On a testé la journée portes ouvertes fermées de la Hadopi

Du DRM open source

La Haute autorité a organisé ce 28 mars une journée porte ouverte pour expliquer aux ados les missions de la Hadopi. Une manifestation organisée dans le cadre de la Semaine pour la Presse et les médias à l’École. Soit une excellente occasion pour PC INpact d’aller voir comment était enseignée la parole Hadopienne aux collégiens.

C’était annoncé depuis plusieurs jours sur les différents comptes Twitter des responsables de la Hadopi, la haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet. Sur le site officiel, le programme de la 24e semaine de la Presse et des Médias dans l’École nous avait mis l’eau à la bouche.

 

hadopi presse porte ouverte

Attitude critique, réfléchie, éducation aux médias

« L'édition 2013 de la Semaine de la presse et des médias dans l'École, organisée par le ministère de l'Éducation nationale et le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI) du 25 au 30 mars 2013 s'annonce déjà comme un succès » avançait avant l’heure le ministère de Vincent Peillon. Cette belle opération « qui vise à développer chez les élèves une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information, s'inscrit parfaitement dans l'axe d'éducation aux médias présent dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école ». Attitude critique, réfléchie, éducation aux médias. Parfait !

 

Dans le lot des manifestations, nous avions particulièrement noté « des rencontres avec les journalistes » dont « quatre rendez-vous à retenir ». Outre un débat « Les femmes et l'info » avec France Télévisions, le ministère préconisait une journée « portes ouvertes à l'Hadopi ».

 

Une journée portes ouvertes à la Hadopi rangée parmi les « Rencontres avec les journalistes » ? Soit. Nous nous sommes rendus d’instinct aux portes ouvertes de la Hadopi qui accueillait « les élèves et leurs équipes pédagogiques pour échanger avec les équipes de l'institution et des plateformes labellisées. »

« L'Hadopi en mode portes ouvertes ! »

« L'Hadopi en mode portes ouvertes ! » s'enchante Jonathan Benghozi, en charge des offres légales PUR. Son tweet posté le 28 mars à 10h30 est repris en coeur par la direction de la communication mais aussi par la délégation à l'offre légale à l'Hadopi.

 

Une heure plus tard, le hall de la Haute autorité est bondé. Nous nous retrouvons avec des enseignants et de nombreux jeunes attendant patiemment que la première vague de collégiens sorte des locaux. Ce sera fait quelques minutes plus tard quand une trentaine de collégiens surgissent des sous-sols de la Hadopi, cette salle sans fenêtre que les journalistes connaissent bien.

 

Lorsque la directrice adjointe de la communication constate notre présence, la porte ouverte prend toutefois une couleur gris fer, marron béton. Elle nous demande d’attendre que les jeunes et les adultes accrochent leurs habits et s’installent au sous-sol. Nous restons donc nez à nez une porte ouverte fermée.

 

« Asseyez-vous, cela ne va pas durer longtemps, il faut juste qu’ils prennent le temps de s’installer » nous recommande-t-on dans le hall. Les minutes passent. Un autre responsable de la Hadopi nous confie « qu’au niveau du timing, c’est compliqué, et il faut voir en terme d’organisation s’il est possible de vous accueillir. A la base c’était réservé aux élèves. »

 

hadopiLa vraie porte ouverte fermée de la Hadopi

Semaine de la presse et des portes ouvertes fermées à la presse

Des DRM commencent à être placés sur cette porte open source : « On n’a pas invité la presse, il n’a pas été prévu d’accueillir des journalistes » nous répète-t-on. Nous insistons poliment : en quoi les messages délivrés aux enfants dans le cadre d’une journée portes ouvertes organisée par une autorité publique seraient couverts par le secret ? « On ne peut accueillir tout le monde » argumente le directeur délégué à la diffusion des œuvres, qui avance encore d’épaisses questions d’organisation et de logistiques particulières. Autour de moi, aucun confrère.

 

Pour cette opération inscrite dans la Semaine de la Presse et « qui vise à développer chez les élèves une attitude critique et réfléchie », nous proposons à la Hadopi de rejoindre les jeunes et d’être un journaliste muet pour simplement écouter les échanges. Niet.

 

Après plusieurs minutes d’attente, la direction de la communication remonte et nous explique cette fois que les responsables des plateformes sont « un peu frileux » certains même « paniquent un peu » par notre présence (on apprendra par la suite que Fotolia France, Jamendo, Avecomics et Wakanim étaient là pour expliquer leur plateforme labellisée PUR). Nous suggérons d’aller expliquer notre démarche avec l’équipe. « On ne descend pas, nous sommes en pleine session » rétorque sèchement la Hadopi qui nous propose une alternative : revenir dans trois heures, à la prochaine session, pour voir si éventuellement notre présence pourrait être tolérée. Nous refusons considérant que les portes ouvertes de cet aquarium sans fenêtre nous ont bien été fermées.

Télécharger tue

Avant d’aller voir ailleurs si d'autres portes ouvertes le sont bien, nous avons pu nous faire remettre un lot de consolation. La petite sacoche offerte par la Hadopi aux collégiens.

 

hadopi PUR

 

Après inventaire, on trouve deux clefs USB d’un Go dont une en forme de pastille PUR, un bloc note, un stylo, une carte postale PUR et un petit feuillet qui reprend le jingle habituel : « Hadopi la création de demain se défend aujourd’hui » (la petite phrase est même déposée comme marque à l’INPI.)

