certains gouvernements ne s'y sont pas trompés. Certaines provinces du Canada, et plus précisément le Québec, ont ainsi proposé des crédits d'impôt très importants dès la fin des années 90 afin d'attirer un maximum d'éditeurs et de développeurs sur ses terres. Résultat, le Canada est aujourd'hui le troisième pays développeur de jeux vidéo au monde derrière les USA et le Japon. Une situation en grande partie due à l'implantation d'éditeurs étrangers comme Electronics Arts (EA Sports) et Ubisoft.

 

Et la France ? L'Hexagone est dans une situation très étonnante et assez unique au monde. D'un côté, le pays compte des éditeurs majeurs comme Activision et Blizzard (propriétés du Français Vivendi) ou encore Ubisoft. De l'autre, ses éditeurs développent très peu en France mais préfèrent travailler aux USA, au Canada voire en Chine.

Quelques irréductibles résistent encore

Bien entendu, le développement de jeux vidéo en France n'est pas totalement mort. Ubisoft, malgré sa forte présence étrangère, développe toujours en France (à Paris, Montpellier et Annecy). On lui doit notamment le développement des Lapins Crétins, Just Dance, Rayman Legends, ZombiU et Beyond Good & Evil. Quantic Dream, connu pour son Omikron: The Nomad Soul sorti à la fin des années 1990 et plus récemment son fameux Heavy Rain, développe pour sa part à Paris. N'oublions pas non plus Ankama (Dofus), les Lyonnais d'Arkane Studios (Dishonored) ou encore le Breton Gameloft, qui développe aussi majoritairement à l'étranger, mais qui détient tout de même une (très légère) présence en France. Il existe aussi de très nombreux petits studios, mais dont les jeux sont moins majeurs. Certains développent d'ailleurs plutôt pour internet, les mobiles et les réseaux sociaux en priorité.

Cette actuelle présence française est toutefois faible par rapport à l'étranger qui cumule des milliers voire des dizaines de milliers de développeurs. Et pourtant, les éditeurs de jeux vidéo travaillant en France jouissent d'un crédit d'impôt de 20 % depuis 2008. Le fameux Crédit d'impôt Jeux Vidéo (CIJV) a d'ailleurs un temps été inquiété, au point de pousser Quantic Dream à menacer de quitter le pays. Le CIJV a toutefois été reconduit, apaisant ainsi les menaces des rares studios encore présents en France.

Quand la France produisait des jeux cultes à la pelle 

Little Big Adventure

Little Big Adventure, un jeu culte 100 % français des années 1990.

 

Mais pour qui connait le secteur du jeu vidéo depuis longtemps, la situation en France est franchement ridicule. Dans les années 80 et 90, la France a pourtant connu des développeurs majeurs comme Delphine Software (Another World, Croisière pour un cadavre, Darkstone), Adeline Software (Little Big Adventure), Infogrames (Drakkhen, North & South, Alone in the Dark), Coktel Vision (Gobliiins), Cryo Interactive (Dune, Atlantis, Mankind), Lankhor (Le Manoir de Mortevielle, Vroom, F1), Microïds (Genesia, Corsairs, L'Amerzone), Computer's Dream (B.A.T.), Kalisto (Pac-in-Time, Dark Earth),  Titus Interactive, etc. (liste non exhaustive). Certains des jeux cités dans ce paragraphe ont marqué la jeunesse de nombreux joueurs et ont tout simplement marqué l'histoire des jeux vidéo.

 

Malheureusement, la plupart de ces studios ont fermé ou se sont fait racheter il y a déjà de nombreuses années, partant généralement vers d'autres cieux. Aujourd'hui, le jeu vidéo français est donc loin de son âge d'or, ceci malgré le CIJV, et il ne vit que grâce à quelques exceptions. La France compte pourtant de très nombreux talents, mais les développeurs se tournent généralement vers l'autre côté de l'Atlantique ou bien ailleurs en Europe, en Asie voire en Océanie.

La France pourra-t-elle combler son retard ?

Le problème de la France est sa réaction tardive et son climat financier (crédit d'impôt ou non) qui n'est pas des plus encourageants pour les entreprises, étrangères comme françaises. L'autre difficulté est que le Canada n'est pas le seul pays à se plier en quatre pour attirer les développeurs. Le Royaume-Uni pourrait lui aussi mettre en place un crédit d'impôt sous peu en faveur du secteur du jeu vidéo. En Australie, un crédit d'impôt a aussi été mis en place depuis quelques années. Aux USA, certains États proposent aussi des aides au secteur. Et certains pays d'Asie et d'Océanie en font de même.

 

Bref, si le gouvernement actuel veut redresser le secteur du jeu vidéo et lui redonner des couleurs, de simples actions ne suffiront pas. Dès lors que des pays concurrents offrent déjà des avantages financiers indéniables, tout en proposant une attractivité incomparable (Montréal en est le meilleur exemple), le chemin s'annonce long et difficile pour la France. D'autant plus que selon le syndicat national du jeu vidéo (SNJV), 15 entreprises françaises liées aux jeux vidéo ont déjà mis la clé sous la porte depuis le début de l'année. Preuve des difficultés du secteur.

 

Pour le moment, les ministères de la Culture et du Redressement Productif viennent de lancer (avant-hier) un groupe de travail en coopération avec les industriels du secteur. Diverses mesures fiscales pourraient ainsi être mises en place dans le futur. « La France doit prendre des mesures pour améliorer notre écosystème, au niveau fiscal, du droit du travail, et de la formation. La créativité et les talents se trouvent en France, il faut leur permettre d'éclore », a d'ailleurs expliqué cette semaine Julien Villedieu, le délégué général du SNJV.

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