Un site Internet français avait évoqué dans trois articles publiés les 14, 28 juillet et 8 septembre 2011 la mort d’Abdellah S., présenté comme ancien garde du corps de Mohamed VI et commissaire de police. Une action en diffamation fut intentée contre ces trois articles en décembre 2011. Les contenus furent finalement jugés non diffamatoires, mais l’intérêt du jugement du TGI de Paris porte sur le calcul de la prescription de l’action en diffamation.
Selon l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, les actions en diffamation se prescrivent « après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ». Pour les articles publiés sur Internet, le point de départ est fixé au jour de la première mise en ligne. C’est à partir de là que se décomptent les trois mois et c’est au-delà de ce délai que toute action devient en principe impossible sur le terrain de la diffamation.
En principe, seulement. La 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement diffusé par Legalis, rappelle qu’ « une nouvelle mesure de publication du même texte fait courir un nouveau délai de prescription puisque le délit est à nouveau commis, c’est pourquoi la réédition d’un livre fait courir un nouveau délai de prescription ».
Mais dans l’univers Internet, les choses se corsent : le même TGI considère en effet qu’« il en va de même, pour des propos figurant sur le réseau internet, de la création d’un lien dit hypertexte permettant d’accéder directement à un article plus ancien, (...) la création d’un tel lien doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie ». Un article diffamatoire publié en 2003 mais appelé par lien dans un article de mars 2013 pourra donc être poursuivi.
Dans l’affaire qu’il avait à juger, l’article du 14 juillet était hors délai de cette action intentée le 5 décembre 2011. Il aurait dû être écarté mécaniquement par le TGI, sauf que l’article cité par un lien dans l’article du 8 septembre fut à cet instant ravivé et republié. « Il s’en déduit que l’article initialement mis en ligne le 14 juillet 2011 a fait l’objet d’une nouvelle publication le 8 septembre suivant en raison de l’insertion ans l’article publié à cette date, d’un lien hypertexte permettant au lecteur d’accéder directement à cet article plus ancien ».
En comparaison, l’article du 28 juillet 2011 n'a lui été appelé par aucun lien. Le délai de trois mois a donc expiré le 29 octobre 2011.