En visite à Paris pour une importante conférence, le fondateur de MySQL et MariaDB, Michael Widenius, a répondu à nos questions. Création de MariaDB, protection du produit, volonté de ne pas reproduire le passé et arrivée du cloud sont autant de points que nous avons souhaité aborder.
Au départ un simple fork de MySQL
MariaDB est un « fork » du système de gestion de bases de données (SGBD) MySQL. Son créateur, Michael Widenius (le plus souvent surnommé Monty) était également l’auteur de MySQL, et lorsque celui-ci fut racheté par Sun en janvier 2008 pour un milliard de dollars, Widenius travailla un temps pour la firme. Le 5 février 2009, il annonce sa démission et fondera peu après sa propre société, Monty Program AB.
Le Finlandais souhaitait alors reprendre le développement d’un SGBD dans la lignée de MySQL, Sun ayant été racheté entre temps par Oracle. Widenius a toutefois adopté un modèle particulier pour ses activités : la totalité du code source est sous licence GPL mais tout code produit par les développeurs tiers doit être validé par son entreprise pour garder une cohérence. Entreprise qui, par ailleurs, appartient à ses employés, Widenius n’ayant lui-même aucune part.
L’objectif de MariaDB est de progresser tout en gardant une compatibilité absolue avec MySQL. Cela comprend notamment une équivalence des bibliothèques, des API et des commandes. Une équivalence qui permet à MariaDB d’arriver comme remplaçant de MySQL sans nécessiter de trop grands travaux. Wikipedia a d’ailleurs franchi le pas en décembre 2012. D’autres sociétés ont également été séduites : Particuliers à Particuliers, Pierre et Vacances, Center Parc, Paybox ou encore la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone).
Aujourd’hui aura également lieu une conférence durant laquelle de grands noms, intéressés par MariaDB, viendront prendre la température : les ministères de l’Industrie et de la Défense, l’ANSSI, Viadeo, la Fnac, l’UNESCO ainsi que plusieurs opérateurs tels que Free et Orange. À cette occasion, Michael Widenius est en visite à Paris et nous lui avons posé quelques questions au sujet de MariaDB.
Michael Widenius ne souhaite pas reproduire le passé
Interrogé sur le pourquoi de MariaDB, Widenius explique qu’il a « travaillé sur le code de MySQL depuis 2001. Je ne voulais pas voir tout ce travail disparaître parce qu’il était tombé dans de mauvaises mains. C’est la première raison ». Et par mauvaises mains, il faut bien comprendre Sun et donc Oracle. Il poursuit : « Ensuite, nous ne voulions pas perdre les connaissances accumulées avec les années par le groupe constitué d’amis et de collègues. Nous sommes devenus proches et je connais certains depuis 1995 ».
Deux éléments qui sont donc « les raisons pour lesquelles MariaDB a été créé, au sein d’une entreprise possédée intégralement par les employés. Le but était également de ne pas reproduire le passé de MySQL. C’est pourquoi nous avons choisi l’open source et la licence GPL, car la seule raison à un arrêt du projet serait que l’on perde nos développeurs. »
Nous avons voulu en savoir davantage sur le côté open source justement, et comment MariaDB et MySQL s’échangeaient éventuellement des technologies et des fonctionnalités. La situation est en fait ici relativement à sens unique : « Nous réalisons une intégration une fois par mois pour que MariaDB soit toujours en phase avec MySQL. De manière basique, nous intégrons tout ce qu’ils proposent, et bien davantage. Ils ne prennent en revanche rien de nous, à l’exception de quelques éléments mineurs ».
Il y a bien entendu une raison logique à ceci : MySQL n’est plus un projet à 100 % open source car il est distribué sous une licence double. Michael Widenius indique à ce sujet : « Oracle ne peut pas prendre notre code car il est en GPL. MySQL n’est plus vraiment open source mais open core, et des fonctionnalités sont en sources fermées ».
Plusieurs défenses pour préserver le produit
Mais finalement, comment MariaDB pourrait-il se défendre contre un avenir identique à celui de MySQL ? Widenius nous explique à ce propos que c’est précisément la raison pour laquelle l’entreprise Monty Program AB appartient à ses employés : pour éviter les offres agressives de rachat comme ce fut le cas avec MySQL. En outre, « MariaDB est sous licence GPL, et cela ne peut pas être changé ».
Une autre couche de protection a en outre été mise en place : « Même le nom du produit ne peut pas être changé, car nous avons créé la MariaDB Foundation qui protège justement tout ce qui est lié au projet ». En plus de protéger l’identité et le code source du projet, cette fondation assure également la promotion en étant la figure de proue de MariaDB, pour centraliser notamment les questions, les sponsors, ou encore pour vérifier que le produit reste dans sa ligne directrice.
L’impact de MariaDB actuellement sur le monde des bases de données est intéressant car il évolue rapidement et sur la base d’une vraie qualité selon Widenius. La migration de Wikipedia, nous précise-t-il, s’est faite très rapidement, mais il note surtout que l’encyclopédie en ligne utilisait une version de MySQL agrémentée de très nombreuses modifications pour optimiser les performances, réalisées en interne. Dans le cas de MariaDB, aucune modification n’a été réalisée, et c’est bien la version de base qui se trouve sur les serveurs.
La tâche d'huile des distributions Linux et le cloud
Un autre changement important est désormais l’inclusion par défaut dans une partie des distributions Linux. C’est le cas en particulier d’OpenSuse, Mageia, Gentoo, Slackware ou encore Arch Linux. On trouve en outre le SGBD dans les dépôts de pratiquement toutes les autres, notamment Fedora et Ubuntu. Fedora 19 franchira d’ailleurs le pas de l’intégration en mai prochain lors de la sortie de la version 19.
Et en ce qui concerne le Cloud ? Selon les précisions de Widenius, MariaDB a bien des projets en ce sens, et il faut d’ailleurs considérer deux axes principaux. Le premier concerne les améliorations propres au SGBD, à commencer par l’extensibilité, autrement dit la capacité du produit à s’adapter automatiquement à une montée en charge. Un critère majeur dans le cloud puisque les services distants sont souvent utilisés par des dizaines, voire des centaines de milliers de postes clients en même temps.
L’autre axe concerne le choix de MariaDB par des fournisseurs d’instances dans le cloud tels que Microsoft et Amazon. Les deux proposent ainsi des instances MySQL, mais qu’en est-il de MariaDB ? Michael Widenius nous indique à ce sujet que des discussions sont ouvertes pour travailler sur ce point. Amazon en particulier s’appuie beaucoup sur les distributions Linux pour MySQL : « plus les distributions migreront vers MariaDB, plus vite Amazon le proposera ». Pour Widenius, cela ouvrirait d’ailleurs une nouvelle page de l’histoire du produit car une collaboration avec Amazon par exemple permettrait une meilleure optimisation pour le cloud.
Quoi qu’il en soit, le futur semble ouvrir ses bras à MariaDB et il n’est pas impossible que le produit ait totalement remplacé MySQL dans les années qui viennent. MariaDB se retrouvera progressivement en confrontation directe avec de gros produits tels qu’Oracle et SQL Server, mais également avec d’autres issus du monde open source, tels que Cassandra de la fondation Apache. Enfin, ceux qui se demandent pourquoi MariaDB s’appelle ainsi, sachez qu’il s’agit simplement du prénom de la plus jeune fille de Michael Widenius. La recette fut la même à l’époque de MySQL : My est le prénom de sa fille aînée, et il se prononce d’ailleurs « Mi ».
Sur le site officiel, on pourra télécharger la dernière version stable du produit.