 

hadopi PUR

 

Que retenir de ces quatre feuillets en accordéon remis aux enfants ? Surtout des propos anxiogènes à souhait. « L’artiste, une espèce en voie de disparition ? Vous pensez peut-être que nous exagérons ? » annonce la page rose avec la douceur caractéristique du tricératops sautillant sur un DSLAM. « Le téléchargement illégal et le streaming illégal fragilisent tout ce qui permet aujourd’hui à la création d’exister, poursuit le document. Pourtant, pour qu’internet soit un atout pour les œuvres et leur large diffusion, elle a besoin de toutes ses forces pour inventer, innover. Si on ne fait rien les artistes que vous aimez, à commencer par les plus petits ne tiendront pas le choc et bientôt, à l’image des espèces menacées, ils disparaitront. »

 

Hadopi ne dit pas « Telecharger Tue », mais on n’en est guère loin.

 

 

Dans ce même livret, elle soutient que « pour respecter le travail des artistes que vous aimez et permettre à Julie de vous faire rêver, vous devez sécuriser votre connexion. L’Hadopi est là pour vous y aider, vous conseiller et vous accompagner ». Hadopi ne menace donc pas avec ses 1,5 million d’avertissements. Elle ne convoque pas les abonnés à Paris. Elle ne fait pas punir en transmettant leur dossier au procureur. Non. Elle conseille. Elle accompagne. C’est une amie. Une copine de récré’.

Et si Hadopi n'existait pas ?

Face à l’Internet qui fait peur, qui tue, l’Hadopi se présente même comme douce, précieuse, inestimable, et donc indéboulonnable. Le feuillet jaune demande en effet aux petits et aux grands : « si Hadopi n’existait pas que se passerait-il concrètement ? Avancer le fait que la création pourrait disparaître sans l’Hadopi n’est-ce pas un peu tiré par les cheveux ? »

 

Notre Hadopi.fr n’évoque pas les centaines de pays où les Hadopi-like n’existent pas. Elle préfère répondre à sa question en demandant aux petits d’ « imaginer un monde où les œuvres ne soient plus protégées. Un monde où la création n’aurait plus de valeur. Un monde où les artistes ne pourraient plus être rémunérés. Cela paraît inconcevable et pour cause. Qui souhaiterait créer sans décider librement du devenir de sa création ? Qui pourrait vivre de son travail sans rétribution ? »

 

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Pour ces jeunes esprits en apprentissage, se forge ainsi un couplage Hadopi = valeur de la création = vie du créateur. Et pour bien souder les maillons de cette chaîne, la Hadopi verse dans l'anticipation jurant que sans elle, « bientôt les futurs artistes (…) n’auront plus aucune chance d’émerger ».

 

La Hadopi se place en sauveur de la création tout en impliquant le collégien de 11 ans : « L’Hadopi est là pour soutenir les acteurs de la création, on le sait. Mais sans vous, l’Hadopi ne peut rien. » Notez le « On le sait », qui fleure l’interprétation autoritaire.

Règle de base (fausse) : la Hadopi vise l'internaute

Le feuillet bleu est tout aussi intéressant. Il prétend expliquer « les règles de base », et spécialement le dispositif des avertissements envoyés aux abonnés. Le mot avertissement est en fait soigneusement évité. Et abonné est remplacé par « internaute » : « Ce dispositif (…) a pour but de rappeler à chaque internaute ses droits et ses devoirs face au téléchargement illégal » ; « Dans un premier temps, l’internaute reçoit un courrier électronique… » ; « L’internaute peut faire valoir ses observations… » ; « Cet internaute risque alors de voir le juge prononcer une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros… ». Une erreur assumée puisqu'Hadopi,  « on le sait », ne vise en réalité que l'abonné, non l'internaute.

 

On devine facilement les effets de cette substitution erronée dans la tête d’un jeune de 5ème. Une autorité qui protège, qui demande l'aide du jeune, mais qui dans le même temps traque, surveille, menace l'internaute d'une amende représentant des années d’argent de poche. Notre jeune ne sait évidemment pas que seul le P2P est concerné, le rappel ayant été oublié dans « ces règles de base. »

 

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Après la culpabilisation, la peur, l’angoisse, arrive la Hadopi libératrice. Les deux derniers feuillets sont en effet dédiés « aux moyens de télécharger des œuvres sans fragiliser la création » où la Hadopi « encourage les offres légales ». La dernière page vise spécialement le label PUR, censé permettre de « reconnaitre une plateforme de contenus légaux ». La Rue de Texel adresse aux jeunes ce précieux dernier conseil : « pour trouver l’offre, légale, suivez le label ! Quand vous le verrez, foncez, même si l’offre est gratuite. Dans le cas contraire, soyez prudent, et ce, même si l’offre est payante. »

 

Nous avons fait différents tests : si Avecomics.com fait figure d'exception, Jamendo, Wakanim.tv, Fotolia n'affichent aucun logo PUR en page d'accueil. Pas plus, d'ailleurs, que Deezer.fr (NDRL : le logo PUR est désormais visible tout en bas, mais non encore dans le cache Google) ou Off.tv d'Universal. Le souci de développer chez le jeune « une attitude critique et réfléchie vis-à-vis de l'information » ?

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